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23 décembre 2024

Ô Jérusalem! Requiem pour une solution à deux états


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Ô Jérusalem! Requiem pour une solution à deux états

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Donald Trump signe un décret présidentiel reconnaissant Jérusalem comme capitale d’Israël, à la Maison Blanche, le 6 décembre 2017 – Photo Chris Kleponis/CNP

Par Omar Karmi, le 6 décembre 2017

 

Il a peut-être des petites mains, mais le Président US Donald Trump semble avoir un grand pied. Et avec son choix de reconnaître Jérusalem en tant que capitale d’Israël, il l’a envoyé avec force dans cette partie de la diplomatie conventionnelle internationale de pacification du Moyen-Orient qui ne voit jamais le soleil.

Jusqu’ici tout va bien, pourriez-vous penser. Des décennies d’efforts de paix internationaux ont après tout, et comme le disait Trump dans son discours, échoué à rétablir cette paix. Ce qu’il n’a pas ajouté, par contre, c’est qu’ils ont largement servi de paravent à Israël pour poursuivre sa colonisation de territoires occupés. Et cela, Israël ne l’a nulle part fait aussi outrageusement qu’à Jérusalem elle-même.

L’appui principal d’Israël dans cette entreprise était les USA, et ce depuis longtemps. Et bien que presque dès le départ, la politique US ait stipulé que les colonies sont illégales selon le droit international, les administrations US successives n’ont fait que récompenser la construction de colonies israéliennes au cours des quarante dernières années – à peu près – avec des aides financières et militaires toujours plus généreuses.

Pourquoi ne pas mettre fin à cette mascarade, qui en a si peu fait pour réussir la paix et assurer la justice pour les parties lésées?

Mais cela consisterait en une mauvaise lecture de Trump qui a « l’art de faire un contrat » [« art of the deal, NdT »] et dont l’équipe, alors qu’elle était encore en transition pour entrer à la Maison Blanche, faisait un lobbying ardent pour le compte d’Israël auprès d’autres pays.

La décision du Président US n’a guère à voir avec la fin d’une mascarade et encore moins avec la justice pour les humbles. Vous n’avez qu’à lire son discours à l’AIPAC avant son élection. C’est du théâtre pour sa propre aile droite pro-israélienne et évangéliste. C’est l’affirmation de la primauté US sur la légitimité internationale. Elle pourrait avoir des répercussions pendant des générations. Et il s’agit du point culminant d’un lobbying enragé à Washington, qui a rendu le débat intelligent sur la Palestine impossible, est parvenu à blâmer la victime et a piégé la majorité de la législature des USA.

Parmi ces sombres moulins sataniques (1)

Jérusalem, une ancienne cité qui a été habitée pendant des milliers d’années, est cruciale pour la résolution du conflit israélo-palestinien. Elle est au centre du nationalisme juif et du nationalisme palestinien. Elle contient certains des sites religieux juifs, chrétiens et islamiques les plus importants au monde.

Pour les Musulmans, Jérusalem était la première orientation pour la prière et devrait toujours faire partie du pèlerinage annuel réclamé aux croyants. La majeure partie de son histoire moderne a été islamique. En fait, hormis une centaine d’années d’interruption croisée chrétienne, la cité a été sous règne musulman depuis 637 jusqu’à ce que les Britanniques en expulsent les Ottomans en 1917, seulement pour y créer un mandat pour la Palestine et de promptement y promettre un foyer national pour les Juifs européens.

Ces quelques 1000 ans – grosso-modo – de l’histoire moderne de la cité et la résonance qu’elle possède pour tous les Musulmans ont totalement été ignorés dans la formule de l’administration Trump qui voit simplement Jérusalem comme « la capitale que le peuple juif avait établie dans l’antiquité » ainsi que le siège actuel du gouvernement israélien.

Tout comme le droit international [a été ignoré, NdT].

La seule formule internationalement admise pour la cité provient du plan de partition de 1947, qui l’envisageait comme une entité distincte sous administration internationale et n’appartenant ni à un état palestinien, ni à un état juif. C’est pourquoi les USA n’avaient pas, jusqu’à maintenant, reconnu la proclamation israélienne de souveraineté sur la cité – sur une quelconque partie de celle-ci.

Et c’est pourquoi le consensus international dans le contexte de la solution à deux états a été que la ville sera divisée en deux capitales, l’une dans la partie occidentale pour Israël et l’autre à l’est pour la Palestine, mais seulement dans le cadre d’une résolution finale et mutuellement négociée du conflit.

Que Trump soit prêt à balayer tout cela de la main rend témoin non seulement de la puissance des efforts du lobbying pro-israélien aux USA – la description par Trump d’Israël comme étant « l’une des démocraties qui réussissent le mieux au monde » sort tout droit du manuel de l’AIPAC – mais à son engagement en faveur d’une espèce de nationalisme qui ne voit le pouvoir et la concertation que comme des instruments pour satisfaire des intérêts étroits et singuliers. Et plus on a de pouvoir, moins on a besoin de consensus.

