« Macron, Maduro et Saint-Martin, d’une instrumentalisation l’autre »
Au sommet de l’hystérie qui est décidément son mode habituel de fonctionnement, Emmanuel Macron, Monsieur-15% du corps électoral, avait déclaré le 30 août, à propos du Venezuela et de la révolution bolivarienne: «Nos concitoyens ne comprennent pas comment certains ont pu être aussi complaisants avec le régime qui est en train de se mettre en place au Venezuela. Une dictature qui tente de se survivre au prix d’une détresse humanitaire sans précédent, alors même que les ressources de ce pays restent considérables ».
En disant cela, Emmanuel Macron s’offrait déjà le petit plaisir de l’instrumentalisation implicite de la question vénézuélienne à des fins intérieures pour contrer par ce bien pauvre argument ses seuls opposants dignes de ce nom, La France Insoumise et les communistes qui n’ont pas sombré, contrairement à la quasi-totalité du monde médiatique et politique, dans la lecture caricaturale de ce qui est en jeu à Caracas.
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La petite Venise au secours des inondés
Plus grave, Macron donnait de fait son soutien aux Etats-Unis et à la droite patronale vénézuélienne pour continuer la déstabilisation du régime bolivarien par le sabotage économique, la désinformation éhontée et la violence politique : sait-on que parmi les derniers morts lors des manifestations, il y a aussi, pour une part importante, des policiers et des militants chavistes, ce qui tendrait à prouver que l’on est plus proche d’une tentative de coup d’Etat larvé néo-libéral, façon Chili pré-Pinochet que d’un peuple opprimé en lutte contre un caudillo populiste ? Rappelons d’ailleurs que cette droite vénézuélienne, à la façon d’un Capriles ou d’un Leopoldo Lopez, très extrême pour une droite qui se prétend respectueuse des institutions, est coutumière des putschs puisqu’elle avait déjà tenté de renverser militairement Chavez en 2002. De fait, elle n’a jamais digéré cette révolution douce qui l’a forcée à partager le gâteau de la rente pétrolière avec un peuple qui était le plus pauvre d’Amérique latine dans un des pays les plus riches.
Mais voilà, alors que le président Macron va faire le beau sur l’île ravagée des milliardaires bling-bling où l’ouragan a révélé à la fois les conséquences des coupes sauvages dans les services publics mais aussi la lutte des classes larvée entre les pauvres d’un côté, souvent noirs et jamais interviewés à la télé et les riches présentés à longueur de reportages comme de pauvres migrants soumis aux pillages des barbares locaux, on apprend que ce salopard de sanguinaire Maduro et son régime encore plus abject que la Corée du Nord ou l’Empire des Daleks réunis a déjà, lui, envoyé 10 tonnes d’aide humanitaire à l’île de Saint-Martin et 30 dans le reste des Caraïbes touché par les ouragans (il a même osé aider Cuba, ce qui prouve bien qu’il est un dictateur, non?).
Un léger retard à l’allumage…
Des biens de première nécessité tel que de l’eau, de l’équipement de secours, des vêtements ou encore des matelas avaient été acheminés sur place quand notre président a enfin décidé de se bouger sur fond d’hypercommunication compassionnelle et facebookienne.
Le retard jupitérien est donc sans doute explicable par le soin apporté à la mise en scène très Kennedy 2.0 du voyage ou alors par le désir d’être un peu loin du mouvement social contre la loi « travaille! », qui commence à pointer son nez avec un succès somme toute honorable: il est plus flatteur, n’est-ce pas, d’être photographié en train de câliner des exilés fiscaux ou des touristes friqués que de devoir communiquer sur les « les fainéants, les cyniques, les extrémistes » qui en plus osent briser l’unité nationale devant la catastrophe.
Alors, l’aide de Maduro ? De la vile propagande, évidemment ! Enfin, c’est comme ça que les macronistes appelleront sans doute le geste du Venezuela, cette puissance régionale dont on nous explique pourtant à longueur de temps et depuis des années qu’elle est au bord du chaos.
Jérome Leroy
L’auteur: le romancier français Jérome Leroy. Derniers romans parus : 2011 : Le Bloc (Prix Michel-Lebrun). 2014, L’Ange gardien (Prix des lecteurs Quai du polar).