En Libye, la guerre s’internationalise
21 mai 2019
Analyse
La Turquie a livré le 18 mai des dizaines de blindés aux forces qui soutiennent le gouvernement dit d’union nationale à Tripoli. Le maréchal Haftar qui a annoncé le lancement le 20 mai d’une nouvelle phase de son offensive sur la capitale doit être reçu dans la semaine par Emmanuel Macron.
Marie Verdier, le 19/05/2019
En Libye, la guerre s’internationalise
Les forces loyales au gouvernement dit d’union nationale (GNA) à Tripoli ont publié sur leur page Facebook les photos de dizaines de blindés et des lots de munitions fraîchement arrivés au port de la capitale. HO/Media Bureau of « Volcano of Anger » operation »/AFP
La guerre autour de Tripoli ne cesse de grimper en intensité. Et les forces qui se combattent ne cachent même plus les livraisons d’armes qui violent l’embargo onusien censé être en vigueur depuis le soulèvement qui a renversé le régime de Mouammar Kadhafi en 2011.
Le 17 mai au matin, les forces loyales au gouvernement dit d’union nationale (GNA) à Tripoli publiaient sur leur page Facebook les photos de dizaines de blindés et des lots de munitions fraîchement arrivés au port de la capitale. Il s’agit visiblement de véhicules de combat Kirpi de la compagnie turque BMC débarqués d’un cargo battant pavillon moldave. Le GNA a indiqué fournir blindés et munitions aux troupes qui le soutiennent « en préparation à une vaste opération pour anéantir les rebelles du criminel de guerre, le rebelle Haftar ».
La Libye s’enfonce dans une guerre durable
Avec leur contre-offensive baptisée « vent de la colère », les milices qui défendent Tripoli, ainsi que les villes voisines alliées de Misrata et Zintan, tentent de résister à l’assaut lancé le 4 avril par l’autoproclamée armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar. En cinq ans, celui qui est qualifié d’homme fort de l’est libyen a étendu son emprise – à l’ancrage plus ou moins consolidé – sur les deux-tiers du territoire libyen. Fort de ses avancées, il pensait prendre possession de la capitale lors d’une opération éclair, avant la tenue d’un dialogue politique qui était planifié mi-avril sous l’égide de l’ONU.
Des livraisons d’armes pour les deux parties du conflit
Or, en près de sept semaines de conflit, plus de 450 morts, 2 000 blessés et 60 000 déplacés, son opération « Torrent de dignité » patine. Il a annoncé pour ce 20 mai qu’il allait lancer une nouvelle phase de son offensive. Ses troupes elles aussi bénéficient d’apport de matériel militaire étranger. Selon le groupe d’experts de l’ONU sur la Libye, le nombre de véhicules blindés de l’ANL est en « constante augmentation ». Et une enquête est en cours concernant l’usage de missiles Blue Arrow 7 de fabrication chinoise en provenance, selon toute vraisemblance, des Émirats arabes unis, ces derniers étant avec l’Arabie saoudite et l’Égypte, les premiers soutiens du maréchal Haftar.
Les craintes que Daech ne profite de cette nouvelle déstabilisation de la Libye semblent se confirmer. Le groupe État islamique a revendiqué une attaque près de Zella en plein centre du pays le 18 mai. Deux personnes ont été tuées et quatre autres enlevées. Il s’agit de la troisième attaque revendiquée en deux semaines.
Le maréchal Haftar attendu à Paris
Alors que le conflit s’enlise, le ballet diplomatique s’intensifie. L’envoyé spécial de l’ONU Ghassan Salamé a entrepris une tournée des pays européens puis passé trois jours à Washington du 16 au 18 mai dans une tentative désespérée d’obtenir des positions internationales convergentes pour résoudre le conflit libyen.
Après avoir rencontré le premier ministre italien Giuseppe Conte le 16 mai, le maréchal Haftar est attendu dans la semaine du 20 mai à Paris. Cette rencontre « aura pour objet d’échanger sur la situation en Libye et les conditions de reprise du dialogue politique, à la suite de la visite du premier ministre, Fayez al-Sarraj, et en lien avec l’ONU et nos partenaires », a fait savoir la présidence.
L’homme de l’est engrange des soutiens
Or, les conditions du dialogue sont moins réunies que jamais. En voulant prendre de force la capitale, le maréchal a démontré qu’il n’en avait cure. Son arrogance, sa lutte contre le terrorisme – mais aussi son combat contre tous ses opposants sans distinction – tend à porter ses fruits puisqu’il engrange de plus en plus de soutiens étrangers, au détriment du faible GNA qui n’est plus soutenu que du bout des lèvres par l’ONU. Mais son agression a réveillé l’hostilité des milices de l’ouest ressoudée autour du gouvernement de Tripoli.
Le dirigeant libyen repart bredouille de sa tournée européenne
La France elle-même ne cache plus sa préférence. Emmanuel Macron avait demandé le 8 mai à Fayez al-Sarraj d’accepter un cessez-le-feu sans conditions, c’est-à-dire en reconnaissant les avancées des forces du maréchal. Or le président du GNA a fait du recul des troupes de l’ANL à ses positions d’avant le 4 avril un préalable à toute discussion.
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