Antisionisme et islamophobie en France : deux racismes, deux sanctions
26 février 2019
Chems Eddine Chitour
Lundi 25 février 2019
« Le racisme est une peur devenue folle, et c’est ce qu’il faut éviter à tout prix, si l’on veut que l’humanité survive »
Germaine Tillon (La traversée du mal)
Atmosphère de fin du monde en France ! Le philosophe Alain Finkielkraut sifflé et insulté par des « gilets jaunes » à Paris en marge de la manifestation du samedi 16 février, provoquant un torrent de réaction des politiques, dont certains dénoncent des propos à caractère antisémite. Alain Finkielkraut a été pris à partie par des manifestants, le 16 février, Dans les images mises en ligne par Yahoo, on entend crier de nombreuses menaces et des insultes :
« Barre-toi, sale sioniste de merde ! », « nous sommes le peuple », « Espèce de raciste, t’es un haineux, tu vas mourir, tu vas aller en enfer, espèce de sioniste ! », « Facho ! Palestine ! Rentre chez toi, rentre chez toi en Israël », « La France est à nous. Rentre à Tel-Aviv ».
On remarquera que ce sont plusieurs gilets jaunes qui ont réagi, selon le JDD, « tous les manifestants n’étaient pas agressifs, l’un d’entre eux lui a même proposé de revêtir un gilet et de rejoindre le cortège, un autre a salué son travail ». Pourtant l’injurié n’en a pointé du doigt qu’un seul qu’il présente comme un salafiste et qui n’a pas le facies d’un petit blanc. Ce gilet jaune sera arrêté par la suite. Père de famille de 4 enfants, pas de fiche S mais on signale qu’il s’est converti à l’islam. C’est quelqu’un qui manifestement a « une forme de radicalisation » a réagi sur franceinfo Nicole Belloubet, ministre de la Justice.
Interrogé par le Journal du dimanche (JDD), Alain Finkielkraut a dit avoir « ressenti une haine absolue ». Dans Le Parisien, il dit :
« Je n’ai pas entendu “sale Juif” » mais poursuit : « Ils visaient avant tout mes liens et mes positions sur Israël. Il y a chez eux un sentiment d’hostilité très fort à l’égard des juifs et je paie pour ma notoriété. »[1]
Il n’y a donc pas insulte à la religion juive mais tout est fait pour que l’amalgame soit fait. Désormais et insidieusement le glissement sémantique sionisme sémitisme se fait. Cela a commencé avec Valls puis c’est au tour du président Macron d’affirmer cette simitude.
Les réactions !
Le président de la République a appelé Alain Finkielkraut. Sur Twitter, Emmanuel Macron a condamné l’attaque :
« Fils d’émigrés polonais devenu académicien français, Alain Finkielkraut n’est pas seulement un homme de lettres éminent mais le symbole de ce que la République permet à chacun. Les injures antisémites dont il a fait l’objet sont la négation absolue de ce que nous sommes et de ce qui fait de nous une grande nation. Nous ne les tolérerons pas. »
Plusieurs responsables politiques dont des membres du gouvernement ont condamné fermement ces faits.
« Un déferlement de haine à l’état pur. Assister à une telle scène à Paris, en 2019, est tout simplement Intolérable. Je viens de m’entretenir avec Alain Finkielkraut pour l’assurer de mon soutien absolu », a annoncé sur Twitter le ministre de l’intérieur Christophe Castaner.
« L’agression d’Alain Finkielkraut aujourd’hui est un acte détestable et choquant, qui illustre la tentative d’infiltration du mouvement des“gilets jaunes” par l’extrême-gauche antisémite », a estimé pour sa part Marine Le Pen.
Le député Les Républicains Eric Ciotti a dénoncé des propos « ignobles et insupportables ».
On apprend que finalement Emmanuel Macron n’ira pas au rassemblement contre l’antisémitisme organisé mardi 19 février à Paris,
« Le président a un discours au Crif mercredi, la parole présidentielle s’exprimera à ce moment-là« , fait savoir son entourage.
