Révolutions arabes et complotisme contre-révolutionnaire
1 novembre 2020
Publié par Gilles Munier sur 31 Octobre 2020,
Etonnanr qu’il s’en rende compte maintenant . Il les a pourtant soutenues ces fumeuses révolutions arabes y compris contre Kadhafi quand il était président de la Tunisie
ginette
Catégories : #Algérie
Par Moncef Marzouki (ancien président de la République tunisienne par intérim, du 13 décembre 2011 au 31 décembre 2014) :
« Affirmer que les révolutions arabes sont des révolutions de couleur, et qualifier le «printemps arabe » de « printemps hébreu»… sont des absurdités »
Le jour où Mohamed Morsi a été élu président de la République en juin 2013, je me suis dit que cet homme allait faire face à d’innombrables difficultés, et je n’étais pas sûr qu’il pourrait achever son mandat. Elu en décembre 2012, faisant face aux dures réalités de la situation internationale, j’étais certain que le «consortium» qui contrôlait le Moyen-Orient, à savoir l’Arabie saoudite, les Emirats Arabes Unis et Israël, sous les auspices des Etats-Unis, ne pouvait se permettre de voir l’Egypte sortir des accords de Camp David de 1978. Une telle sortie, un soutien actif à Gaza, assiégée aussi bien par Israël que par le régime Moubarak, auraient bouleversé l’équilibre de la région, ce qui était hors de question. Ce que je n’avais pas prévu, c’était la rapidité avec laquelle allait être liquidé le premier président légitimement élu par un peuple libre, et ce depuis cinq mille ans. Morsi fut chassé du pouvoir grâce à l’argent émirati et saoudien, le soutien et la planification israéliens, sans oublier la neutralité bienveillante des grandes démocraties occidentales. J’ai pu prendre conscience de façon très nette de l’ambiguïté –pour ne pas dire de l’hypocrisie –des grands Etats occidentaux lors de la visite officielle du président français François Hollande en Tunisie, en juillet 2013, quelques jours après le coup d’Etat en Egypte. Je lui avais demandé quelle était la position de la France face à un coup d’Etat militaire, quoique bien mis ens cène, contre un président légitime. Le président Hollande refusa de condamner le putsch, et c’était la position de la plupart des pays occidentaux.
Toutes les révolutions arabes ont été confrontées à l’hostilité flagrante manifestée par les régimes saoudien et émirati, aux manigances d’Israël, et à cette attitude réservée des régimes occidentaux. Si ces régimes ont soutenu et applaudi les révolutions de couleur en Europe de l’Est, ils ont été par contre désagréablement surpris par les révolutions arabes. Ils ont adopté vis-à-vis d’elles une attitude prudente qui cachait en fait une réelle inquiétude. Ces révolutions suspectes amenaient –quelle horreur –des islamistes et non des laïcs au pouvoir. De plus, comme dans le cas de l’Egypte, elles auraient pu mettre fin à la période de calme dont jouissait Israël. Et dire que certains osent, en flagrant déni de la vérité, affirmer que les révolutions arabes sont des révolutions de couleur, et qualifier le «printemps arabe » de « printemps hébreu ». Il est évidemment inutile de discuter de telles absurdités, mais il est nécessaire d’en connaître l’origine et d’en comprendre la fonction. L’origine est à chercher dans la vindicte des nationalistes arabes et des gauchistes. Ces «restes» des combats avortés des années 60 et 70ont été surpris par une révolution populaire qu’ils n’ont pas prévue et n’ont pas menée. De plus ces révolutions ne faisaient aucune différence entre des dictatures de droite–comme celles de Tunisie et d’Egypte–et des dictatures dites de gauche, panarabes et antisionistes comme celles de Libye ou de Syrie. Pour les peuples arabes, c’étaient toutes des dictatures corrompues et violentes et il fallait s’en débarrasser, les diatribes anticolonialistes et antisionistes ne convaincant plus personne et ne justifiant plus rien. Ce qui a exacerbé la haine de ces reliquats c’est aussi une jalousie maladive envers les islamistes qui ont occupé le rôle de «héros », resté vacant une fois que la plupart des nationalistes et des gauchistes étaient devenus partie prenante du système de corruption et d’oppression.
