Par Elaine Pasquini (revue de presse – Washington Report on Middle East Affairs – mars 2018)*
Retraçant brièvement l’histoire du sionisme lors de son intervention au Metropolitan Club, le 11 janvier 2018 à Washington, Allan Brownfeld a rappelé qu’au 19ème siècle, lorsque ce mouvement nationaliste est apparu, la majorité des juifs le rejetaient. « Historiquement, le sionisme était une organisation mineure au sein du judaïsme », « sans la montée du nazisme en Allemagne et l’Holocauste, le sionisme serait, probablement, demeuré un point de vue minoritaire parmi les juifs et Israël n’aurait pas été créé ».
Brownfeld a qualifié les Palestiniens « de victimes de l’Holocauste » et dit que « les populations du Moyen-Orient n’avaient rien à voir avec ce qui s’était passé [en Europe]. Elles en ont néanmoins payé le prix ».
« A la fin du 19ème siècle, dans les débuts du sionisme, les juifs représentaient 4% de la population [en Palestine] et même en 1948, quand les Nations unies ont fondé Israël, ces derniers n’étaient qu’une minorité. C’est un point important à faire car beaucoup de gens ne considèrent pas le sionisme comme un mouvement colonial, alors qu’il l’est en vérité »
Concernant Donals Trump et sa décision de reconnaître Jérusalem comme la capitale de l’Etat juif, Brownfeld a déclaré que « selon ses investigations, il semble que Sheldon Adelson en a été le principal instigateur, suite à l’allocation de sommes considérables au Parti Républicain ». Le magnat des casinos a contribué à la cérémonie d’intronisation de Trump en versant 15 millions de dollars.
Reconnaissant, Trump a nommé David Friedman – un homme opposé à toute idée d’un Etat palestinien – comme ambassadeur US en Israël, et le Likoud, parti de Netanyahou, a voté une loi pour annexer une partie de la Cisjordanie.
Parlant de l’aide US à Israël, Brownfeld a remarqué « qu’en 2016, les Etats-Unis ont accepté de lui allouer 38 milliards d’aide militaire pour les dix prochaines années. Avec 3,8 milliards par an, c’est la plus importante aide bilatérale jamais financée. » Elle augmente de 20% par an par rapport à l’ancien accord de 3 ,1 milliard par an. A peu près 20% du budget américain de l’aide militaire et économique à des pays étrangers est destiné à Israël. Il en est qui en a été, depuis 1976, le bénéficiaire depuis 1976 le plus important bénéficiaire et même le plus important bénéficiaire depuis la 2ème guerre mondiale.
Récemment, Israël a interdit aux organisations qui soutiennent le BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) d’entrée dans le pays, y compris au the American Friends Service Committe, qui, pendant la dernière guerre et l’Holocauste a sauvé de nombreux juifs de l’Allemagne nazie. Il fait aujourd’hui la même chose aux Palestiniens.
A la fin de la 2ème guerre mondiale, poursuit Brownfeld, le monde arabe percevait les Etats-Unis comme une « puissance anticolonialiste. Notre influence avait contraint les Britanniques et les Français à se retirer de Syrie, du Liban et d’Irak pays qui devinrent ainsi indépendants. » « Notre tradition anticolonialiste, je pense, fut abandonnée quand nous avons imposé Israël au Moyen-Orient. Continuer à maintenir cet Etat colonial nous a fait reculer et a encouragé l’EI [l’Etat islamique] et d’autres groupes terroristes à travers le monde. Ce sera pire encore si Israël annexe la Cisjordanie »
Sur la controverse entre judaïsme, en tant que religion ou nationalité, Brownfeld considère le judaïsme comme une religion aux valeurs universelles et non une nationalité. « Je crois que les Américains sont Américains de nationalité et juifs de religion ». Cependant, ajoute-t-il « si vous croyez que les juifs forment un peuple et qu’Israël est leur foyer, vous avez raison de le croire et d’émigrer ».
Brownfeld, tout en prévenant son audience de tout pessimisme pour les années à venir, note que « dans la communauté juive américaine, notamment chez les jeunes, il existe une opposition au traitement infligé par Israël aux Palestiniens et à ses 50 ans d’occupation ». « Heureusement, dans l’avenir », dit-il en concluant, « le judaïsme retournera à ses principes moraux et son éthique qu’il a essaimés dans le monde ».
Allan C. Brownfeld est un des chroniqueurs de Washington Report on Middle East Affair et l’éditeur de Issues, revue trimestrielle du Conseil américain pour le judaïsme.
*Version originale : Zionism Has Distorted U.S. Foreign Policy, Says Allan Brownfeld
Traduction et Synthèse: Xavière Jardez