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23 décembre 2024

Brève histoire de l’OTAN de 1991 à nos jours


Monde


Manlio Dinucci

Lundi 16 octobre 2017

LE CONTOURNEMENT DE L’ARTICLE 5 ET LA CONFIRMATION DU LEADERSHIP USA

Alors qu’est en cours la guerre contre la Yougoslavie, est convoqué à Washington, les 23-25 avril 1999, le sommet qui officialise la transformation de l’Otan en « une nouvelle Alliance plus grande, plus flexible, capable d’entreprendre de nouvelles missions, y compris les opérations de réponse aux crises ».
D’une alliance qui, sur la base de l’article 5 du Traité du 4 avril 1949, engage les pays membres à assister même avec la force armée le pays membre qui serait attaqué dans l’aire nord-atlantique, elle est transformée en alliance qui, sur la base du « nouveau concept  stratégique », engage aussi les pays membres à « conduire des opérations de riposte aux crises non prévues par l’article 5, en dehors du territoire de l’Alliance ».
Pour éviter tout équivoque, le président démocrate Clinton explique dans une conférence de presse que les alliés nord-atlantiques « réaffirment qu’ils sont prêts à affronter des conflits régionaux au-delà du territoire de l’Otan ». A la question de savoir quelle est l’aire géographique dans laquelle l’Otan est prête à intervenir, « le Président se refuse à spécifier à quelle distance l’Otan entend projeter sa propre force, en disant que ce n’est pas une question de géographie ». En d’autres termes, l’Otan entend projeter sa propre force militaire en-dehors de ses frontières non seulement en Europe, mais aussi dans d’autres régions.
Ce qui ne change pas, dans la mutation de l’Otan, est la hiérarchie à l’intérieur de l’Alliance. La Maison Blanche dit en toutes lettres que « nous maintiendrons en Europe environ 100 mille militaires pour contribuer à la stabilité régionale, soutenir nos liens transatlantiques vitaux et conserver le leadership des Etats-Unis dans l’Otan ».
Et c’est toujours le Président des Etats-Unis qui nomme le Commandant Suprême Allié en Europe, qui est toujours un général ou amiral étasunien, et non pas les alliés, qui se bornent à ratifier le choix. Même chose pour les autres commandements clé de l’Alliance.

LA SUBORDINATION DE L’UNION EUROPÉENNE À L’OTAN

Le document qui engage les pays membres à opérer en-dehors du territoire de l’Alliance, souscrit par les leaders européens le 24 avril 1999 à Washington, rappelle que l’Otan « soutient pleinement le développement de l’identité européenne de la défense à l’intérieur de l’Alliance ». L’idée est claire : l’Europe occidentale peut avoir son « identité de la défense », mais elle doit rester à l’intérieur de l’Alliance, c’est-à-dire sous commandement USA.
Ainsi est confirmée et consolidée la subordination de l’Union européenne à l’Otan. Le Traité de Maastricht de 1992 établit, à l’article 42, que « l’Union respecte les obligations de certains Etats membres, lesquels estiment que leur défense commune se réalise par l’intermédiaire de l’Otan, dans le cadre du Traité de l’Atlantique Nord ». Celui-ci stipule, à l’article 8, que chaque Etat membre « assume l’obligation de ne souscrire aucun engagement international en contradiction avec le Traité ».
Et dans une confirmation ultérieure de ce qu’est le rapport Otan-Ue, le protocole n° 10 sur la coopération instituée par l’article 42 souligne que l’Otan « reste le fondement de la défense » de l’Union européenne.

L’ADOPTION PAR L’ITALIE D’UN « NOUVEAU MODÈLE DE DÉFENSE » QUI VIOLE L’ARTICLE 11 DE SA CONSTITUTION

En participant avec ses bases et ses forces armées à la guerre contre la Yougoslavie, pays qui n’avait accompli aucune action agressive ni contre l’Italie ni contre d’autres membres de l’Otan, et en s’engageant à conduire des opérations non prévues par l’article 5 en-dehors du territoire de l’Alliance, l’Italie confirme avoir adopté une nouvelle politique militaire et, simultanément, une nouvelle politique étrangère. Celle-ci, en utilisant comme instrument la force militaire, viole le principe constitutionnel, affirmé par l’Article 11, que «l’Italie répudie la guerre en tant qu’instrument d’atteinte à la liberté des autres peuples et comme mode de solution des conflits internationaux ».
C’est le « nouveau modèle de défense » adopté par l’Italie, dans le sillage de la réorientation stratégique étasunienne, quand, avec le sixième gouvernement Andreotti, elle participe à la guerre du Golfe : les Tornado de l’aéronautique italienne effectuent 226 sorties pour un total de 589 heures de vol, bombardant les objectifs indiqués par le commandement étasunien. C’est la première guerre à laquelle participe la République italienne, en violant l’Article 11, un des principaux fondements de sa propre Constitution.
Immédiatement après la guerre du Golfe, pendant le septième gouvernement Andreotti, le Ministère de la défense publie, en octobre 1991, le rapport Modèle de défense / Lignes de développement des Forces Armées dans les années 90. Le document re-configure le positionnement géostratégique de l’Italie, en la définissant comme « élément central de l’aire géostratégique qui s’étend de façon unitaire du Détroit de Gibraltar jusqu’à la Mer Noire, en se reliant, à travers Suez, avec la Mer Rouge, la Corne d’Afrique et le Golfe Persique ». Etant donné la « significative vulnérabilité stratégique de l’Italie » surtout pour l’approvisionnement pétrolifère, « les objectifs permanents de la politique de sécurité italienne se configurent dans la protection des intérêts nationaux, dans la plus vaste acception de ces termes, partout où c’est nécessaire », en particulier de ces intérêts qui «ont une incidence directe sur le système économique et sur le développement du système productif, en tant que condition indispensable pour la conservation et le progrès de l’actuelle organisation politique et sociale de la nation ».
En 1993 -pendant que l’Italie est en train de participer à l’opération militaire lancée par les USA en Somalie, et qu’au gouvernement Amato succède celui de Ciampi- l’Etat-major de la défense déclare qu’« il faut être prêts à se projeter à longue distance » pour défendre partout les « intérêts vitaux », afin de « garantir le progrès et le bien-être national en conservant la disponibilité des sources et voies d’approvisionnement des produits énergétiques et stratégiques ».
En 1995, pendant le gouvernement Dini, l’état-major de la défense fait un nouveau pas en avant, en affirmant que « la fonction des forces armées transcende le strict cadre militaire pour se hausser aussi à la mesure du statut et du rôle du pays dans le contexte international ».
En 1996, pendant le gouvernement Prodi, ce concept va être développé dans la 47ème session du Centre des hautes études de la défense. « La politique de la défense -affirme le général Angioni- devient un instrument de la politique de la sécurité et, donc, de la politique extérieure ».
Cette politique anti-constitutionnelle, introduite par des décisions apparemment techniques, se trouve de fait institutionnalisée en passant au-dessus d’un parlement qui, dans sa très grande majorité, s’en désintéresse ou ne sait même pas précisément ce qui est en train d’advenir.

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Source : Marie-Ange Patrizio
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