CINÉMA – L’œuvre de Victor Hugo a largement dépassé les frontières de la France. “Les Misérables” de Ladj Ly pourrait bien en faire de même. S’il décrit le quotidien des habitants de la cité des Bosquets à Montfermeil, l’impact du film se ressent déjà bien au-delà de la Seine-Saint-Denis, jusqu’à Hollywood.
“Si je voulais toucher un plus large public, je me suis dit qu’il était temps que je me mette à la fiction”, raconte Ladj Ly au HuffPost lorsqu’on le rencontre à quelques jours de la sortie du film, au cinéma ce mercredi 20 novembre. Alors après des années de “copwatching” à filmer les descentes de police dans son quartier et le documentaire “365 jours à Clichy-Montfermeil” pendant les émeutes de 2005, le réalisateur du collectif Kourtrajmé signe son premier long-métrage.
Un parcours du combattant
Dans “Les Misérables”, Ladj Ly raconte le quotidien d’un jour chaud d’été dans la banlieue parisienne où une interpellation dérape lorsque trois flics de la BAC blessent gravement un enfant du quartier. Lorsqu’ils lèvent les yeux, ils découvrent qu’un drone a filmé toute la scène…
Pour un premier film, “Les Misérables” a déjà beaucoup fait parler de lui. En mai dernier, le drame concourrait en sélection officielle au Festival de Cannes aux côtés de cinéastes bien plus installés comme Ken Loach, Quentin Tarantino ou Terrence Malick. Qualifié de “claque” par la presse française et internationale, le premier long-métrage de Ladj Ly repartait de la Croisette une palme de Prix du jury sous le bras.
“Il y a encore un an, on n’était même pas sûr de le faire ce film, on a eu beaucoup de mal à le monter”, se souvient Ladj Ly. Avec ses co-scénaristes Giordano Gederlini et Alexis Manenti, il assure être passé par un vrai “parcours du combattant” pour voir naître ce film. “Les sujets engagés, c’est toujours très compliqué au cinéma”, souffle-t-il.
Fort de son histoire dure mais racontée avec justesse, où le spectateur s’attache tour à tour aux enfants délaissés comme aux flics qui vont travailler la boule au ventre, le film “Les Misérables” ne laisse personne indemne. La scène finale du long-métrage, qui nous laisse en suspens, n’y est pas pour rien.
“Les Misérables” au pays de Donald Trump
“Je voulais laisser de l’espoir et ne pas orienter le public”, explique celui qui habite toujours à Montfermeil. “Chacun fera sa propre interprétation, l’idée c’était que le film fasse réfléchir, que les spectateurs se rendent compte des conditions de vie de ces gens et que ça puisse lancer le débat.”
Et cela fonctionne déjà au-delà des frontières de l’Hexagone. “On a du projeter le film dans une vingtaine de pays et à chaque fois, les retours sont les mêmes: les gens se prennent une claque et cela relance le débat”, décrit Ladj Ly. Au pays de Donald Trump notamment, “Les Misérables” ne laisse pas de marbre.
“Aux États-Unis, les gens étaient sous le choc de voir qu’en France il y avait des ghettos, c’est impressionnant”, assure le cinéaste. “En fait, le film est universel. La misère ne concerne pas que la France. Les gens peuvent se reconnaître partout à travers cette histoire de violences policières”.
Une portée universelle du long-métrage qui n’a pas échappé au Centre national de la cinématographie (CNC). À la fin du mois de septembre, l’établissement public du ministère de la Culture choisissait “Les Misérables” pour représenter la France dans la catégorie du Meilleur film international aux Oscars 2020.
Il reste encore deux étapes de sélection par l’Académie américaine avant de savoir si le film fera partie des finalistes – ce qui n’est pas arrivé pour la France depuis 2013 avec “Intouchables” d’Eric Toledano et Oliver Nakache. “On va essayer d’aller jusqu’au bout pour remporter cette statuette”, sourit Ladj Ly.
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