C’est dire si la puissance du lobby sioniste en France qui importe le conflit palestinien en France avec la défense d’Israël est importante. Pour l’histoire Alain Finkielkraut est un ardent défenseur d’Israël et contre tout métissage de la France. Souvenons-nous de l’affection qu’il avait pour l’équipe de France black black black qui avait donné une visibilité en 1998 avec un vent d’euphorie : « Zizou président projeté en image sur l’arc de Triomphe »
Le glissement sémantique antisémitisme- antisionisme
Il est devenu difficile par les temps qui courent de nommer les choses par leur nom de peur de se prendre une « fetwa » des bien-pensants pour qui toute critique d’Israël est de l’antisémitisme et à ce titre beaucoup de pays européens en ont fait un délit passible d’amende, voire de prison. Comment passer à travers les gouttes de pluie du conformisme ambiant qui veut qu’Israël soit la modernité et la liberté et soit le dernier rempart de l’Occident en terre orientale baignant dans le chaos. On peut comprendre que le moteur de la politique israélienne a comme carburant l’antisémitisme des autres, cela rend les Israéliens plus forts tout en faisant condamner les contrevenants par la police de la pensée occidentale.
Si l’on croit l’Encyclopédie Wikipédia :
« Il s’agit, d’une forme de racisme dirigée nominalement contre les peuples sémites, regroupés en tant que tels sur la base de critères linguistiques, mais ne visant en réalité que les juifs. Certains historiens comme Jules Isaac insistent pour distinguer antijudaïsme et antisémitisme. Le terme fut utilisé pour la première fois en 1860 par l’intellectuel juif Moritz Steinschneider dans l’expression « préjugés antisémites » (« antisemitische Vorurteile »), afin de railler les idées d’Ernest Renan qui affuble les « peuples sémites’’ de tares culturelles et spirituelles ».[2]
On voit que rien n’interdit de mettre sous le même vocable les autres ethnies sémites comme le sont les Arabes. Le glissement qui s’est opéré a permis de passer de l’aspect ethnique à l’aspect religieux et partant d’arriver à l’antijudaïsme excluant du même coup les Arabes. Pourtant, comme l’a si bien démontré Schlomo Sand dans son ouvrage, il n’y a pas de peuple juif, il y a une religion juive. Ce sont des sémites au même titre que les Palestiniens avec une ascendance cananéenne. [3]
Le mot « sionisme » apparaît à la fin du XIXe siècle pour désigner un ensemble de mouvements différents dont l’élément commun est le projet de donner à l’ensemble des juifs du monde un centre spirituel, territorial ou étatique, en général localisé en Palestine. Le sionisme politique a atteint son but, la création d’un État juif en Palestine. Initialement, le sionisme d’essence laïque n’avait pas encore formalisé le projet d’un Etat aseptisé des Palestiniens spoliés en 1967 de leurs territoires et voire encore. Depuis, le leitmotiv du gouvernement actuel est de faire reconnaître un Etat strictement juif. 3
A ce titre la phrase de de Gaulle en novembre 1967 : Peuple sûr de lui et dominateur à propos des juifs le ferait condamner pour antisémitisme. La résolution 3379 de l’Assemblée générale des Nations unies, titrée « Elimination de toutes les formes de discrimination raciale », adoptée un an après la résolution 3236 de 1974, considère que « le sionisme est une forme de racisme et de discrimination raciale » Elle a été révoquée le 16 décembre 19912 par la résolution 46/86.
Le comble de la manipulation nous est donné par un journaliste qui en rajoute pour se faire bien voir. Il écrit :
« Un sondage de l’Ifop paru récemment indiquait que 22% des Français croyaient à un « complot sioniste ».
Rien d’étonnant donc à ce que quelques gilets jaunes s’en soient pris samedi au philosophe Alain Finkielkraut.
