Mohammad Dahlan entouré d’Ehud Olmert (ancien Premier ministre israélien) et Shaul Mofaz, ancien ministre de la Défense (à droire)
Par Arjan El Fassed (revue de presse : Assawra – 5/10/17)*
Certains ont traité Mohammad Dahlan d’Ahmad Chalabi palestinien, parce qu’il négociait soi-disant avec les Etats-Unis et Israël afin de prendre le contrôle de Gaza après le Plan de Désengagement en août 2005.
En avril 2002, en témoignant devant le Comité de Défense et des Affaires Etrangères de la Knesset, le ministre israélien de la Défense, Benjamin Ben-Eliezer, a déclaré qu’il avait offert le contrôle de la Bande de Gaza à Dahlan.
En échange, Dahlan, qui contrôle la force militaire la plus significative dans la Bande de Gaza, serait obligé de garantir un calme absolu le long de la frontière. [1]
Il est censé avoir élaboré le tout premier accord lors d’une réunion en janvier 1994 à Rome avec des hauts responsables de l’armée et du Shin Bet pour contenir le Hamas, et il s’est impliqué activement dans les négociations suivantes avec les Israéliens. [2]
Aujourd’hui, Dahlan est devenu la figure d’une partie du Fatah alors que la violence s’est intensifiée entre le Hamas et le Fatah. Au cours de ces dernières semaines, il a fait son retour parmi les proches du Président de l’Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas.
La semaine dernière, le Hamas a accusé Dahlan d’avoir projeté la tentative d’assassinat contre le Premier Ministre du Hamas, Ismail Haniya.
Haniya revenait d’une visite au Moyen-Orient lors de laquelle il avait collecté des financements plus que nécéssaires pour les Palestiniens sous occupation et a obtenu la promesse du gouvernement syrien de libérer tous les Palestiniens de ses prisons, quand le chaos a surgi.
La situation au passage de frontières entre l’Egypte et Gaza était tendue puisqu’elle n’avait pas été ouverte assez longtemps pour que les milliers de personnes qui attendaient des deux côtés puissent passer.
Les Israéliens ont fermé la frontière quand Haniya a d’abord tenté d’entrer avec l’argent, ce qui est interdit par le blocus économique et politique imposé par les Etats-Unis depuis que le Hamas a gagné les élections parlementaires en janvier.
Dahlan a commencé cette semaine une tournée des villes palestiniennes pour obtenir un soutien au Fatah, mais cela n’a pas été un succès spectaculaire.
Le 17 décembre, alors que Dahlan se trouvait dans le camp de réfugiés de Jénine, des hommes armés ont tiré en l’air lors du passage de son convoi, en lui hurlant dessus jusqu’à ce qu’il parte de façon précipitée.
Il a blâmé le Hamas d’avoir fomenté le meurtre de trois enfants dans la ville de Gaza et il a déclaré que le Hamas « n’avait aucun programme politique et qu’il laissait les Palestiniens dans une situation précaire depuis que ce gouvernement était arrivé au pouvoir. »
Pendant ce temps, les Etats-Unis ont intensifié ses transferts d’armes au Fatah, via Israël. Dahlan est maintenant aux commandes de la campagne armée destinée à virer le Hamas du quartier général présidentiel à Ramallah.
Dahlan est l’un des membres fondateurs du Shabiba, l’association de jeunes du Fatah.
En 1994, Dahlan dirige les notoires forces de sécurité préventive à Gaza. Il est connu pour entretenir de bonnes relations avec le pouvoir égyptien et l’administration américaine, à travers ses liens avec la CIA.
Dahlan a mis en place une force d’au moins 20.000 hommes et a reçu l’aide des officiers de la CIA pour les former.
Jibril Rajoub, un autre homme fort du Fatah, est l’ennemi juré de Dahlan.
Dahlan et Rajoub ont été tous les deux emprisonnés par Israël pendant le premier Intifada.
Sous Oslo, ils sont devenus les chefs des services de sécurité préventive respectivement à Gaza et en Cisjordanie .
À partir de ce moment-là, ils ont été tous les deux considérés comme des pragmatistes, représentant une nouvelle génération de Palestiniens qui pourraient vivre avec Israël.
Dahlan et Rajoub ont été impliqués dans des scandales financiers et des violations des droits de l’homme.
Dahlan a collaboré avec les autorités israéliennes pour éliminer des groupes d’opposition, en particulier le Hamas, en arrêtant des milliers de ses membres.
Dahlan était au commandement quand ses forces de sécurité préventive ont arrêté de façon arbitraire des centaines de Palestiniens.
Les premières confrontations violentes entre ses forces et des manifestants ont éclaté le 18 novembre 1994.
