Par Chris Lehman (revue presse : In These Times – extraits – 23/5/17)*
Un livre récent explique qu’entre les mains des militaires, les signes de la fin du monde deviennent des prophéties de droit.
…(…)… Dans son livre, le syndrome américain : l’Apocalypse, la Guerre et nos Appels à la grandeur (The American Syndrome : Apocalypse, War and Our Calls to Greatness) Betsy Hartmann trace notre obsession de l’apocalypse à l’époque des Puritains et son argumentation est lourde de sens. L’Amérique a, pendant des siècles, courtisé cette calamité qu’est la fin du monde, élément crucial dans la manière originale de notre pays de conduire une guerre. De nous imaginer, continuellement, au bord d’une catastrophe, nous avons rationalisé les interventions militaires, les unes après les autres. Cette obsession de nous projeter comme les acteurs principaux d’un drame historique provient, selon Hartmann, de notre culture protestante, qui a engendré ce sens inné d’être les Elus de notre nation. « Que les Américains soient spéciaux et exceptionnels, le peuple élu pour réaliser la volonté de Dieu ou sinon en souffrir les pires conséquences, est une vérité qui ne prête pas à démenti ». « Ainsi, est aussi la croyance que la guerre est de droit divin ».
La guerre du roi Philippe, une campagne du 17ème siècle pour exterminer les Américains autochtones- a encouragé les colons dans leurs rêves de protecteurs de la civilisation chrétienne. Cotton Matther a commémoré la migration des Puritains vers le nouveau monde comme « le dernier conflit contre l’ante- Christ et le signe avant-coureur du millénium imminent ».
Pour Hartmann, nous devons briser cette addiction à une fantaisie apocalyptique défigurant le monde en faveur « d’un optimisme pratique et global comme celui exprimé sur une plaque du Parlement écossais ; « Travaille comme si tu vivais aux premiers jours d’une nation meilleure ». Elle critique par ailleurs, la rhétorique catastrophique de l’environnementalisme moderne. Elle fait exploser le spectre de la surpopulation et de la menace si présente du changement de climat, montrant comment l’état d’esprit d’un militarisme apocalyptique domine le mouvement pour sauver la planète. La « bombe de la population » devient maintenant une fantaisie raciste et impérialiste. Du Malthusianisme, elle écrit : « Il a convaincu de nombreuses personnes, d’un autre côté, bien intentionnées, qu’il était juste de limiter les droits humains à la reproduction des pauvres chez nous et à l’étranger afin de nous sauver ainsi que la planète d’une ruine certaine ».
Pareillement, les efforts pour diminuer les émissions de carbone glissent très vite vers une vision d’un ordre social mû par la violence et anarchique sur les confins de la civilisation occidentale, symbolisée par des hordes de « réfugiés climatiques » fuyant les océans en crue et la déforestation. Comme Hartmann le note, ces hordes ne sont, en réalité, que des migrants économiques normaux. Ils peuvent peut-être s’extraire de situations exacerbées par des températures en hausse, mais beaucoup sont déjà engagés dans une recherche migratoire de travail saisonnier.
Des dirigeants politiques comme John Kerry, Barack Obama ou Bernie Sanders ont tous accepté cette version des faits en attribuant la crise des réfugiés syriens à la sécheresse due au climat, dissociant la diminution des ressources du régime de Bachar al-Assad des conséquences de ses actes. Cela « a créé l’impression qu’une telle migration est un « phénomène normal » qui ne finira jamais. Harthman écrit : « Plutôt que de la voir comme une crise aux racines politiques, limitée dans le temps, on nous a encouragé à croire que nous entrions dans un monde d’urgence permanente ».
Et maintenant voici la question de sécurité nationale américaine. Les militaires ont déjà convenu de désigner le changement de climat comme une menace de sécurité nationale de première priorité, une position acclamée par les écologistes.
Mais Hartmann nous invite à être prudents dans ce que nous voulons. Au travers de la sécurisation du changement de climat et le désastre en réponse, on nous apprend à craindre les Noirs que le réchauffement mondial est censé déverser…(…)… Plus nous acceptons cette vision apocalyptique et raciste de l’avenir, plus nous concédons de pouvoir aux militaires.
Et ça, c’est notre plus court chemin vers l’apocalypse maintenant.
Chris Lehmann est l’auteur de The Money Cult: Capitalism, Christianity, and the Unmaking of the American Dream (Melville House, 2016).
Traduction et Synthèse : Xavière Jardez
*Source : In These Times