« Rentre chez toi ! » Où ? A Auschwitz ? « Sale merde de sioniste ! » « Sale Juif, on va te tuer !«
Cela s’est passé place des Invalides lors du cortège des Gilets jaunes. En France, donc. Chez nous… Dans les périodes charnières comme celles-ci, ils sont nombreux ceux qui pensent que les élites leurs mentent (…) Et très vite s’installe chez eux l’idée du complot. Le complot des banques (de préférence la banque Rothschild). Le complot des riches, des puissants, et comme toujours, on atteint le point Godwin : le « complot juif ». De ce « complot » ».[4]
Ceci est faux car même l’intéressé lui-même atteste qu’il n’a pas été traité de juif mais de sioniste ! S’il y a donc complot c’est celui qui consiste à faire constamment l’amalgame entre le sionisme et le judaïsme. Ceci mêle les hommes politiques qui n’ont pas résisté à ce glissement sémantique qui consiste de ce fait à interdire de parole ceux qui sont contre le sionisme pour ce que fait Israël aux Palestiniens. Le colonialisme israélien dont parlent des personnalités juives courageuses comme Illyan Pappé, Schlomo Sans Norbert Finkielsteins ; Cet antisionisme fait de toute pièce et dont seule Israël se veut détentrice alors que primitivement il désignait un racisme contre les sémites juifs et arabes. Depuis c’est une marque déposée défendue par Israël et ses réseaux lobbys dans le monde à telle enseigne qu’être taxé d’antisémite vous expose selon la loi Gayssot à 45 000 euros d’amende et de la prison. C’est dire si toute la classe politique est tétanisée de peur de se faire mal voir par le CRIF, qui comme on le sait convoque tout le gouvernement à un tribunal dinatoire selon le mot d’Alain Finkielkraut où tout le gratin politique des médias s’il est invité fera tout pour se faire bien voir par les décideurs du CRIF.
Un mal récurrent : Le racisme
À l’instar de beaucoup d’européens et en général d’occidentaux, les citoyens « travaillés » par des médias aux ordres, n’arrêtent pas de distiller le venin de la discorde. En règle générale ce sont les mélanodermes, les Africains, les Français d’origine nord-africaine, et naturellement l’Islam qui sont pointés du doigt. D’une façon marginale – malgré le tintamarre des statistiques -, les français juifs sont aussi montrés du doigt. Cette littérature immonde est non seulement tolérée il se trouve même des écrivains qui la revendiquent. Quand Claude Imbert assume son islamophobie personne ne proteste, il en est de même de Houellebecq de Zemmour, qui vont jusqu’à faire peur en invoquant le grand remplacement. Toute la fortune de Zemmour provient de ces ouvrages bien vendus. La question qui se pose est la suivante : Est-ce que toutes les communautés sont « traités » de la même façon par la République en théorie équidistante des spiritualités ? Il faut le savoir le décompte concernant les actes à l’endroit des juifs français – ce que l’on appelle par abus de langage actes antisémites alors que les arabes sont aussi des sémites – a un traitement particulier.
« Ainsi la justice a été saisie après des actes antisémites commis ces derniers temps. Le recensement d’actes antisémites a bondi de 74 % en France en 2018 par rapport à 2017« , a annoncé, lundi 11 février, le ministre de l’intérieur.
« L’antisémitisme se répand comme un poison ».
Les actes antisémites recensés par le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) sont passés de 311 en 2017 à 541 l’an passé, a précisé le ministère de l’intérieur. La mairie et le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), Frédéric Potier, ont annoncé qu’ils saisissaient la justice.
« En attaquant un culte, en attaquant la mémoire d’Ilan Halimi, c’est la République qu’on attaque ».[5]
Si le nombre d’actes antisémites a augmenté en 2018, leur décompte connaît de grosses limites méthodologiques et pourrait être sous-estimé. La plupart des bilans des actes racistes, antisémites ou antimusulmans émanent d’organisations communautaires. Pour la communauté juive, c’est le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) qui se charge de diffuser régulièrement des bilans. L’organisation de représentation politique des juifs de France s’appuie pour cela sur le décompte du Service de protection de la communauté juive (SPCJ, voir par exemple son dernier rapport annuel) : un organe créé au lendemain de l’attentat de la rue Copernic (1980) pour recenser les actes antisémites sur le territoire français, que le CRIF sponsorise aux côtés des consistoires (représentations religieuses du judaïsme en France) et du Fonds social juif unifié (un regroupement d’associations qui agissent sur le terrain social pour la communauté juive). C’est sur ce chiffre que Christophe Castaner a appuyé ses propos le 11 février ». [6]
Du côté de la communauté musulmane, deux institutions se disputent le décompte des actes visant les Français pour leur pratique de l’islam : L’Observatoire national contre l’islamophobie, créé en 2011 sous l’égide du Conseil français du culte musulman (CFCM) ; Le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), un réseau indépendant créé en 2003, mais « vraiment actif depuis 2010 », comme l’expliquaient en 2013 à l’Agence France-Presse Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed, auteurs de l’ouvrage « Islamophobie : Comment les élites françaises fabriquent le « problème musulman » (La Découverte, 2013).