Le chiffre d’au moins quinze morts et de centaines de blessés a soulevé des questions troublantes au sujet de ses troupes.
Tout au long des années, les forces de Dahlan ont été impliquées dans des actes de violence et d’intimidation contre des critiques, des journalistes et des membres des groupes d’opposition, principalement le Hamas, en les emprisonnant sans accusations officielles pendant des semaines ou des mois.
Un certain nombre de prisonniers sont morts dans des circonstances suspectes ou après avoir été interrogés par les forces de Dahlan. [3]En 1996, les troupes de Dahlan ont été impliquées dans des arrestations arbitraires massives des adversaires du Fatah. Au lendemain des attaques-suicides de Février-Mars en Israël, environ 2.000 personnes ont été rassemblées, souvent arbitrairement.
La plupart de ceux qui ont été détenus n’ont été jamais accusés de délit criminel ou jugé. Ses forces ont régulièrement utilisé la torture et les mauvais traitements pendant les interrogatoires et ont mené à un certain nombre de décès.
En 2000, Dahlan a participé aux négociations de Camp David et les responsables israéliens voyaient en lui quelqu’un avec qui ils pourrait faire des affaires.
En tant que chef de l’un des principaux organismes palestiniens de sécurité, M. Dahlan a également négocié à plusieurs reprises avec les responsables israéliens pour tenter de mettre en place un cessez-le-feu depuis que le dernier Intifada a éclaté en septembre 2000.
Au début du deuxième Intifada, Dahlan a affirmé qu’il ne pouvait pas arrêter les actions des groupes de militants comme le Hamas.
En 2001 il a irrité le défunt Président palestinien Yasir Arafat en exprimant son mécontentement au sujet du manque d’une politique cohérente pendant le soulèvement actuel.
Dahlan a démissionné en juin 2002 suite à des désaccords avec Arafat sur la réforme de l’Autorité Palestinienne. Il a tenté d’obtenir un soutien pour défier Arafat dans des élections, mais il s’est arrêté, quand l’Administration Bush a exigé un changement dans la direction de l’Autorité Palestinienne en juillet de la même année.
Avant sa démission de l’Autorité Palestinienne en juin 2002, Dahlan participait fréquemment aux équipes de négociations sur les questions de sécurité.
En mars et en avril 2002, Dahlan était l’un du « Groupe des Cinq » qui dirigeait l’Autorité Palestinienne pendant le siège du quartier général d’Arafat à Ramallah. Bien qu’Arafat soit resté au pouvoir et qu’il ait appelé Dahlan en tant que conseiller à la sécurité nationale en juillet 2002, Dahlan a démissionné trois mois plus tard en se plaignant du manque d’autorité et d’organisation dans l’Autorité Palestinienne.
Contre l’avis d’Arafat, Mahmoud Abbas, alors Premier Ministre, a nommé Dahlan en tant que Ministre de l’Intérieur, mais quand Abbas a démissionné, Dahlan a été laissé à l’écart du nouveau gouvernement.
Ecarté du nouveau gouvernement de l’Autorité Palestinienne, Dahlan a commencé à recueillir le soutien des fonctionnaires de bas niveau du Fatah et des anciens officiers des Services de Sécurité Préventive en réponse à un manque de réformes démocratiques parmi les dirigeants du Fatah.
En 2004, Dahlan était derrière les troubles qui ont duré une semaine dans Gaza suite à la nomination du neveu de Yasser Arafat, Mousa Arafat, largement accusé de corruption, comme chef des forces de police à Gaza.
Certains ont pensé que cette nomination était une initiative délibérée pour affaiblir la position de Dahlan avant le processus de désengagement dans la bande de Gaza et elle a suscité des protestations massives.
Dahlan est revenu au premier-plan de la scène politique et sécuritaire cette semaine. Il est apparu lors d’une réunion avec le secrétaire d’état américain Condoleezza Rice à Jéricho, et dans les réunions avec le Ministre des Affaires Etrangères de l’Union Européenne, Javier Solana et le Ministre des Affaires Etrangères allemand.
Il semble que, pour on ne sait quelle raison, les dirigeants mondiaux pensent que Dahlan est la bonne personne avec qui traiter.
Arjan El Fassed est un des co-fondateurs d’Electronic Intifada
Notes:
[1] Ha’aretz, Gideon Alon (30 Avril 2002)
[2] Middle East International, 520.
[3] Rapports annuels de la Commission Indépendante Palestinienne pour les Droits des Citoyens (PICCR) ; divers rapports d’Addameer, de PCHR et de LAW; Secteurs autonomes palestiniens : Droits de l’homme sous l’Autorité Palestinienne, Human Rights Watch (septembre 1997) ; Rapports annuels d’Amnesty International et de Human Rights Watch (1994, 1995, 1996)
*Source : Assawra