Adelhakim Belhadj. Né en Libye 1966. Ingénieur de formation de l’Université de Tripoli.
Écouté presque religieusement par les diplomates du Quai d’Orsay à la grande époque où la France tentait encore d’assurer le service après-vente de la guerre d’agression de 2011.
Ainsi, il sera reçu discrètement le 2 mai 2014 par la sous-direction Afrique du Nord au Ministère des Affaires Étrangères quelques heures avant de donner une interview en arabe sur France 24.
Bon ami de certains journalistes français, dont une naïve du journal Le Monde qui méritera d’être nommée en Russie au lieu de développer son expertise du Maghreb, après lui avoir servi de « nègre » pour l’écriture d’un livre.
Reçu avec tous les honneurs qu’il semblait alors mériter aux yeux de certains par l’honorable et universitaire Institut de Recherche et d’Études Maghreb Moyen-Orient – IREMMO – le 30 avril 2014, à l’occasion de la présentation du livre Du Djihad aux urnes, le parcours singulier d’Abdelhakim Belhadj qu’il venait de publier avec Isabelle Mandraud chez Stock.
« Cet homme que vous avez devant vous est un criminel contre l’humanité, un bourreau tortionnaire qui a régné sur un abattoir humain installé dans un hôtel désaffecté lors de la chute de Kadhafi. Assassin ! Assassin ! Criminel ! »
lance avec force et vigueur Franck Pucciarelli, coordinateur du Comité Révolutionnaire International pour l’Europe lors de cette conférence bon chic bon genre.
Et il interpellera journalistes, experts et diplomates du Quai d’Orsay présents dans la salle en stigmatisant on ne peut plus clairement la complicité de la France avec ce djihadiste en costume-cravate. Ce qui lui valut une rétention de cinq heures au commissariat du quartier et de devenir une cible privilégiée pour Abdelhakim Belhadj et ses réseaux de support au sein des services de l’État français.
Drôle de pays et étrange politique de lutte antiterroriste.
Abdelhakim Belhadj : ancien djihadiste en Afghanistan aux côtés d’Oussama Ben Laden, contre les Russes, puis en Irak. Nommé Émir d’un groupe Afghan d’Al Quaïda dans la seconde moitié des années 90.
Auteur en août 2011 d’une annonce sur un chaîne Qatari : « c’est moi le chef du conseil militaire et j’ai libéré Tripoli », ceci depuis la résidence de Mouammar Kadhafi, assassiné auparavant par un agent français infiltré dans un groupe dit « rebelle ».
Patron d’une compagnie aérienne financée à hauteur de 750 millions de dollars par le Qatar, interdite d’atterrissage à Tripoli puis autorisée sur l’aéroport militaire de Mitiga qu’il contrôle après la destruction de l’aéroport international de Tripoli par ses milices en 2013.
Milliardaire, bien sûr, fort bien enrichi depuis l’occupation étrangère de la Jamahiriya Arabe Libyenne (la Libye, autrement dit). Sans oublier les 75 millions découverts dans la villa du chef d’État Libyen assassiné en 2011 sur ordre d’un autre chef d’État étranger, un certain Nicolas Sarkozy.
Exilé désormais un jour en Turquie, un jour au Qatar.
Listé par l’Arabie Saoudite depuis début mars 2015 comme terroriste et officiellement recherché par Interpol qui a transmis sa fiche à ses 190 États membres à partir d’une requête égyptienne.
Selon l’ancien Premier ministre José María Aznar, il est suspecté par la justice espagnole d’être impliqué dans les attentats du 11 mars 2004 à Madrid, si ce n’est d’en être le commanditaire.
Payé par le MI6 britannique pour tenter d’assassiner Kadhafi dans les années 90, arrêté et torturé en 2004 par les américains, puis remis à la Libye, torturé par des agents anglais, emprisonné pendant 7 ans, libéré en 2010 par Mouammar Kadhafi, qu’il trahira très vite au profit des Frères Musulmans, avant de jouer un rôle majeur au moment de l’agression occidentale de 2011 contre la Libye et son chef d’État, avec le soutien et la bénédiction toute chrétienne de l’Otan et de la France.
Auteur de tortures lui-même contre des hauts fonctionnaires libyens après 2011.
Une plainte court sur son compte à Paris, auprès de la juge Emmanuelle Ducros, déposée par Maître Éric Moutet, avocat de Taher Dahech, haut fonctionnaire libyen, lui-même toujours empêché de venir en France pour répondre aux convocations de la juge afin de témoigner des faits dont il a été victime.
Convoqué par cette même juge à la sortie de sa conférence à l’IREMMO du 30 avril 2014, Abdelhakim Belhadj écourtera son séjour à Paris pour échapper à cette convocation en justice.