« Ces indicateurs ne sont pas pour autant dépourvus de toute validation officielle. Le Service de protection de la communauté juive et l’Observatoire national contre l’islamophobie travaillent en effet avec le ministère de l’intérieur pour récolter leurs chiffres. (…) » 6
Or, comme l’expliquait début 2014 le sociologue Marwan Mohammed au Monde :
« Le recensement des plaintes pour mesurer l’islamophobie est une donnée relativement fragile. Dans les études de victimation, on remarque que le taux de plainte est plutôt faible sur ces questions. Nous ne disposons pas non plus d’étude précise sur l’accueil qui est réservé aux victimes d’islamophobie par les policiers. Et la plainte peut ensuite être requalifiée, par exemple en incitation à la haine raciale. »
Comme le rappelle la CNCDH :
« On estime que seuls 6 % des injures racistes seraient signalés aux autorités, et 3 % seulement seraient enregistrés au titre de plaintes. Pour les menaces racistes, un tiers des faits seraient signalés, et 19 % seulement seraient enregistrés au titre de plaintes ». 6
Qu’est-ce qu’un acte raciste ?
La définition des actes « racistes » recensés dans ces bilans est le fruit d’un travail de concertation entre les organisations communautaires et le ministère de l’intérieur, bien qu’ils s’appuient le plus souvent sur la législation en place. Seuls les actes antisémites sont définis séparément dans la loi française. Les actes antimusulmans rentrent quant à eux dans le cadre plus général des actes racistes ou xénophobes. Dans l’un ou l’autre des cas, le caractère raciste est lié à « l’appartenance réelle ou supposée » à une ethnie, une race ou une religion : un acte manifestement antimusulman peut donc tout à fait être comptabilisé même si la victime n’est en réalité pas musulmane.
C’est pour pallier ces lacunes que le Collectif contre l’islamophobie en France a décidé de compter les actes islamophobes par ses propres moyens : plutôt que de reprendre les chiffres du ministère de l’intérieur, il s’appuie sur les remontées directes des victimes, qu’il assure vérifier à l’aide de documents et de témoignages. Résultat : il recense 446 actes islamophobes en 2017, quand l’Observatoire national contre l’islamophobie n’en compte que 82.
L’islamophobie, un nouveau racisme ?
Dans une interview donnée au Nouvel Observateur en juillet 2013, Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, expliquait qu’il refusait d’utiliser le terme « islamophobie », préférant l’expression « racisme antimusulman ». Il reprenait ainsi à son compte l’argumentaire de l’essayiste Caroline Fourest pour qui le terme « islamophobe » est un concept utilisé par les adeptes d’un islam fondamentaliste afin d’empêcher toute critique de la religion.[7]
Pour Alain Gresh, rédacteur en chef du Monde diplomatique, refuser la dimension raciste de l’islamophobie est une manière de se voiler la face.
« Il est évident qu’il y a un recoupement entre racisme anti-Maghrébins et islamophobie, sans doute renforcé par la visibilité d’une partie de la jeune génération, qui s’affirme « musulmane » sur la scène publique et ne rase plus les murs. Il se développe ainsi un nouveau racisme anti-arabe, porté par une partie des intellectuels et des médias, qui se camoufle sous le drapeau de la lutte contre l’islam », affirmait le journaliste au début des années 2000.[8]
Les discriminations relevant de différentes formes de racisme « coexistent et s’imbriquent même parfois de manière difficilement discernable ». Du point de vue de la plupart des observateurs, le terme islamophobie est imparfait car il suggère une « peur » collective de l’islam. Mais il s’impose peu à peu depuis plusieurs années comme la définition d’actes, de sentiments, de préjugés à l’encontre de personnes musulmanes ou supposées telles selon Stéphanie Le Bars, journaliste au « Monde ». On ne peut pas dire que le racisme anti-musulman se soit totalement substitué au racisme anti-arabe ou au racisme anti-immigré dans la mesure où des discriminations relevant de toutes ces formes de racisme coexistent et s’imbriquent même parfois de manière difficilement discernable. Il est évident que, depuis quelques années, l’islam, les pratiques religieuses musulmanes et donc les musulmans eux-mêmes sont devenus une cible privilégiée des attaques d’une partie de la droite, de l’extrême droite, voire de certains responsables à gauche. Cette parole politique a, sans aucun doute, contribué à cautionner des agressions verbales ou physiques envers des musulmans et des institutions musulmanes. Un parallèle est souvent établi entre la situation. 7
L’islamophobie va au-delà d’un simple racisme