Il ne faut pas oublier les orphelins des régimes abattus. Ils ont vu la fin de leurs privilèges avec la fin de ces régimes. On comprend qu’ils font et feront tout pour salir ce «printemps arabe» qui a été leur propre «hiver». La contre-révolution menée par l’alliance émirato-saoudo-israélienne a déclaré la guerre contre le « printemps arabe » et a utilisé tous les moyens pour le contrecarrer et empêcher son expansion. Elle a utilisé principalement les médias et les partis politiques corrompus, le terrorisme et l’ingérence dans les élections. La guerre psychologique a été, elle aussi, largement utilisée. Outre la diffamation et le mensonge, on a eu recours largement à la culpabilisation des peuples arabes. Regardez, leur disent les porte-voix de leurs maîtres financeurs, ce que ces révolutions vous ont apporté : instabilité, guerre civile, et régression économique. Leur message :« Ne serait-il pas mieux pour vous de vivre comme des sujets sous notre autorité qui veille sur votre sécurité au lieu de vous rebeller contre nous et de vous engager dans ces opérations absurdes pour vous libérer, alors que vous en voyez le coût ». Comme si cette situation catastrophique n’était pas le résultat du double crime perpétré par les régimes corrompus, leurs maîtres et leurs serviteurs : pousser les gens à bout et à la révolte, puis lâcher sur eux les chiens de la contre-révolution comme Haftar en Libye. Bien sûr, ni la guerre psychologique, ni les médias corrompus, ni le terrorisme à la demande, ni la guerre civile, ni quoi que ce soit n’est capable d’arrêter le cours de l’histoire. Après la première vague du «printemps arabe » en Tunisie, en Libye, au Yémen, en Egypte et en Syrie, et malgré les revers et ce que certains ont pris pour des « leçons », la deuxième vague est survenue au Soudan, en Algérie, en Irak et au Liban. Attendez la troisième vague dans plus d’un endroit où de véritables réformes n’ont pas eu lieu.
La situation est devenue intenable et les mesures de réforme cosmétique n’ont plus d’effet. Les théoriciens de la contre-révolution ainsi que ses financiers et ses planificateurs découvriront tôt ou tard la futilité de vouloir arrêter le cours de l’histoire. Comme l’esclavage a été aboli après des milliers d’années de souffrance, et le colonialisme démantelé, même au prix fort payé par certains pays comme l’Algérie, la défaite de la tyrannie est un processus que rien ni personne ne pourra arrêter.
Préface de: « En défense du hirak: Déconstruction du complotisme contre-révolutionnaire » (Ouvrage collectif publié par les éditions Hoggar – 2020)
A lire sur le site : Rachad.org
Table des matières :
Préface de Moncef Marzouki
Introduction
Première partie
Du complotisme en flagrant délire, par Youcef Bedjaoui
Aberrations chromatiques, par Youcef Bedjaoui
La non-violence en Algérie, par Abbas Aroua
Deuxième partie
Parrainage occidental contre la volonté populaire et les intérêts nationaux de l’Algérie, par Mohamed Dougha
Maillage idéologique et politique, par Moussa Benmohammed
Le CIGPA, un think-tank aligné sur la politique étrangère française, par Seddouqiya Ben Aknoun
Troisième partie
La fabrique de la main étrangère, par Makhlouf Larioui
Quatrième partie
Diffamation sous protection rapprochée, par Sofiane Tlemçani
Je déposerai plainte contre l’auteur et la maison d’édition, par Lahouari Addi
Nul n’a le droit de mesurer le patriotisme des Algériens, par Zoubida Assoul
Alkarama: Pour la dignité des peuples, par la Direction juridique, Alkarama
Rachad dans le hirak, par le Secrétariat du Mouvement Rachad
Index
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