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18 novembre 2024

Gaza un mois de couvre-feu sanitaire


En direct de Gaza

Gaza : un mois de couvre-feu sanitaire aux conséquences économiques et sociales désastreuses

Ziad Medoukh

Lundi 5 octobre 2020

Article de Ziad Medoukh dans le site Middle Eeast Eye

Après la découverte fin août 2020 de dizaines de cas infectés par le coronavirus à l’intérieur de la bande de Gaza, et afin de lutter contre la propagation du virus dans cette région très densément peuplée au système sanitaire en faillite, les autorités de Gaza ont imposé immédiatement un couvre-feu, avec une fermeture totale de toutes les régions, villes, quartiers, et lieux publics, tandis que les mesures préventives ont été renforcées.

Avec l’augmentation du nombre de cas touchés et contaminés au quotidien- plus de 3000 cas en un mois dont 20 décès- et malgré une réouverture partielle et très limités début octobre, le couvre-feu est maintenu et renouvelé pour une durée supplémentaire, ce qui a accru les souffrances de la majorité des habitants de cette enclave isolée et a alourdi leurs charges financières.

Cet état d’urgence entre dans son deuxième mois, avec la fermeture des marchés publics et la plupart des magasins sauf les boulangeries, les pharmacies, et les petits commerces dans les quartiers, sans oublier l’interdiction de déplacement entre les villes de la bande de Gaza.

L’arrêt de la production de presque toutes les activités, à part les quelques usines de fabrication de masques et de produits hydroalcooliques, a aggravé une situation économique déjà fragile.

Tous les secteurs économiques et commerciaux de l’enclave palestinienne ont connu un déclin important : leur capacité de production a diminué de 90 % au cours du dernier mois en raison de la faiblesse du pouvoir d’achat des habitants, qui se limitent aux dépenses de première nécessité.

La population de Gaza est déjà éprouvée par plusieurs offensives israéliennes, sans oublier le blocus imposé depuis plus de14 ans, un blocus renforcé jour après jour par les forces d’occupation israéliennes.

Un mois après cette fermeture, la situation économique est en détérioration complète, la vie commerciale est paralysée, et les pertes économiques sont très lourdes estimées à des dizaines de millions de dollars.

Selon la Chambre de commerce et d’industrie de la bande côtière à la fin septembre, les pertes économiques directes liées à l’état d’urgence dépassaient les 27 millions de dollars.

D’après Maher Tabaa, directeur des relations publiques à la Chambre de commerce et d’industrie de Gaza, tous les secteurs économiques et commerciaux ont été affectés.

Désormais, le revenu moyen actuel par jour ne dépasse pas 3 dollars, selon le Comité populaire contre le blocus de Gaza, une organisation non gouvernementale. Le PIB a pour sa part diminué de 40%. Alors que 70% des familles sont menacées d’insécurité alimentaire.

Le bureau des Nations Unis à Gaza a mis en garde contre les répercussions de coronavirus sur la survie de l’économie du territoire assiégé ainsi que sur la cohésion sociale, et a appelé la communauté internationale à fournir une aide urgente et une assistance technique.

La première conséquence de cette fermeture, c’est la perte de plusieurs milliers d’emplois dans différents secteurs, en particulier les travailleurs journaliers.

L’Union générale des travailleurs palestiniens a indiqué que plus de 54.000 travailleurs et ouvriers de Gaza avaient perdu leur emploi en un mois, dont environ 5.000 employés dans les écoles privées, les jardins d’enfants et les centres éducatifs (  il y a environ 700 jardins d’enfants, 52 écoles privées, et 345 centres éducatifs dans la bande de Gaza), 6000 travailleurs dans le secteurs du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration, plus de 14.000 ouvriers et travailleurs journaliers dans des ateliers et champs et le secteur de la construction,6000 conducteurs et transporteurs et 21.000 travailleurs dans le secteur privé, et presque 2000 travailleurs sur les marchés populaires comme vendeurs journaliers.

Selon Sami Al-Amsi, responsable de la Fédération générale des syndicats du travail dans la bande de Gaza , 200 usines ont fermé leurs portes entre fin août et fin septembre 2020 , et seules subsistent une trentaine de  petites entreprises et usines qui continuent de fonctionner temporairement dans le domaine de la couture pour la fabrication de vêtements médicaux , de masques ,de produits alimentaires,  de vêtements de protection, de lait, de plastique, de sacs, et de boites en carton, avec une capacité de production limitée, et seuls des centaines de travailleurs y sont employés avec la moitié de leurs salaires.

Le problème est que 90 % des travailleurs sont dépendants du revenu quotidien, et leur contribution au PIB a diminué de 40%, ce qui augmente le chômage et la pauvreté dans la bande de Gaza.

