LES GUERRES DE L’EAU AU XXI SIÈCLE
5 août 2020
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Au moment où les forces françaises, appuyées par l’OTAN et l’AFRICOM US, sont engagées au Sahel, dans une bande sahélienne qui se caractérise par son aridité, la question de l’eau apparaît plus que jamais comme un enjeu de sécurité est de développement. Ces questions sécuritaires, que soulèvent les Barkhane et autres Serval, si elles se posent sont bien souvent celles de l’accès aux ressources et bien entendu à la plus vitale entre toutes. En arrière-plan cette «Géopolitique de l’eau» qui sera l’un des enjeux majeurs de ce siècle. La géopolitique de l’eau a des influences directes : «les grands aquifères sahariens qui se révèlent comme une source précieuse de ces territoires du Sahel victimes et nous le savons bien aujourd’hui du mal-développement et de la mal gouvernance qui ont favorisé la situation actuelle notamment au Nord Mali».
UNE QUESTION MILLÉNAIRE: LA MESOPOTAMIE ET LA GEPOLITIQUE DE L’EAU EN MEDITERRANEE
Pour L’eau et les tensions en Méditerranée, l’eau a été et continue à être une source de tensions en Méditerranée, aussi bien au Nord qu’au Sud et à l’Est, disait déjà un expert en 2013.
Il faut souligner «l’importance du facteur hydraulique dans les civilisations mésopotamiennes, dans cette zone qui n’est pas, nous le savons désormais, le croissant fertile, la question centrale dans l’antiquité était bien celle de la maîtrise de l’eau par des ouvrages hydrauliques d’importance majeure utilisant déjà le bitume comme moyen de réaliser l’étanchéité de ces ouvrages. Si la notion d’hydroconflictualité a un sens, c’est bien dans cette période. Les différents royaumes assyriens, néo-assyriens et néo-babyloniens se livrant à la destruction des réalisations de leurs adversaires. Les vandales n’ont pas hésité non plus lors de leur traversée de la Gaule à détruire les aqueducs avec un enthousiasme qui a fait entrer le nom de ce peuple dans le langage commun».
Le chantage exercé par la Turquie d’Erdogan contre la Syrie et l’Irak, sur le volume des eaux du Tigre et de l’Euphrate, nous rappelle que cette problématique millénaire n’a rien perdu de son importance.
LES DOCTRINES LIÉES A LA GÉOPOLITIQUE DE L’EAU
Au cœur de notre problématique, la «DOCTRINE DE LA SOUVERAINETÉ TOTALE SUR LES EAUX», illustrée par le contrôle amont des sources du Tigre et de l’Euphrate, tandis que le cas du Nil (Cf. la seconde partie de cette analyse), avec la montée des revendications des pays amont contre le grand pays d’aval, l’Égypte, est un exemple de ce que l’on peut espérer trouver comme archétype de la «DOCTRINE DE L’INTÉGRITÉ TERRITORIALE ABSOLUE», lourde d’ailleurs de dangers en raison de l’impact qu’aurait sur le premier pays du bassin du Nil, un contrôle par les pays de l’amont.
L’eau dans le conflit israélo-palestinien (liée à la Question du Nil) apparaît clairement comme une source de tensions, avec la volonté israélienne d’exploiter à son profit l’aquifère profond de Cisjordanie et la volonté d’accaparer les ressources du Nil en Ethiopie et du Golan occupé contre la Syrie. On parle de «la Mer morte assassinée. Certes salée et fortement, elle n’en constitue pas moins un exutoire indispensable pour le Jourdain et le Yarmouk, source d’eau douce à partir du plateau du Golan. Une autre région contestée encore pour son rôle de château d’eau de la Galilée».
LA GRANDE RIVIÈRE ARTIFICIELLE DE KADHAFI
Certains dirigeants d’avant-garde ont anticipé dès les vingt dernières années du XXe siècle cette problématique. Ainsi en 1984, projet directement impulsé par Kadhafi, la Libye avait entamé la réalisation unilatérale de la GRANDE RIVIÈRE ARTIFICIELLE. Cet ouvrage pharaonique (réalisé avec la Corée du Nord) – dans le bon sens du terme – avait permis, à partir des aquifères profonds de Nubie au Sud Est du pays d’alimenter en eau le littoral dans une proportion de 87%. La Libye avait envisagé deux séries d’accords, avec l’Égypte et le Soudan à l’Est et la Tunisie et l’Algérie à l’Ouest pour l’aquifère saharien.
L’évolution de la situation en Libye, la Somalisation du pays, et l’absence d’un État unitaire dans la Libye post-CNT, depuis 2011 ont remis en cause ces accords. Ajoutons que les infrastructures ne sont plus entretenues, bombardées par l’OTAN et les milices diverses, et que les grandes villes côtières libyennes manquent d’eau courante depuis la destruction de la Jamahiriya.
EAU, CHANGEMENT CLIMATIQUE ET GÉOSTRATÉGIE
Le triptyque « Eau, changement climatique et géostratégie» est central ! Il traite évidemment des «conséquences du changement climatique et de son impact sur l’or bleu». Les États avaient « jusqu’alors une approche économique du problème, celle-ci touche désormais aux questions de sécurité stratégique. Cela se traduit par des politiques d’appropriations de terres cultivables, donc suffisamment arrosées ou facilement irrigables par des États dotés de moyens financiers importants et menacés par le stress hydrique consécutif au changement climatique».