Les sociologues Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed ne s’en cachent pas : leur ouvrage « Islamophobie, comment les élites françaises fabriquent le « problème musulman », (La Découverte), est un livre à thèse. La notion d’islamophobie et les actes qui l’accompagnent, sont, selon eux, la conséquence d’un « consensus national » autour de l’idée que l’islam et la présence des musulmans en France « posent problème ». Mais, au-delà de cette démonstration, les auteurs livrent un travail fouillé sur l’état des recherches en France et dans le monde anglo-saxon sur ce phénomène. Ils reviennent sur « l’imperfection » du terme, sa possible « instrumentalisation » et la progressive reconnaissance du phénomène par les élites.[9]
À la question : « Quelle est votre définition de l’islamophobie et quels en sont les ressorts ? Ils déclarent :
Pour nous, l’islamophobie, ce ne sont pas seulement des actes de discrimination, mais un phénomène social global, qui consiste à réduire « l’autre » à son appartenance religieuse présumée ou réelle. Elle repose donc à la fois sur une idéologie, des préjugés et des actes. En cela, elle va au-delà d’un simple racisme, mais découle d’un « problème musulman », construit, de manière non concertée, par différents acteurs ». 9
« A l’heure actuelle, il faut distinguer plusieurs logiques, opérant de manière séparée ou cumulative : anti-religion, lutte contre l’islamisme (religion dangereuse), anti-sexisme (religion opprimant les femmes), racisme de classe (religion du pauvre) ou un racisme tout court (religion de l’étranger). Mais au final, ces logiques se rejoignent sur un point : l’essentialisation du musulman. Il n’y a plus de pluralité identitaire chez un individu : l’islam écrase tout. En 1979, la révolution iranienne a inauguré le regard géopolitique sur la situation des musulmans en France. Cette approche a débouché, après les attentats de 2001, sur un continuum islam-islamisme-terrorisme, en décalage avec la réalité. Aujourd’hui il est évident que dans le regard de certains, un lien est fait entre les récents événements de Nairobi et ma voisine qui porte le foulard : c’est cela le noyau de l’islamophobie. La partie la plus marginale parle pour le tout ».
Antisémitisme –Islamophobie : Deux poids deux mesures
À juste titre l’écrivain Tahar Ben Jelloun dénonce le poison de l’antisémitisme et, avec lui, la haine de tous les êtres humains. Une blessure universelle. Il fait l’inventaire de tous les racismes à combattre :
« L’antisémitisme, écrit-il, n’est pas un accident de cette histoire. Il est et a été souvent présent, actif et sans honte ni peur. Que ce soit l’affaire Dreyfus ou la rafle du Vel’ d’Hiv, que ce soit hier ou aujourd’hui, le juif a tout le temps été le bouc émissaire idéal pour vomir la jalousie, le ressentiment, le mal-être ou simplement la façon d’être au monde. Le rejet de l’Arabe est une variante de cet antisémitisme. De toute façon, celui qui n’aime pas le juif refuse par la même occasion l’Arabe et par extension le musulman. L’islamophobie, ou plus exactement la haine de l’islam, s’est aisément installée dans les mentalités parce que l’antisémitisme était déjà à l’œuvre. Peut-être que la différence viendrait du fait que l’islam a été utilisé comme étendard du terrorisme et de la haine de la France ».[10]
Avec sagesse, Tahar Ben Djelloun en appelle à faire front contre cette peste brune qui ne fait pas dans le détail :
« Le rejet de l’Arabe est une variante de cet antisémitisme. La haine du juif n’avait pas besoin de raison. On insulte, on agresse, on tue un juif parce qu’il est juif. Le « gang des barbares » n’avait rien à reprocher à Ilan Halimi si ce n’est sa judéité qui, dans l’imaginaire de cette bande de criminels, implique d’avoir de l’argent. (…) Les meurtres commis par Mohamed Merah ne cessent de hanter la mémoire de ce pays où on est tué parce qu’on est juif. Le racisme en général – le rejet de l’étranger, de l’immigré, du réfugié, du Noir ou du musulman – a régressé. Certes, le 17 octobre 1961, on a jeté des Algériens dans la Seine. Le 14 novembre 1983, on a balancé Habib Grimzi, un voyageur algérien, d’un train entre Bordeaux et Vintimille. Le 1er mai 1995, on a jeté dans la Seine Brahim Bouarram, un passant marocain. Ces actes d’un racisme banal ont tous été dénoncés. La France a besoin d’être réparée, car la haine du juif entraîne celle de tous les autres êtres humains. (…) Manifester son dégoût en défilant en silence, comme cela a été fait après le massacre de Charlie Hebdo, est la moindre des choses. Mais la France a besoin d’être réparée, car la haine du juif entraîne celle de tous les autres êtres humains. C’est en ce sens que nous sommes tous concernés par l’antisémitisme. Ce n’est pas une simple affaire entre une certaine France et une population juive. C’est l’affaire de tous, quelles que soient les croyances, les convictions ou les idées. Chacun en son être reçoit une part de cette blessure qui s’acharne sur le juif ».
