Ils mettent à nu la bassesse de leur esprit
par Jihad El Khazen, Al Hayat,
Londres, 31 mars 2006.
Traduit de l’arabe par Ahmed Manaï,
Je n’ai jamais imaginé, de ma vie, pouvoir lire un jour, ce que moi-même et d’autres auteurs arabes avons écrit depuis des décennies, sur les USA, Israël, le lobby, et la queue qui fait bouger le chien, et ce sous la plume de deux illustres universitaires usaméricains. Pourtant c’est ce qui vient de se produire après la publication par le professeur John Mearsheimer, du département des sciences politiques à l’université de Chicago et le professeur Stephen Walt, doyen de la faculté J.F.Kennedy de l’université de Harvard, d’une étude intitulée « Le lobby israélien et la politique étrangère américaine », qui a soulevé une tempête politique et académique qui ne s’éteindra pas de sitôt. L’université Harvard a retiré son nom de l’étude et le professeur Walt a perdu, illico, son poste de doyen de la faculté J.F.Kennedy. L’étude tient en 81 pages dont la moitié est constituée de références. On lit dans la première page, que le soutien usaméricain total à Israël, conjugué avec les efforts de répandre la démocratie, ont menacé la sécurité usaméricaine et les auteurs se demandent comment les USA ont accepté de mettre leur sécurité de côté pour servir les intérêts d’un Etat tiers ?
La réponse : c’est le lobby israélien, hégémonique jusqu’à la suffocation, qui domine le Congrès, oriente les médias et empêche tout débat sur le sujet. Nous l’avons tous dit et répété, mais l’intérêt de le réitérer aujourd’hui, est qu’il n’émane pas d’un protagoniste dans le conflit, condamné d’avance et avant qu’il n’ouvre le bec, mais d’un professeur de l’université de Chicago d’où sont partis les étudiants de Léo Strauss à la liquidation des intérêts usaméricains et au service d’Israël, et d’un autre professeur, dans la meilleure faculté de sciences politiques, dans une université, Harvard, considérée comme la meilleure au monde, en m’excusant auprès d’Oxford et de Cambridge.
Les références citées et accompagnant l’étude, ont autant d’importance que l’étude elle-même. C’est pour cela que j’ai suggéré à mes amis en Arabie Saoudite et au Liban de traduire l’ensemble de l’étude et de la distribuer gratuitement à travers le monde arabe et en même temps de la publier dans sa langue d’origine et de la diffuser partout.
Les partisans d’Israël sont devenus doublement fous à sa lecture. La première fois, à cause de son contenu et la seconde, parce que la plupart d’entre eux a choisi de ne pas répondre aux auteurs, afin de ne pas leur assurer ainsi qu’à l’étude, une publicité gratuite. Ils ont choisi cependant d’imposer aux deux auteurs, les sinistres procédés oppressifs likoudiens et kadimiens.
Ceux qui ont choisi d’y répondre ont démontré la véracité de chaque ligne de l’étude et mis à nu la bassesse de leur esprit. Ainsi, j’ai lu une critique sur un site de néocons extrémistes, au titre révélateur « Les nouveaux protocoles de Harvard des sages de Sion », qui conclut en rappelant aux gens la Shoah, comme si le génocide de millions de Juifs par les Européens justifiait que ces derniers spolient la terre des Palestiniens, démolissent leur vie et assassinent leurs femmes et leurs enfants.
Le pire des néocons actuellement est Alan Dershowitz, l’avocat de OG Simpson l’auteur d’un livre sur Israël, qui a été complètement démoli par l’auteur de « l’industrie de l’holocauste », Norman Finkelstein, dans son dernier livre « Au-delà du culot » [Beyond Chutzpah]. Le nom de Dershowitz a été cité dans l’étude incidemment, comme mes excuses à Israël, mais il décida de répondre aux auteurs, pour mettre les choses au point, c’est-à-dire pour persister dans le mensonge et défendre, non pas l’assassin d’un individu, mais les assassins de l’armée israélienne et le gouvernement des criminels de guerre.