Dans son bulletin de fin septembre 2020, le Bureau palestinien des statistiques indique que le taux de chômage en août-septembre est passé à plus de 72 % et la pauvreté à 66 %. Plus de 79% de la population de Gaza dépend désormais de l’aide internationale, c’est-à-dire 4 personnes sur 5.

Le pourcentage d’insécurité alimentaire est passé à 37% en un mois, selon le ministère du développement à Gaza.

Pour le secteur de la restauration et de l’hôtellerie, il était le plus touché par cette crise économique et sanitaire.

Salah Abou Hasira, responsable du syndicat des restaurants, hôtels et services touristiques a déclaré que presque 200 établissements touristiques, salles de conférences, salles de mariage, agences de voyage et du tourisme, restaurants et cafés ont été fermés depuis fin août dernier ce qu’a laissé plus de 6000 travailleurs à la porte sans autre source de revenu. Un secteur déjà endetté avec la première fermeture entre mars et juin dernier. Actuellement, il y a uniquement 250 travailleurs qui assurent un travail minime dans quelques restaurants pour fournir des repas pour les hôpitaux, les centres de quarantaine et les clients confinés chez eux, avec une baisse de leurs salaires.

Le secteur de la construction a été aussi touché par cette fermeture

Osama Kheil, responsables de l’union général des entrepreneurs palestiniens à Gaza, estime qu’environ 230 entreprises qui embouche 9000 travailleurs et ingénieurs ont cessé leurs activités en un mois. Un secteur déjà en crise en raison de baisse du nombre de projets à cause de la poursuite du blocus, et le manque du financement international pour les projets de reconstruction dans la bande de Gaza, et le non-versement des paiements par des organisations internationales et des donateurs.

Un autre secteur infecté, c’est le secteur des technologies de l’information, qui a connu dans ce mois de fermeture une forte baisse de productivité, et plus de 2000 travailleurs et techniciens qui travaillent dans des sociétés de matériel informatique et de téléphone portable, des logiciels, des fournisseurs d’internet, et de la formation dans ce domaine ont perdu leurs emplois provisoirement.

Le secteur du transport a été touché, à cause de la fermeture des universités, des écoles et des ministères, et l’interdiction de déplacement pour les citoyens dans les rues sauf cas urgence.

Beaucoup de commerçant ont été obligé à fermer leurs magasins en raison de leur incapacité de payer les loyers.

Il y a les simples vendeurs dans la rue qui ont perdu leurs moyens de subsistance, eux qui vendaient leurs produits à bas prix dans les marchés populaires et les marchés hebdomadaires, et qui avaient déjà une faible marge de bénéfices.

Face à cette crise profonde qui touche tous les secteurs vitaux les quelques initiatives d’aide sociale déployées par les ministères de Gaza et de Ramallah restent insuffisantes face aux besoins énormes, le ministère du développement social de l’Autorité palestinienne a décidé une aide urgente à presque 130.000 personnes en difficultés, et une aide financière de 200 dollars mi-septembre dernier pour une seule fois. S’ajoute à cela, il y a le plan d’urgence du ministère du travail face à l’épidémie pour soutenir les plus touchés de cette fermeture comme les chômeurs et les travailleurs qui ont perdu leurs emplois, dans le cadre d’un fond national de solidarité.

Même le plan de revitalisation économique des petites, moyennes et micro-entreprises initié par le ministère de l’économie par le biais d’un fond spécial n’a pas été efficace pour le moment à cause du blocus et de la division inter-palestinienne.

Et le problème ne réside pas seulement dans l’ampleur des pertes mais aussi dans la durée nécessaire pour relancer l’économie après cette période particulière.

Les syndicats locaux de Gaza ont demandé un soutien des autorités locales, comme les exonérations fiscales, et des aides aux plus vulnérables et aux travailleurs, mais l’augmentation des dépenses publiques consacrées au secteur de la santé, les frais de stérilisation des lieux publics, une forte baisse de la collecte des taxes le manque des impôts à cause de l’arrêt des activités économiques et commerciales a baissé les ressources du gouvernement.

Finalement, de nouveau la bande de Gaza est en train d’affronter une situation humanitaire catastrophique, avec des conséquences dramatiques sur les deux millions de Palestiniens qui y vivent. et de nouveau laissée à son sort par l’occupation et par une communauté internationale officielle silencieuse et complice.

C’est vrai que les Palestiniennes de Gaza à la vitalité pleine de ressources impressionnent le monde par leur capacité extraordinaire à s’adapter avec cette nouvelle crise économique et sociale dévastatrice, et de supporter l’insupportable, au travers une solidarité familiale et sociale remarquable et des liens sociaux forts, avec quelques aides internationales limitées.

Oui, les Palestiniens de Gaza essaient simplement de mener une vie aussi normale que possible dans des conditions extrêmement anormales.

Mais la question qui se pose : jusqu’à quand cette souffrance pour cette population civile enfermée, confinée et abandonnée ?

 

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Source : Ziad Medoukh
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