Mohammad Dahlan
Par Juliette Rech ( revue de presse : L’Orient-Le Jour 22/3/18)*
La rumeur enfle dans la presse palestinienne et israélienne. En février dernier, des sources palestiniennes rapportaient à l’agence Nabd News que les Émirats arabes unis encourageraient l’opposant palestinien Mohammad Dahlan à créer un parti concurrent au Fateh. D’après le quotidien al-Arabi al-jadid, dix jours avant la tentative d’assassinat ratée contre le Premier ministre palestinien Rami Hamdallah à Gaza le 13 mars 2018, Mahmoud Abbas aurait reçu de son chef des renseignements, Majed Faraj, un document l’alertant « du piège de la réconciliation fomenté par le Hamas et l’Égypte », en référence à la tentative de réconciliation entre les deux rivaux palestiniens. Le piège consisterait en une offensive diplomatique menée par l’Égypte et les Émirats arabes unis qui viserait à remplacer Mahmoud Abbas par son rival de toujours, Mohammad Dahlan, celui-là même qui a coordonné la prise de contact entre le Hamas et les renseignements égyptiens cet été, préambule de l’accord de réconciliation entre le mouvement islamiste et l’Autorité palestinienne signé le 12 octobre.
L’intensité des spéculations sur le retour prochain de M. Dahlan s’est accrue du fait de l’isolement de Mahmoud Abbas sur la scène régionale et internationale. Plusieurs collaborateurs ont souligné à titre anonyme son irritabilité au travail et sa perte d’endurance, à mettre sur le compte de son âge avancé et de sa santé chancelante. Pour nombre d’observateurs, l’insulte réservée à David Friedman, « fils de chien », lors d’une réunion de dirigeants palestiniens le 19 mars, traduisait la perte de moyens et l’accablement d’un homme poussé dans ses derniers retranchements. Mis sur la touche par l’administration américaine, Mahmoud Abbas est aussi encerclé par les initiatives de puissances arabes voisines, qui seraient promptes à brader certaines revendications palestiniennes contre leurs propres intérêts.
En première ligne, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite qui, selon de nombreuses rumeurs ayant fuité dans la presse, poussent les dirigeants palestiniens à accepter un accord au rabais avec Israël. Mohammad Dahlan est leur poulain. En sept ans d’exil, l’homme s’est taillé un véritable réseau international. Il est aujourd’hui le candidat le plus crédible aux yeux de la majorité des « sponsors » du processus de paix.
Filiation politique avec Mohammad ben Zayed
L’ancien chef de la sécurité préventive a été successivement chassé de Gaza en 2007, après que le Hamas eut vaincu les forces du Fateh, puis de Ramallah en 2011 par Mahmoud Abbas. Le président de l’Autorité palestinienne l’accusait, entre autres, d’avoir détourné plusieurs millions de shekels d’argent public et d’avoir été complice de l’assassinat de Yasser Arafat.
Celui que George Bush fils nommait « notre homme » dans ses conversations privées avec des officiels israéliens est au centre d’un vaste jeu géopolitique. M. Dahlan est la cheville ouvrière du processus de médiation amorcée cet été entre l’Autorité palestinienne et le Hamas. Les tractations se sont déroulées au Caire sous les bons auspices du gouvernement égyptien et des Émirats arabes unis. Pour ces deux pays, Gaza est une déclinaison locale de leur contre-offensive régionale contre les Frères musulmans, dont le Hamas est une émanation. L’obsession antifrère est au cœur de la diplomatie de Mohammad ben Zayed (MBZ), régent d’Abou Dhabi et homme fort de la fédération.
Les desseins régionaux de MBZ sont ainsi parfaitement compatibles avec les ambitions politiques de M. Dahlan qui, malgré son exil doré à Abou Dhabi, répète à qui veut l’entendre que son cœur est en Palestine. Le projet des Émirats est relativement clair : favoriser les régimes à leur image, autocrates en politique et libéraux en économie. M. Dahlan cumule justement sens des affaires et expertise sécuritaire. Quand il était encore à la tête du contre-terrorisme palestinien, il a durement réprimé les islamistes et opposants aux accords d’Oslo. Gaza était alors surnommé le « Dahlanistan ».
Conseiller particulier de MBZ qui l’appelle en public « mon frère », cet homme à poigne serait à Ramallah l’instrument parfait du prestige diplomatique des Émirats qui, « dans le renversement dramatique de la position américaine sur le conflit israélo-palestinien, voient une occasion en or pour se tailler un rôle plus actif », souligne à L’Orient-Le Jour Hady Amr, négociateur américain entre 2014 et 2017.
Isolement du Hamas
Gaza est la porte d’entrée par laquelle Mohammad Dahlan compte remettre les pieds en Palestine. Pour ce faire, il utilise ironiquement une stratégie sociale et humanitaire comparable à celle des Frères musulmans. Avec sa femme Jalila Dahlan, il déploie ses bonnes œuvres dans les camps de réfugiés de Gaza et au Liban, où son association ARK entretient un mouvement de jeunesse mobilisé autour de questions sociales comme la prévention contre la drogue.
En juin dernier, l’Égypte livre plusieurs milliers de litres de pétrole à la bande de Gaza qui subit une pénurie d’électricité après un défaut de paiement de l’Autorité palestinienne. Le rapprochement entre le Hamas et l’Égypte survient alors que l’offensive d’Abou Dhabi et de Riyad contre le Qatar, un contributeur financier majeur de Gaza, entre dans son deuxième mois. « L’isolement du Qatar a ajouté une pression supplémentaire sur le Hamas. Gaza subit en cela les contrecoups de la guerre par procuration que se livrent l’Arabie saoudite, l’Iran et leurs alliés », explique à L’Orient-Le Jour Sara Yerkes, consultante au Canergie’s Middle East Program.
La transaction est facilitée par Mohammad Dahlan qui ne tarde pas à en revendiquer l’initiative sur sa page Facebook. Paralysé par le blocus et la réduction de l’aide financière iranienne suite à une divergence sur le conflit syrien, le Hamas saisit la porte de sortie tendue par Le Caire qui, par son geste de bonne volonté, lui épargne une reddition humiliante. Le 17 septembre, le mouvement islamiste annonce la dissolution de son comité administratif censé gérer les affaires courantes de l’enclave palestinienne depuis 2014, mais qui est désormais incapable de fournir les services de base à la population. Inquiet des conséquences du rapprochement entre Le Caire et Gaza avec le concours de son ennemi intime, Mahmoud Abbas se voit forcé de négocier avec le Hamas de peur que l’enclave ne tombe entre les mains de Mohammad Dahlan. Les négociations ménageraient en effet à ce dernier une place de choix dans l’administration du territoire.
Premier jalon du retour de l’Autorité palestinienne à Gaza, l’accord signé en octobre entre le gouvernement de Ramallah et celui de Gaza, désormais sérieusement hypothéqué par l’attentat du 13 mars, donnait un peu d’air à Mahmoud Abbas, tant la réconciliation est populaire chez les Palestiniens. Mais la marge de manœuvre du raïs devient de plus en plus étroite. Début mars, le Haaretz rapportait que des informations extraites du dossier médical de Mahmoud Abbas avaient été soumises à des officiels israéliens. Les informations en question suggéraient que l’État hébreu se prépare à faire face à une guerre de succession. Une guerre au sein de laquelle Mohammad Dahlan serait le mieux armé de tous les belligérants.
Source : L’Orient-Le Jour
qu’est donc devenu le FPLP ? seule organisation politique palestinienne qui continuait la résistance? On n’entend plus parler de lui.
ginette