L’islamophobie est-elle punie par la loi ?
On sait que les actes racistes concernant les Français de confession juives sont classés antisémites et amènent pour les contrevenants à des peines sévères conformément à la loi Gayssot. Cependant les actes antimusulmans ont doublé en janvier par rapport à l’année dernière. Mais comment définit-on un acte islamophobe ? Que risquent ses auteurs ?
Pour Delphine Roucaute et Madjid Zerrouky :
« Le terme « islamophobie » suggère à l’origine une peur collective de la religion musulmane. Mais il s’impose depuis quelques années comme l’ensemble des réactions de rejet vis-à-vis des personnes musulmanes (ou supposées telles). En effet, si le suffixe « phobie »désigne étymologiquement une peur, son sens a dévié et peut désigner communément une notion d’« hostilité ».
Ainsi, selon le Conseil contre l’islamophobie en France (rapport 2014) :
« Il s’agit de l’ensemble des actes de discrimination ou de violence contre des institutions ou des individus en raison de leur appartenance, réelle ou supposée, à l’islam. Ces actes sont également légitimés par des idéologies et des discours incitant à l’hostilité et au rejet des musulmans ».[11]
De la même manière, le Conseil de l’Europe établit dans son rapport sur l’islamophobie et ses conséquences pour les jeunes que :
« L’islamophobie peut se définir comme la peur, ou une vision altérée par des préjugés, de l’islam, des musulmans et des questions en rapport. » Ce à quoi il ajoute : « Qu’elle se traduise par des actes quotidiens de racisme et de discrimination ou des manifestations plus violentes, I’islamophobie est une violation des droits de I’homme et une menace pour la cohésion sociale. »
De même, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, déclarait en 2009 que :
« Le racisme peut aussi s’exprimer de manière moins formelle comme la haine contre un peuple ou une catégorie particulière comme l’antisémitisme, par exemple, ou plus récemment l’islamophobie ». 11
C’est donc une forme de racisme pourtant il n’en est pas ainsi selon la justice française :
« L’islamophobie n’est pas punie en tant que telle en France. L’encadrement de son expression dans l’espace public relève des lois régissant la liberté d’expression« .
