Revue de presse : Al Monitor (13/11/20)*
Pour Chuck Hagel, ancien secrétaire à la Défense, Biden connaît l’Irak « aussi bien, sinon mieux que quiconque ».
Biden : « Je n’étais pas prêt à quitter l’Irak »
En 2009, peu de temps après son investiture, le président américain, Barak Obama, déclara : « Joe se chargera de l’Irak ». Joe, c’était bien sûr Joe Biden, son Vice-président. Dans son livre « Promets-moi papa », Biden, qui s’était rendu plus de vingt fois en Irak en tant que président et membre haut placé du Comité sénatorial des Affaires étrangères, puis Vice-président, décrit l’Irak comme « étant sans doute ce que j’ai connu de plus frustrant pendant mes quarante ans de carrière dans les relations internationales ». La promotion de la bonne gouvernance s’est révélée être « couteuse en termes de temps et d’énergie pour au final s’avérer presque impossible à mettre en place », ajoute-t-il.
Mais Biden n’a jamais renoncé à l’Irak alors, et il y a peu de chance qu’il le fasse en tant que président.
« Je n’étais pas prêt à renoncer », continue-t-il, décrivant l’engagement des États-Unis en Irak comme une « noble » cause. « S’il existait la moindre chance d’y arriver – sur le long terme – Beau (le fils de Joe Biden qui a servi en Irak) pensait qu’il fallait persévérer. Nous avions sacrifié trop de personnes pour abandonner ainsi ».
Il écrit en mars que son vote en faveur de la résolution 2002 Iraq War (n.d.t la guerre en Irak 2002) a été dénaturé par ses opposants et présenté comme un « soutien » à la guerre. En collaboration avec les sénateurs de l’Indiana, Richard Lugar, et du Nebraska, Chuck Hagel, Biden a proposé une résolution alternative dans le but de ralentir ce qu’ils estimaient être une course hâtive de l’administration Bush vers la guerre. Ils échouèrent en raison du refus des Démocrates de participer à une quelconque résolution sur l’Irak et face à un Sénat acquis à la position défendue par l’administration Bush.
Biden écrit en 2007 dans « Promesses à tenir » qu’il s’était trompé en sous-estimant la duplicité du Cabinet de guerre du président George Bush et sa capacité à planifier l’après-guerre en Irak. Contrairement à ceux qui l’ont cloué au pilori pour son « soutien à la guerre » en se contentant de clamer haut et fort qu’ils avaient raison, Biden, lui, s’est mis au travail. Il écrit que l’échec de Bush en Irak était l’échec des États-Unis, et avec des hommes et des femmes au front, il était temps de faire quelque chose. Il s’est évertué à rendre meilleure la politique irakienne des États-Unis en prenant la direction du Comité des Affaires étrangères puis comme Vice-président.
Hagel : En dépit d’interrogations sur l’Irak,
Biden « a pris en main » le dossier irakien.
« Les interrogations de Biden sur la guerre ne l’ont pas empêché d’essayer, dans l’intérêt de notre pays, de changer notre politique irakienne face au manque cruel de planification d’un après-guerre en Irak affiché par l’administration Bush » me dit Hagel, qui allait devenir plus tard secrétaire à la Défense pendant le premier mandat d’Obama. « Les États-Unis s’étaient massivement investis en Irak, nos hommes et femmes y mourraient et un échec là-bas représentait un cauchemar pour la politique américaine dans la région. Biden a pris les rênes d’abord en tant que président du Comité de politique étrangère puis Vice-président afin de nous placer sur une meilleure voie. »
« Je m’étais fortement investi » écrit Biden dans « Promets-moi papa », et en tant que Vice-président, il a travaillé à la formation d’une coalition internationale et à un renforcement du partenariat avec le gouvernement irakien dans la lutte contre l’État islamique, qui, en 2014 gouvernait de larges parties du pays.