Compromis historique

Le statut de Jérusalem est l’une des fameuses constantes palestiniennes – les autres étant le statut d’état et les réfugiés – que le défunt dirigeant de l’Organisation de Libération de la Palestine, Yasser Arafat, avait invoqué après avoir signé ce qu’il considérait comme l’ultime compromis, les accords d’Oslo de 1993. Ces accords ont vu les Palestiniens réduits à militer pour avoir un état sur un territoire occupé par Israël pendant la guerre de 1967, équivalant à 22% de la Palestine historique, mais comprenant bel et bien Jérusalem-Est.

Israël, toutefois, avait toujours eu des vues maximalistes sur Jérusalem. Ils ont unilatéralement annexé toute la cité juste après en avoir conquis la partie orientale en 1967 et l’ont depuis lors appelée leur « capitale éternelle et intégrale ». Israël n’a jamais vu les accords d’Oslo comme un compromis palestinien et ils n’ont donc pas saisi l’opportunité de signer un accord de paix avec Arafat.

Cette opportunité est désormais bel et bien passée. Même un dirigeant aussi ployable que Mahmoud Abbas trouvera difficile de vendre un processus de paix où l’un des trois piliers qu’il a lui-même stipulé a d’ores et déjà été retiré – et où celui des réfugiés est largement compris comme ayant lui aussi été amputé.

Il reste un tout petit peu d’espace de manœuvre. Trump n’a pas précisé d’engagement pour une partie géographiquement spécifique de Jérusalem comme capitale d’Israël. Il n’a pas exclu une division ultérieure de la cité. Il continuera à signer la dérogation gelant le déménagement de l’ambassade US pour encore six mois et, en pratique, rien ne va changer pendant un moment, peut-être même pendant le reste de sa mandature.

Abbas a misé toute sa présidence sur un processus de paix et s’accrochera peut-être encore à ces éclats brisés d’espoir, les mains en sang, dans l’espoir que Trump parvienne maintenant à extraire ce qui s’appelle à Washington des « concessions » de la part d’Israël (aussi connues sous le nom de conformité au droit international).

Pourtant, même Abbas doit voir que les actions de Trump ont effectivement sonné le glas de tout espoir d’une solution négociée à deux états. Même s’il ne s’agit que d’un truc pour glaner du soutien domestiquement, et même si Trump n’a pas l’intention de réellement déménager l’ambassade, seulement d’être vu en train de remplir une promesse de campagne, le dommage est fait.

Un seuil a été passé. Désormais aucun président US – pas dans un climat où le lobby pro-israélien aux USA a tellement d’influence qu’en juin, une résolution célébrant le 50ème anniversaire de l’occupation de Jérusalem fut avalisée par le Sénat US par 90 votes à zéro – ne peut plus revenir dessus.

La donne est changée

Six mois avant d’être élu président, Trump donna un discours au lobby des lobbies, l’AIPAC. C’était un discours de campagne, dont l’intention était d’engranger le soutien d’une frange démographique particulière. Mais depuis, il a tenu parole. Il avait promis qu’il déchirerait l’accord nucléaire iranien. Il en a commencé le processus.

Il avait promis qu’il déménagerait l’ambassade US. Il en a fait le premier pas (ce qu’il a fait attention de souligner, mercredi dernier [6 décembre 2017, NdT]).

Il avait également affirmé que les Palestiniens « doivent venir à la table en sachant que le lien entre les États-Unis et Israël est absolument, totalement indéfectible. » Bien que peu de Palestiniens en aient douté de toute façon, certains avaient entretenu l’espoir qu’à force de persuasion morale, par sympathie pour les faibles, par respect de la légalité et dans l’intérêt de l’ordre international, quelqu’un, quelque part à Washington allait écouter, un jour ou l’autre.

Cela ne peut désormais plus être le cas. Personne, ni Abbas ni tous ces politiciens et personnes d’influence de Palestine qui soutiennent sincèrement ou qui ont simplement des intérêts particuliers dans un processus de paix, ne peuvent plus maintenant croire ou prétendre qu’il y ait autre chose que des pots-de-vin à obtenir de Washington en échange de son silence.

Et maintenant? Se tourner vers l’Europe? Peu de chances que cela soit utile. Le monde arabe? Pareil. L’unité avec le Hamas semble plutôt revêtir un caractère encore plus urgent, mais quelles implications en découleraient pour toute stratégie palestinienne?

Et s’il n’y a pas d’espoir pour une solution à deux états, quel est le rôle de l’Autorité Palestinienne? Pourquoi persister avec elle?

Il y aura de la colère. Il y aura de la douleur. Et il y aura du changement; un changement profond et fondamental de la logique qui a dominé l’ensemble du conflit pendant presque un quart de siècle.

Ceci, au moins, devrait être une bénédiction. Mais à quel prix, entretemps?

Source: https://electronicintifada.net/content/oh-jerusalem-requiem-two-state-solution/22521

(1) Ce sous-titre est une citation du poème de William Blake, « And did those feet in ancien times »:

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