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23 décembre 2024

Abolition de l’esclavage: faut-il débaptiser les rues aux noms d’esclavagistes?


 

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POLITIQUE

27/04/2018

Macron célèbre le 170e anniversaire de l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises.

AFP
Faut-il débaptiser les rues aux noms d’esclavagistes?

POLITIQUE – Bertrand Delanoë avait tenu à faire ce geste symbolique dans les premiers mois de son premier mandat. En février 2002, le maire de Paris avait débaptisé la rue Richepense pour la renommer rue du Chevalier-de-Saint-Georges.

En enlevant le nom d’un général acteur principal de la sanglante répression qui a rétabli l’esclavage en Guadeloupe en 1802 pour le remplacer par celui d’un esclave, l’édile socialiste voulait donner à la France une autorité renforcée pour poursuivre le combat contre l’esclavagisme au niveau international.

Seize ans plus tard, alors qu’Emmanuel Macron célèbre ce vendredi 27 avril au Panthéon le 170e anniversaire de l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises, le débat sur les noms de rue est encore d’actualité. Avec une question en toile de fond: faut-il débaptiser ou conserver la nomination en ajoutant des panneaux explicatifs?

Cette interrogation, qui a redoublé l’été dernier après les événements de Charlottesville aux Etats-Unis, touche aujourd’hui essentiellement les anciens ports négriers, à commencer par Le Havre, La Rochelle, Nantes et Bordeaux.

Bordeaux s’interroge sur sept noms

Dans la ville dirigée par Alain Juppé, une commission composée d’universitaires travaille depuis deux ans « sur la pédagogie mémorielle dans l’espace public au sujet de l’esclavage et de la traite négrière ». « Cette commission ainsi que la ville de Bordeaux ont toujours été favorables à une pédagogie sur les rues portant véritablement un nom de négrier. Mais l’établissement de vérités historiques est le préalable indispensable pour ne pas décrédibiliser le combat pour une mémoire juste », estime Marik Fetouh, adjoint en charge de l’égalité et la citoyenneté.

Une dizaine de propositions, dont la construction d’une œuvre mémorielle à l’effigie de Modeste Testas, une esclave qui a vécue jusqu’à 105 ans, seront officiellement faites dans les prochains jours avant qu’Alain Juppé ne tranche.

La municipalité a mené des recherches historiques pour tenter de savoir combien de lieux seraient concernés; alors que l’association Mémoires et partage évoquait plus d’une quinzaine de rues, six armateurs (sur les 180 qui ont mené des expéditions entre les XVII et XIXe siècles) devenus des personnages politiques de premier plan ont une rue à leur nom. Il s’agit des rues Mareilhac, Gramont, David Gradis et Desse, le cours Journu-Aubert et le passager Feger. En ajoutant Colbert, auteur du Code noir, cela fait sept noms sur lesquels la question est posée.

Nantes va mettre des panneaux explicatifs

L’association Mémoires et partage milite pour que ces rues gardent leur nom mais en ajoutant des panneaux expliquant la réalité des choses. « Débaptiser, c’est effacer la mémoire alors qu’il ne faut pas oublier les crimes commis. Il faut permettre aux gens qui passent par là de savoir qui étaient ces personnalités et de s’interroger. On attend un signal fort dans tous les anciens ports négriers », expliquait son président Karfa Sira Diallo au début de l’année lors d’une action militante à Nantes.

Message reçu par la ville qui fut dirigée par Jean-Marc Ayrault. « On aura des panneaux physiques expliquant le nom des rues. Ce sera fait dans les mois qui viennent. Il y a d’abord un travail de vérification historique à faire », expliquait en janvier à 20 Minutes Olivier Château (PS), adjoint au maire en charge du patrimoine.

Mais ce choix n’est pas du goût de toutes les associations. Le Conseil des associations noires de France milite pour débaptiser comme les villes l’ont fait pour des personnalités impliquées dans l’Occupation ou ayant eu des rôles troubles dans la guerre d’Algérie par exemple. « Pour la pédagogie, il y a les films et les livres. Les rues ne sont pas faites pour rappeler l’histoire mais pour célébrer des héros. Or, comme nous le disons souvent, ‘vos héros sont nos bourreaux’. Il faut donc débaptiser ces rues et leur donner le nom des artisans de la lutte contre l’esclavage, blancs ou noirs », expliquait en 2017 à Libération le président du Cran, Louis-Georges Tin.

Tous s’accordent en revanche pour reconnaître l’utilité de lieux dédiés à la mémoire de cette triste période. A Nantes, un grand mémorial de l’abolition de l’esclavage a été inauguré au printemps 2012. Certains réclament un lieu similaire à Paris.

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