Les opérations militaires en cours, en Afghanistan ou en Afrique concernent ces questions. La sécurité des États exposés en première ligne à des pénuries sera effectivement directement menacée. Des préoccupations, encore balbutiantes dans l’armée française, mais déjà prises en compte par le commandement US, de GREEN WARRIOR, c’est à dire «orienté vers des missions prenant en compte l’évolution environnementale». Pourtant, avant que les États Unis s’engagent dans la contre-insurrection au Levant et en Afrique, «les forces françaises avaient parfaitement intégré (Ndla : avant 2013) cette notion de répartition de la ressource en eau permettant de gagner les cœurs et les esprits en favorisant des aménagements hydrauliques au profit des populations».
Pour certains experts français, et ce n’est pas surprenant, «il conviendra de traiter ces questions par la réactivation de structures spécialisées dans la gestion de la ressource, ou par la création de nouvelles entités de gestion transnationale de l’eau, des nappes ou des bassins». De ce point de vue, «la politique du «deux poids deux mesures » peut se révéler conflictuelle à terme» :
– L’appropriation de la ressource par Israël de l’aquifère Cisjordanien est un abcès de fixation et favorise évidemment toutes les manipulations.
– En Asie centrale, le problème est le même, avec une tension permanente entre les pays riverains de ces fleuves endogènes de la mer d’Aral, l’Amou Daria et le Syr Daria.
– Enfin, le développement des usines géantes de désalinisation fait de ces dernières autant d’objectifs pour des frappes aériennes ou de missiles avec une volonté évidente de menacer de façon permanente les intérêts vitaux de l’adversaire.
SÉCURITÉ INTERNATIONALE ET ENJEUX LIÉS À L’EAU
Depuis la fin des années 1990, la question de la compétition pour les ressources préoccupe largement les États-Majors.
– Voir le problème du Nil, une véritable pomme de discorde potentielle entre pays de l’amont et de l’aval. L’Égypte doit nourrir 82 millions d’habitants et reste loin de l’autosuffisance alimentaire. Dans ce domaine, le Soudan a également une attitude inflexible et considère comme une agression toute tentative des pays amont de modifier le débit du grand fleuve. Pourtant et très légitimement l’Éthiopie avec 118 millions d’habitants en 2025 a besoin de développement hydraulique.
– Il y a aussi le cas de l’Algérie qui a su mobiliser une partie de la rente pétrolière pour doter le pays d’usines de dessalement permettant d’alimenter des villes littorales en forte croissance. Toutefois pour l’Égypte comme pour l’Éthiopie, des investissements lourds s’avèrent indispensables.
– Comme en Libye, la guerre a été une catastrophe pour le Yémen, un pays vulnérable à court terme: La stabilité de l’ancienne « Arabie heureuse » est grandement menacée. Le pays compte 200 m3 d’eau par habitant et pourrait se retrouver avec 40 m3 en 2025. Dans le cas de ce pays, il aurait été clairement question d’action rapide.
– Les affrontements certes limités pour l’accès aux puits sont devenus fréquents ce qui rappelle des évènements qui se déroulent également en Somalie, un état failli. Clairement pour ce qui concerne ces deux pays, la responsabilité d’une action rapide aurait du être prise depuis une décennie pour éviter de développer un point de fixation dangereux du point de vue de la sécurité mondiale.
Le financement de ces programmes devrait évidemment impliquer les pays du golfe à commencer par l’Arabie Saoudite. Qui a lancé une guerre d’agression, devenue une catastrophe humanitaire mondiale, au Yémen. La sécurité de ce développement pose la nécessité d’infrastructures solides et de qualité et des water warriors c’est à dire des troupes capables de sécuriser ces efforts considérables de développement.
UNE CARTOGRAPHIE MONDIALE DE LA GÉOPOLITIQUE DE L’EAU
Une cartographie mondiale de la géopolitique de l’eau a été proposée dès 2013 par le Général (CR) français Alain LAMBALLE :
– « Il rappelle les données du problèmes. Elles sont simples : 276 bassins hydrographiques transfrontaliers, 300 aquifères partagés (…) La géopolitique de l’eau est ainsi traitée en Europe avec l’exemple de bonne gouvernance à propos du Rhin mais aussi de tensions entre la Slovaquie et la Hongrie à propos du Danube. En Amérique du Nord, la question n’est pas forcément simple, même si l’accord de l’ALENA peut faciliter les transferts d’eau. Des négociations entre les États-Unis et le Canada à propos de Colombia ont été engagées dès 1964, pour la maîtrise des inondations. Avec le Mexique, à propos du Colorado les enjeux sont plus complexes. Le traité de 1994 a permis d’apaiser les tensions mais les États-Unis aujourd’hui cherchent à moderniser le canal qui alimente la Californie mais en limitant les infiltrations qui profitent au sous sol mexicain ».
– Concernant l’Amérique du Sud de très importants accords ont été signés entre le Brésil et le Paraguay, à propos du Parana et entre le Brésil et l’Argentine pour le barrage de Yacireta.
– Le général revient en Afrique pour le cas nilote, «pomme de discorde entre l’Égypte et l’Éthiopie». Cette dernière semble vouloir utiliser sa position de pays amont pour son propre développement, agricole et hydroélectrique. On notera que dés 2013, le crise actuelle pour le Nil était prédictible
GEOPOLITIQUE DE L’EAU EN AFRIQUE
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