En effet, selon la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, à titre d’exemple, le 15 octobre 2013, Christine Tasin, présidente de l’association « Résistance républicaine » et collaboratrice du site Riposte laïque avait déclaré devant un abattoir mobile installé pour le sacrifice rituel de l’Aïd-el-Kébir à Belfort :
« Oui, je suis islamophobe, et alors ? La haine de l’islam, j’en suis fière. L’islam est une saloperie (…), c’est un danger pour la France. » 11
Conclusion
Des voix communautaristes et même partisanes notamment du parti de la République en Marche, s’élèvent en France pour mettre l’antisionisme sur le même plan que l’antisémitisme. C’est-à-dire qu’il donnerait lieu à des condamnations sévères ; interviewé sur France 3, Dominique Vidal journaliste, historien pense que ce serait une dérive. Il en parle aussi dans son ouvrage : « Antisionisme- antisémitisme ? » :
« Violences, insultes imbéciles, actes antisémites, l’émotion générale est pour certains une occasion de faire accepter l’amalgame entre critique du sionisme et antisémitisme. Le sionisme est une doctrine politique qui, tout comme le gaullisme, le communisme ou le macronisme, s’expose aux débats et aux critiques. Faire l’amalgame avec une des pires formes du racisme est une hypocrisie qui revient à banaliser l’antisémitisme ».[12]
Au dîner du CRIF du 20 février, Emmanuel Macron a accédé à la demande formulée par Francis Kalifat en annonçant que la France allait adopter dans ses textes de référence la définition de l’antisémitisme validée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA), c’est-à-dire élargie à l’antisionisme, « une des formes modernes de l’antisémitisme », a souligné le chef de l’Etat, sans pour autant « empêcher ceux qui veulent critiquer la politique israélienne de le faire » ni « modifier le code pénal », a-t-il précisé. Il s’agit de mettre en œuvre des recommandations (à destination des policiers, des magistrats, des enseignants…), les textes juridiques ne seront donc pas modifiés.[13]
La République censée être laïque et areligieuse n’est pas équidistante des espérances des communautés, on le voit c’est le deux poids deux mesures. On peut comprendre la sensibilité des Juifs contre le retour de la barbarie symbolisé par les actes anti-juifs, qu’il nous faut dénoncer mais pourquoi ne fait-on pas le distinguo entre les actes antisémites et antisionistes que l’on amalgame et que l’on juge sévèrement ?
En France vous pouvez être anti-musulman vous ne risquez pratiquement rien. À l’inverse, la classe politique, les médias, les intellectuels et de simples citoyens sont tétanisés par ce qui se passe. Ils n’osent pas dire que par exemple le CRIF est en France il n’a pas à défendre Israël et à se servir de la loi Gayssot pour « punir » tous ceux qui sont contre la politique d’Israël !
Dire que l’on est pour la décolonisation de la Palestine est dans l’imaginaire actuel un acte antisémite. Cet acte est passible de prison ! Est-ce cela la France que l’on dit des droits de l’homme, tolérante, qui se veut à l’avant-garde des libertés ? Il faut dénoncer indifféremment tous les racismes. Les citoyens français quelles que soient leurs espérances religieuses ont droit de vivre en paix. Le chemin pour la sérénité est encore long.
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique Alger
[1] https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/02/16/alain-finkielkraut-siffle-et-cible-d-insultes-antisemites-par-des-gilets-jaunes_5424438_3224.html
[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Antis%C3%A9mitisme
[3] Chems Eddine Chitour https://www.legrandsoir.info/une-verite-a-marteler-l-antisionisme-n-est-pas-de-l-antisemitisme.html
[4] Benoît Rayski https://www.atlantico.fr/decryptage/3566212/agression-contre-finkielkraut–certains-gilets-jaunes-voudraient-que-les-juifs-portent-l-etoile-jaune-benoit-rayski
[5] https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/02/11/la-justice-saisie-a-cause-de-plusieurs-tags-antisemites-a-paris_5422154_3224.html
[6] Maxime Vaudano https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/02/12/actes-antisemites-et-islamophobes-un-decompte-hasardeux_5422565_4355770.html
[7] Stéphanie Le Bars https://www.lemonde.fr/societe/article/2013/09/30/l-islamophobie-un-nouveau-racisme_3487391_3224.html
[8] Alain Gresh :http://lmsi.net/A-propos-de-l-islamophobie
[9] Stéphanie Le Bars https://www.lemonde.fr/societe/article/2013/09/27/l-islamophobie-va-au-dela-d-un-simple-racisme_3485814_3224.html
[10] Tahar Ben Jelloun https://www.lepoint.fr/invites-du-point/tahar-ben-jelloun/tahar-ben-jelloun-antisemitisme-l-ame-blessee-de-la-france-19-02-2019-2294424_1921.php
[11] Delphine Roucaute et Madjid Zerrouky https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/01/20/l-islamophobie-est-elle-punie-par-la loi_4559911_4355770.html
[12] Dominique Vidal. Antisionisme = antisémitisme ? Réponse à Emmanuel Macron Editions Libertalia (2018).
[13] https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/02/21/au-diner-du-crif-macron-promet-des-actes-tranchants-pour-repondre-a-l-antisemitisme_5426022_823448.html