Migrations: en Libye, le tragique bilan de la fermeture des ports italiens
15 juin 2019
Cela fait un an que l’Italie a fermé ses frontières maritimes aux migrants venant de Libye, en juin 2018. L’ONG Médecins sans frontières alerte à nouveau, à l’occasion de cet anniversaire, sur les conditions de détention des migrants dans les centres libyens. Alors que selon MSF, 15 000 personnes ont été interceptées en mer et ramenées à Tripoli en 2018.
Selon MSF et SOS Méditerranée, au moins 1 151 hommes, femmes et enfants ont péri en Méditerranée centrale depuis que l’Italie a décidé, l’an dernier, de fermer ses ports aux navires humanitaires portant assistance aux migrants en mer. Rien que sur les six dernières semaines, plus de 3 800 départs sur des embarcations de fortune ont pourtant été répertoriés par les deux ONG.
Fin 2018, MSF et SOS Méditerranée ont dû renoncer à affréter l’Aquarius, dernier bateau qui portait encore assistance à celles et ceux qui tentent la traversée à partir de la Libye. Le navire avait été bloqué à Marseille en raison de la perte de son pavillon panaméen en septembre, pour non-respect des « procédures juridiques internationales en matière de secours » aux réfugiés.
Julian Raickman, chef de mission de MSF pour la Libye, explique qu’en 2018, 15 000 personnes ont été ramenées en Libye dans le cadre de retours forcés : « Nous sommes actifs dans les centres de détention et dans les centres de dés-embarquement. Dans les centres de dés-embarquement, très souvent, on peut voir des gens qui ont tenté plusieurs fois la traversée », relate-t-il.
3 400 migrants et réfugiés dans les centres de la capitale libyenne
En Libye, « il y a environ 5 800 personnes qui sont dans les centres de détention et qui sont détenues de façon illégale, en ayant été ramenées souvent à partir de la zone maritime internationale par les gardes-côtes libyens, en toute illégalité. Les conditions de détention en Libye sont les mêmes, voire pires, que celles qui sont décrites depuis des années », observe Julian Raickman.
Début juin, les Nations unies ont dénoncé les centres libyens. « Nous sommes profondément préoccupés par les conditions épouvantables dans lesquelles des migrants et des réfugiés sont détenus en Libye », avait déclaré Rupert Colville, porte-parole du Haut Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, énumérant au passage 22 décès dus à la tuberculose, entre autres, à Zintan depuis septembre.
Il ajoutait que 60 autres personnes souffrant de tuberculose avaient été enfermées dans un hangar pour y vivre un véritable « enfer », tandis que 30 personnes, toutes chrétiennes et souffrant de la même maladie, avaient été transférées vers le centre de Gharyan, près du front… L’ONU avait dénombré 3 400 migrants et réfugiés dans les centres de Tripoli, en proie à de violents combats depuis avril.
« Aujourd’hui, avec les combats, l’accès à la nourriture est très, très largement insuffisant. On a des maladies qui se développent, des maladies mentales premièrement. On a des gens qui ont une santé qui se dégrade. Donc les gens, ici en Libye, sont beaucoup plus sensibles aux maladies infectieuses, notamment la tuberculose », confie le chef de la mission de Médecins sans frontières.
Les ONG demandent un système de débarquement vers des lieux sûrs
L’ONU a visité le centre de Zintan, où 654 migrants et réfugiés étaient alors détenus dans des conditions « équivalentes à des peines ou des traitements inhumains et dégradants » assimilables à « la torture », selon Rupert Colville, qui décrit en détail la sous-alimentation, les privations d’eau, les gens « enfermés dans des entrepôts surpeuplés empestant les ordures et les latrines bouchées ».
Les Nations unies demandent aux autorités libyennes de libérer « immédiatement » les migrants et les réfugiés (notamment érythréens) détenus dans ces lieux de détention. « Nous sommes également extrêmement préoccupés par les informations faisant état de disparitions et de traite d’êtres humains après que des personnes aient été interceptées en mer. »
Quant à Médecins sans frontières et SOS Méditerranée, les deux organisations demandent aux États de l’Union européenne de mettre un terme aux « actions punitives contre les ONG » intervenant en Méditerranée centrale, et la mise en place d’urgence de « capacités de recherche et de sauvetage » et d’un « système de débarquement pérenne » vers des « lieux sûrs ».
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