Chef historique du groupe daechiste d’où est issu le terroriste de 22 ans Salman Abedi, entraîné à Tripoli dès l’âge de 16 ans pendant ses vacances, dans les camps militaires contrôlés par Abdelhakim Belhadj, et auteur de l’attentat de Manchester du 22 mai 2017. Vingt trois morts et cent seize blessés.
Grand ami du Tunisien Chafik Jarraya, affairiste et corrupteur, amateur du pétrole de Tataouine et financier des cellules de Daech en Tunisie, emprisonné à ce jour par les autorités tunisiennes pour atteinte à la sûreté de l’État.
Chef de milices diverses et variées en Libye, importateur de terroristes de Daech de l’Irak ou la Syrie vers la Libye.
Le service Action de notre DGSE (hors contrôle du Quai d’Orsay ?) a coulé en 2015 un bateau sous pavillon grec qui transportaient des armes en provenance de Serbie à destination des milices takfiristes sous contrôle du personnage. Importateur d’armes depuis la Serbie de 2011 à 2015 au profit des Daechistes de Libye.
Responsable de l’assassinat de l’ambassadeur serbe en Libye cette année 2017 ; officiellement mort en Tunisie d’un accident de voiture, réellement assassiné dans la banlieue de Tripoli par une milice aux ordres de Belhadj. Trop bien informé, trop dangereux : le terroriste en costume tant apprécié de certains diplomates français ordonnera donc sa mort.
Sa modeste fortune de plusieurs milliards de dollars lui permet, pour redorer son image de pauvre victime du méchant Kadhafi, de financer, notamment, des médias comme Jeune Afrique, propriété par ailleurs de la famille de Sassou Nguesso, le président du Congo Brazzaville.
Ce même Congo où les importants investissements de la Jamahiriya Arabe Libyenne sont encore aujourd’hui gérés par les milices mafieuses de Misrata et de Tripoli. Chef, parrain, patron des dites milices : Abdelhakim Belhadj.
En même temps que candidat (malheureux) aux pseudo-élections libyennes en 2012.
Grand trafiquant des migrants économiques africains recrutés par ses agences de voyage vers la mort en partance vers la Grèce ou l’Italie et candidats à la noyade ordinaire en Méditerranée. Ses bonnes relations avec la diplomatie italienne l’aident bien dans ce genre d’affaires.
Pardon à tous les morts que ce personnage soutenu par la France a assassinés.
Le Bureau des Droits de l’Homme de la Mission de l’ONU pour la Libye continue à ce jour à ne pas rendre publics les crimes de guerre commis par Abdelhakim Belhadj et ses hommes de 2011 à 2015.
J’ai une question pour ces messieurs et dames des services compétents de l’État Français, du côté des bords de Seine où j’aime tant flâner certains jours, sans pouvoir m’empêcher de penser aux dizaines de milliers de morts dont mon pays a été responsable en Libye, pour de sordides affaires d’égo démesurés assoiffés de pouvoir, d’argent et de mensonges en tout genre.
Comment et pourquoi certains diplomates du Quai d’Orsay, à la belle époque de Juppé, Fabius et Ayrault, ont-ils déroulé un tapis rouge à un tel personnage, terroriste notoire, considéré par beaucoup d’observateurs comme le patron de Daech pour la Libye ?
Pourquoi donc et comment se fait-il que des bandes organisées de criminels en lien avec les pires terroristes de l’heure ont pu utiliser les institutions de l’État français pour soutenir, encourager, accompagner et accueillir un tel individu lourdement impliqué dans plusieurs attentats en Europe ces dernières années ?
J’aimerai bien des explications un peu sérieuses.
Je doute de les obtenir, malgré l’arrivée du nouveau ministre des Affaires Étrangères, M. Jean-Yves Le Drian qui, du temps où il était aux manettes de la Défense, se battait justement avec le Quai d’Orsay de l’époque au sujet de ce personnage pour le moins haut en couleurs : couleur du sang sur les mains et dans le portefeuille, couleur de ses costumes bleus-gris impeccablement coupés de Frère Musulman dont l’ambassadeur de France pour la Libye disait encore l’an dernier le plus grand bien.
Je retiens néanmoins que M. le Président de la République Emmanuel Macron a déclaré le 21 juin dernier :
La démocratie ne se fait pas depuis l’extérieur à l’insu des peuples. La France n’a pas participé à la guerre en Irak et elle a eu raison. Et elle a eu tort de faire la guerre de cette manière en Libye. Quel fut le résultat de ces interventions ? Des États faillis dans lesquels prospèrent les groupes terroristes. Je ne veux pas de cela en Syrie.
C’est peut-être là le prolégomène d’une esquisse de réponse à mes questions de ce jour à propos des relations obscures de certains diplomates du Quai d’Orsay avec le terroriste financier et politique djihadiste Abdelhakim Belhadj entre 2011 et 2017.
Cristina Martinez – 15 septembre 2017.