Par Pierre Barbancey (revue de presse : L’Humanité.fr – 2/9/17)*
Un diplomate israélien a écrit officiellement, Mercredi 30 Août 2017, à des députés français pour leur donner la version de Tel Aviv sur l’emprisonnement du jeune militant franco-palestinien, une lettre bourrée de fausses informations et de reprises de faits contredits par la justice française elle-même en son temps. Visiblement la mobilisation pour la libération de Salah Hamouri gêne Tel Aviv, malgré le silence d’Emmanuel Macron et de son ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.
La mobilisation pour la libération de Salah Hamouri se poursuit et s’amplifie. Après un premier rassemblement devant le ministère des affaires étrangères, Jeudi 31 Août 2017, à Paris, d’autres se sont tenus, notamment à Martigues et à Mitry-Mory. Une délégation a été reçue, Jeudi 31 Août 2017, au ministère français des affaires étrangères mais, visiblement, les autorités françaises refusent de prendre la mesure de ce qui se passe. Un citoyen français est placé en détention administrative sur la base d’un dossier secret, donc illégalement au regard du droit international. C’est d’ailleurs le ministre israélien de la défense, Avigdor Liberman, connu pour ses déclarations racistes, anti-arabes et anti-palestiniennes, opposé à tout accord avec les palestiniens, qui a lui-même signé l’ordre de mise en détention administrative de Salah Hamouri. Jean-Yves Le Drian, ministre français des affaires étrangères, n’a pas jugé utile de recevoir lui-même la délégation, ni même envoyer un membre de son cabinet, qui aurait traduit son souci politique. Un haut-fonctionnaire a écouté les arguments de Bertrand Heilbronn, président de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) et de Patrick Le Hyaric, député européen. Mais nous nous doutons bien, quelles que soient ses compétences, qu’il n’avait aucune latitude pour répondre. Le site internet du magazine l’Express cite le ministère des affaires étrangères qui a exprimé sa « préoccupation face au recours extensif à la détention administrative » et qui « appelle, par ailleurs, les autorités israéliennes à permettre à son épouse française et à leur enfant de lui rendre visite ». C’est étonnant parce que l’épouse française de Salah Hamouri a été refoulée la dernière fois qu’elle a voulu, avec leur bébé, rejoindre son mari, dont elle se trouve séparée de fait. De plus, il ne s’agit pas de lui rendre visite mais d’obtenir sa libération.
A l’Elysée, c’est pire, on ne daigne même pas répondre aux courriers des députés et des sénateurs du Parti Communiste Français (PCF) qui ont interpellé, dès le premier jour, le président de la république. Est-ce par ce silence qu’il faut comprendre l’assertion d’Emmanuel Macron lors de son discours devant les ambassadeurs prononcé Mardi 29 Août 2017 et dans lequel il affirme « qu’il est fondamental que la France continue à peser sur la question israélo-palestinienne ». Est-ce par ce silence qu’il entend retrouver « la voie d’une France reprenant son rang parmi les nations en Europe, répondant aux défis du monde actuel et faisant entendre clairement son point de vue ».
C’est dans ce contexte qu’advient le plus révoltant. Une lettre de l’ambassade d’Israël en France, datée du Mercredi 30 Août 2017, reçue par le député socialiste de la Loire, Régis Juanico, qui, contacté par l’AFPS de ce département au même titre que tous les parlementaires, est intervenu auprès du gouvernement français pour obtenir des explications sur le sort de Salah Hamouri. En aucun cas il n’a contacté l’ambassade d’Israël. Celle-ci semble donc sur la défensive et tente de s’adresser directement à la représentation française pour éviter toute mobilisation en faveur de Salah Hamouri et particulièrement de la part des parlementaires.
Marc Attali, ministre plénipotentiaire de l’ambassade israélienne, a pris la plume et aligne contre vérité sur contre vérité, mensonge sur mensonge. Il mélange ainsi les raisons de son arrestation, « son appartenance à une organisation terroriste illégale, son rôle de leader au sein de cette organisation et sa participation dans le complot destiné à assassiner le rabbin Ovadia Yossef », le 13 mars 2005, avec la condamnation in fine qui ne concerne que le troisième point et n’a de toute manière aucune valeur puisque Salah Hamouri n’a plaidé coupable que pour éviter une peine de quatorze ans de prison.
Jean-Claude Lefort, député honoraire et ancien président du comité de soutien à Salah Hamouri, qui a publié une « mise au point au sujet des mensonges » de l’ambassade d’Israël, rappelle que, dans une lettre en date du 31 mars 2011, Alain Juppé, alors ministre des affaires étrangères, écrivait que « je déplore que les autorités israéliennes n’aient pas pris de décision de remise de peine, d’autant que les aveux faits à l’audience n’ont été corroborés par aucun élément de preuve ».
Plus grave encore, le ministre plénipotentiaire affirme que, dans une interview pour l’agence Reuters, Salah Hamouri « a confirmé son implication dans le projet d’attentat, affirmant que lui et ses complices avaient « tous les droits d’assassiner le grand rabbin » ». Nous ne ferons pas l’insulte à ce diplomate de croire qu’il n’est au courant de rien. En revanche, nous pouvons penser qu’il tente d’induire en erreur les députés français par des mensonges.
Là encore, Jean-Claude Lefort démontre l’entreprise de désinformation de l’ambassade. « Ces propos de Salah Hamouri n’existent tout simplement pas et le ministre serait bien en peine d’apporter la preuve de leur existence », écrit-il, « nous le mettons au défi de le faire ». Ce qui est exact, par contre, c’est que l’agence Reuters avait publié une dépêche affirmant que Salah Hamouri avait dit que le rabbin méritait de mourir. Mais là encore, il s’agissait d’un faux. Non seulement Salah Hamouri démentait sur le champ ces propos mais l’agence Reuters, bandes sonores à l’appui, faisaient aussi un démenti. Mieux encore, la famille de Salah Hamouri enclenchait un procès contre Reuters. Le tribunal rendit son jugement le 10 juin 2013 dans lequel l’agence admettait son erreur et le fait que Salah Hamouri n’a jamais tenu les propos incriminés. C’est dire si les manipulations se situent au coeur même de l’information.
Passons sur le fait que le diplomate israélien, pour montrer la dangerosité de Salah Hamouri, s’appuie sur le fait qu’il « a été interdit d’accès par les services de sécurité israéliens à la région de la Judée-Samarie en 2015 et en 2016 ». La Judée-Samarie n’existe que dans la bible. Il s’agit en fait de la Cisjordanie, territoire palestinien occupé. Jean-Claude Lefort se gausse, « on notera l’absurdité des propos du ministre puisque, au nom de la sécurité d’Israël, Salah Hamouri était interdit d’entrer en Palestine ».
Voilà, selon l’ambassade d’Israël en France, ce qui expliquerait la détention administrative de Salah Hamouri. Cette ambassade aurait-elle eu accès à un dossier que même les avocats du militant franco-palestinien ne peuvent consulter ?
Pour Jean-Claude Lefort, « le ministre invente une raison, assis derrière son bureau de Paris, Salah Hamouri serait membre du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP) ».
Outre que cette accusation remonte déjà à plus de dix ans en arrière, on se demande bien pourquoi elle ressortirait brutalement. Mais surtout elle est tout simplement fausse.
Source : L’Humanité