A un moment où les commentateurs aux États-Unis et dans le monde entier craignaient un repli des États-Unis sur eux-mêmes en politique internationale, la création de la coalition anti-Etat islamique témoignait de la capacité des États-Unis à continuer à diriger grâce à une diplomatie internationale fluide, des partenariats régionaux et une coordination harmonieuse des dirigeants civils et militaires. Ces efforts, qui jouirent d’un soutien bipartisan sous deux administrations, se sont avérés être un succès sans égal. Le partenariat entre les États-Unis et l’Irak en était ressorti plus fort, et, aujourd’hui, Biden s’apprête à renouer le lien avec l’Irak, mais cette-fois en tant que chef des Armées.
Dans « Promesses à tenir », Biden parle de l’importance des voyages et des relations personnelles dans les relations internationales, comme le démontre son approche irakienne. En tant que Vice-président, il a passé en un an plus d’appels aux dirigeants irakiens qu’à n’importe quel autre pays.
« C’est important de lire les rapports et d’écouter les spécialistes ; mais il est plus important encore de pouvoir lire en ces personnes au pouvoir », écrit-il. « Écouter attentivement ces dirigeants m’a ouvert les yeux sur la place des liens personnels en diplomatie ».
Biden, qui dans le passé prêchait en faveur d’une approche fédérale décentralisée de la gouvernance en Irak, connait les problèmes auxquels fait face le pays, et vu son investissement personnel tout au long de sa carrière, n’est pas homme à laisser la politique irakienne des États-Unis partir à la dérive sous sa garde.
Le président irakien, Barham Salih, a qualifié Biden « d’ami et de partenaire de confiance dans leur combat pour créer un Irak meilleur » et, d’après Ali Mamouri, le Premier ministre irakien, Mustafa al-Kadhimi, a exprimé sa volonté de travailler avec lui « pour consolider les liens stratégiques qui lient l’Irak aux États-Unis, fondés sur des valeurs communes afin de résoudre les problèmes ensemble ».
« Biden connait l’Irak et ses dirigeants, aussi bien sinon mieux que quiconque au gouvernement » a déclaré Hagel. « Je suppose qu’il continuera à travailler avec le président Salih et le Premier ministre Kadhimi afin d’approfondir les relations américano-irakiennes ».
L’Irak compte sur le soutien des Etats-Unis
et des partenaires internationaux dans ses réformes.
Nous avons décrit la visite de Kadhimi à Washington en août dernier comme augurant un « nouveau chapitre » dans les relations entre les deux pays. La France travaille avec l’ONU au renforcement de la Commission électorale irakienne, qui joue un rôle pivot dans l’application de la nouvelle loi électorale en cours de préparation, en vue d’élections prévues en juin 2021, indique Omar Sattar. Salam Zidane estime que le Groupe de contact économique irakien, mis en place le mois dernier – qui comprend le G7, le Fond monétaire internationale, la Banque mondiale, la Banque européenne de reconstruction et de développement, le ministère des Finances irakien, la Banque centrale irakienne et le Comité des finances – représente un pas de géant vers la stabilisation de la fragile économie irakienne. Mustafa Saadoun, quant a lui, parle de progrès dans les relations entre l’Irak et l’Arabie Saoudite, une priorité pour le Premier ministre et les États-Unis, malgré l’opposition de certains milieux politiques alignés sur l’Iran.
L’Etat islamique est toujours un danger, tout comme le sont les milices soutenues par l’Iran qui ont cherché à saper les réformes de Kadhimi et ont attaqué l’ambassade américaine et son personnel dans le pays. Selon James Jeffreys, l’envoyé spécial américain sortant en Syrie, la menace américaine d’abandonner l’ambassade des États-Unis à Bagdad « est toujours d’actualité » si les milices irakiennes soutenues par l’Iran continuent leurs attaques. Le 8 novembre dernier, 11 personnes sont mortes et 8 autres ont été blessées lors d’une fusillade entre l’armée irakienne et des militants présumés de L’État islamique dans le sud-ouest de Bagdad, fusillade la plus importante de ce groupe depuis des mois. L’économie irakienne est toujours en crise, souffrant de cours très bas du pétrole et de la pandémie de la Covid-19 qui ont contribué à une augmentation de l’utilisation de drogues et de leur trafic, selon Adnan Abu Zeed.
*Source : Al Monitor
Traduction : Z.E