« Venezuela. L’opposition sort groggy du scrutin »
Les appels à manifester ne sont pas suivis. En résidence surveillée, Leopoldo Lopez a été placé en détention.
Tout se passe au Venezuela comme si l’opposition avait été prise de court. Peut-être dopée par l’écho démesuré fait par les médias internationaux aux manifestations organisées depuis plusieurs mois contre le pouvoir, la droite n’a pas pensé un seul instant que plus de 8 millions de Vénézuéliens allaient se déplacer pour participer à l’élection de l’Assemblée nationale constituante (ANC). 41,5 %, alors que l’opposition appelait au boycott, c’est, dans n’importe quel pays du monde, une légitimité. Même Michael Shifter, président du cercle de réflexion Dialogue inter-américain, basé à Washington, abondamment cité par l’Agence France Presse (AFP) ces dernières semaines comme une voix autorisée, est inquiet. C’est dire ! Il a assuré que certains secteurs de l’opposition « sont démoralisés » après le vote et que le principal défi de ses dirigeants « sera de maintenir les protestations ». Lundi, bien qu’un appel ait été lancé, Caracas était effectivement calme. Même les quartiers est de la ville, à Miranda, avaient retrouvé une certaine sérénité.
Les États-Unis, principaux soutiens de la droite, ont également semblé été ébranlés. La veille du scrutin, Washington parlait de sanctions économiques nouvelles contre le Venezuela. « Les élections illégitimes d’hier confirment que Maduro est un dictateur qui méprise la volonté du peuple vénézuélien », tonnait, lundi, le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin. Mais il se bornait à annoncer le « gel » de « tous les avoirs » que posséderait le président vénézuélien aux États-Unis. Histoire de faire croire que Maduro planquerait son magot chez les Yankees alors qu’il tuerait son peuple à petit feu. Une vieille pratique déjà utilisée contre l’actuel vice-président du Venezuela, Tareck El Aissami, qu’il avait dénoncée – parce qu’il ne possède pas un centime en dehors du pays – dans une pleine page du New York Times !
Hier, les deux principaux dirigeants de l’opposition, Leopoldo Lopez, fondateur du parti Voluntad Popular (voir notre article : Leopoldo Lopez, un délinquant de première, soutenu par Washington), et le maire de Caracas, Antonio Ledezma, qui étaient tous deux en résidence surveillée, ont été placés en détention. « Nous avons reçu des informations des services de renseignement qui faisaient état d’un plan d’évasion », a indiqué la Cour suprême dans un communiqué où il est également précisé que les deux opposants n’ont pas respecté leurs « conditions de détention » à domicile, interdisant tout « prosélytisme politique ».
Leopoldo Lopez, un délinquant de première, soutenu par Washington
C’est l’une des figures de l’opposition et l’homme clé de la stratégie américaine. Son parcours : violence, détournement et tentative de coup d’État.
À la veille du scrutin vénézuélien, le vice-président américain, Mike Pence, s’est fendu d’un appel téléphonique à Leopoldo Lopez, l’une des figures de l’opposition, pour le féliciter de « son courage et sa défense de la démocratie vénézuélienne ». Mais qui est Lopez ? Une gueule de Brad Pitt latino ou un Delon aux traits gras, comme on voudra, genre voyou beau gosse. Ce qu’il semble effectivement être, son CV comportant des accusations de corruption, de coups, d’incitation à la violence, et même de tentative de coup d’État. Déclaré coupable par la procureure générale de l’époque, Luisa Ortega, en 2014, il a écopé, en 2015, d’une condamnation à treize ans et neuf mois de détention, et se trouve actuellement en résidence surveillée, extrait de sa prison récemment pour raisons de santé. Il a reçu le soutien de « démocrates » aussi célèbres que le Mexicain Felipe Calderon, dont la guerre de la drogue a fait 100 000 morts, ou le milliardaire chilien proche de Pinochet, Sebastian Pinera.
De droite, Leopoldo Lopez l’a toujours été. Et il aime l’argent. Né en 1971, diplômé aux États-Unis, il est rentré au Venezuela pour travailler, de 1996 à 1999, dans la compagnie pétrolière PDVSA, où il va se faire remarquer : une enquête conclut que Lopez a « volé de l’argent et a pratiqué le trafic d’influence », ce qui lui a permis de détourner de l’argent pour financer son mouvement. Il sera suspendu, mais peu lui importe. Il est vrai que sa position et ses idées politiques lui ont permis de rencontrer beaucoup de monde. Évidemment, avec l’élection de Chavez, il va s’affirmer comme l’un des fers de lance de l’opposition. À partir de 2002, il se rend souvent à Washington, où il rencontre la famille Bush et visite l’International Républican Institute (IRI), qui fait partie du National Endowment for Democracy (NED, dotation nationale pour la démocratie), qui va injecter des dizaines de millions de dollars dans les groupes d’opposition au Venezuela, dont celui de Lopez, Justice First (la justice d’abord, sic).
En 2002 toujours, Leopoldo Lopez fait partie de la marche de l’opposition venue s’affronter avec les partisans d’Hugo Chavez qui manifestaient devant le palais présidentiel de Miraflores. Une expédition punitive, préméditée, qui se soldera par la mort de douzaines de personnes. Le but était de justifier le coup d’État et le kidnapping de Chavez. On ne s’étonnera donc pas de savoir que, de 2000 à 2008, Lopez a été le maire du riche quartier de Caracas, Chacao. L’un des quartiers les plus violents ces derniers jours pour s’opposer à l’élection de la Constituante.
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Pierre Barbancey, envoyé spécial à Caracas de L’Humanité
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