Les partisans d’Israël ont un tel culot qu’ils défendent le lobby et deux d’entre eux se trouvent confrontés à la justice sous l’inculpation d’espionnage au profit d’Israël. Mais c’est un détail pour eux, tant ils sont habitués à donner la priorité aux intérêts israéliens sur ceux de leur pays. C’est ce que nous avons toujours dit et il y a, fort heureusement, deux éminents universitaires usaméricains, qui sont venus le confirmer.
Les deux universitaires disent qu’Israël et ses partisans ont poussé les USA dans la guerre contre l’Irak. Leur étude comporte des références sûres à des gens crédibles et inattaquables, confirmant cette thèse. Pourtant Abraham Foxman, directeur de l’Alliance de lutte contre l’anti-judaïsme, B’nai Brith, a démenti qu’Israël et ses partisans aient un quelconque rapport avec la guerre contre l’Irak, exprimant ses craintes qu’une telle allégation puisse être utilisée pour présenter cette guerre comme « la guerre des juifs » et la « guerre d’Israël ».
C’est en effet la guerre d’Israël et il suffit de se rappeler qu’il y avait parmi ses instigateurs, Paul Wolfovitz, Richard Perle et Douglas Faith, pour s’en convaincre. J’estime pour ma part, que ce sont les ultras de la bande des néocons, par leur extêmisme et leur va-t-en guerre qui sont responsables de la propagation de la haine des juifs et des USA, alors que la majorité des juifs à travers le monde n’a rien à voir avec ces extrémistes, la plupart des sondages en Israël et ailleurs dans le monde, a montré que les Juifs étaient partisans de la paix.
Dans les réactions à cette étude, la plus curieuse, parce que la plus modérée dans la défense d’Israël, a été celle du journal Haaretz, alors que les extrémistes usaméricains, à dix mille kms du feu qui consume Israéliens et Palestiniens, étaient les plus ultras. Ils le resteront tant que leurs fils et leurs filles ne s’exposeront pas à ce feu. C’est ce qui me permet de dire que la nouvelle Knesset, comme la précédente, restera meilleure que le Congrès américain, parce que la moitié de ses 120 députés sont des libéraux, se positionnent au centre et qu’on peut faire la paix avec eux. Alors que sur les 535 membres des deux chambres du Congrès, il n’y en a pas plus de dix qui soient modérés.
J’ajouterai ces deux points importants de l’étude : le premier concerne l’alliance du lobby avec les fondamentalistes chrétiens et leurs dirigeants les plus en vue, tels que Gary Bauer, Jerry Falwell, Ralph Reed, Pat Robertson, Deack Armey et Tom DeLay. Le second point concerne l’accusation d’antisémitisme distribuée gratuitement à tous ceux qui les contredisent ou dénoncent la dérive de la politique israélienne. Accusation éculée, tant on en a abusé. Retour au début de mon article : cette étude mérite d’être distribuée à très grande échelle dans le monde arabe, mais mieux encore dans son édition originale en anglais, à travers le monde entier. Ses auteurs, deux éminents universitaires d’un grand niveau, étrangers au conflit avec Israël et qu’on ne peut donc taxer d’un quelconque parti pris avec l’un des belligérants. J’ai lu, dans un premier temps, un résumé de cette étude, publié dans le mensuel « London Review of Books » qui s’occupe de présenter des livres, puis j’ai retrouvé l’étude intégrale sur internet : http://ksgnotes1.harvard.edu/Research/wpaper.nsf/rwp/RWP06-011.
Le professeur Mearsheimer a déclaré dans une interview à la presse qu’il n’existe pas un éditeur usaméricain qui accepterait ou aurait l’audace de publier cette étude. Je crois que les maisons arabes d’édition n’auraient pas de problème de ce genre.
Traduit de l’arabe par Ahmed Manaï,