Prison de Belmarsh où Julian Assange est détenu, à Londres, Grande-Bretagne, le 6 janvier 2021.
Par Assawra
Julian Assange ne bénéficiera pas de plus de clémence sous Biden que sous Trump. La nouvelle administration étatsunienne a annoncé qu’elle continuerait à demander l’extradition d’Assange refusée par la justice britannique début janvier.
«Nous continuons de demander son extradition». Pour Julian Assange, la passation de pouvoir entre Donald Trump et Joe Biden ne changera vraisemblablement rien. Le journaliste fondateur de WikiLeaks reste poursuivi par l’administration du président Joe Biden, qui a annoncé continuer à chercher à extrader le citoyen australien du Royaume-Uni vers les Etats-Unis, où il est accusé d’espionnage.
Le nouveau porte-parole du département américain de la Justice, Marc Raimondi, a ainsi déclaré le 9 février que son gouvernement continuerait de contester la décision de la juge britannique formulée le 4 janvier de ne pas extrader Assange en raison d’un risque de suicide.
«Je trouve que l’état mental de Monsieur Assange est tel qu’il serait oppressant de l’extrader vers les Etats-Unis d’Amérique», avait déclaré Vanessa Baraitser. La juge britannique avait fixé au 12 février la date limite pour les Etats-Unis afin d’argumenter leur appel contre cette décision.
WikiLeaks a suscité l’ire du gouvernement américain après avoir rendu publics des milliers de pages de rapports et de documents autrefois secrets générés par les agences militaires et de renseignement américaines, y compris des descriptions détaillées des capacités de piratage de la CIA. WikiLeaks avait également publié des courriels piratés durant la campagne de 2016 de la démocrate Hillary Clinton notamment ceux de l’un de ses conseillers clé, John Podesta. Selon Clinton et certains de ses partisans, ces révélations ont joué un rôle dans sa défaite électorale face au républicain Donald Trump.
Aux Etats-Unis, l’idée d’extrader Assange a émergé il y a près de dix ans, lorsque Barack Obama était président et Joe Biden son vice-président. En décembre 2010, Joe Biden, déclarait à propos de Julian Assange : «Je dirais qu’il est plus proche d’être un terroriste de haute technologie qu’un héritier des Pentagon Papers». Pourtant, lors du procès de Julian Assange qui s’est déroulé en septembre 2020, le lanceur d’alerte Daniel Ellsberg, l’homme à l’origine des Pentagon Papers qui a révélé dans les années 1970 les mensonges des Etats-Unis sur la guerre du Vietnam, est venu défendre le journaliste en disant que le travail de révélation par WikiLeaks de crimes de guerre commis par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan ne différait en rien de ce que lui-même avait fait à propos de la guerre du Vietnam.
Dans la même déclaration de 2010, Joe Biden ajoutait : «Ce type a fait des choses qui ont endommagé et mis en danger la vie et les occupations de personnes dans d’autres parties du monde […] Il a rendu plus difficile la conduite de nos affaires avec nos alliés et nos amis.» Cette même accusation a été portée par les avocats représentants les Etats-Unis lors du procès en extradition d’Assange à Londres. Mais ceux-ci n’ont pas été en mesure d’apporter le moindre élément de preuve pour les étayer. De nombreux témoins ayant travaillé sur les documents révélés par WikiLeaks ont en revanche attesté du souci constant de Julian Assange de préserver et protéger les vies humaines susceptibles d’être mises en danger par la publication de ces documents lors de leur traitement, en disant que le journaliste australien veillait personnellement à ce qu’ils soient systématiquement expurgés des noms sensibles avant publication.
Finalement, malgré l’hostilité du vice-président Joe Biden, le département de la Justice d’Obama avait décidé de ne pas demander l’extradition d’Assange au motif que ce que WikiLeaks avait fait était trop similaire aux activités journalistiques protégées par le premier amendement de la Constitution américaine. Pour rappel, les révélations les plus importantes de WikiLeaks sur les guerres américaines, diffusées en 2010, avaient été publiées de manière concomitante par des grands journaux internationaux dont le Guardian, le New YorkTimes, El Pais, Le Monde et Der Spiegel.
Les responsables de l’administration Trump ont par la suite intensifié les critiques publiques contre Assange et WikiLeaks quelques semaines seulement après leur entrée en fonction, en janvier 2017, et ont accusé Assange d’avoir participé à un complot de piratage. Le nouveau président Joe Biden semble donc sur la même ligne que son prédécesseur, dont il dit pourtant vouloir se démarquer.
Dans une lettre à l’initiative de La Fondation pour la liberté de la presse, consultable ici, et adressée au nouveau président des Etats-Unis, plusieurs organisations de défense des libertés civiles et de défense des droits de l’homme ont exhorté le 8 février la nouvelle administration à abandonner ses efforts visant à extrader Julian Assange, qualifiant son affaire de «grave menace pour la liberté de la presse».
Cette coalition, composée notamment d’organisations comme Amnesty International, Reporters sans frontières, Human Rights Watch, Open The Government ou Pen America, a demandé un changement de cap de la part du nouveau gouvernement. Elle exhorte dans sa lettre le département de la Justice à ne pas déposer l’argumentaire de son appel devant le tribunal de Londres, dont la date limite est, rappelons-le, ce 12 février. Au cours de ce briefing, les procureurs américains doivent expliquer en détail leur décision de faire appel contre le refus d’extradition, officiellement déposée le 19 janvier.
«L’inculpation de Julian Assange menace la liberté de la presse parce qu’une grande partie des comportements décrits dans l’acte d’accusation sont des comportements auxquels les journalistes se livrent régulièrement et qu’ils doivent adopter pour faire le travail nécessaire pour le public», peut-on lire dans la lettre. «Les organes de presse publient fréquemment et nécessairement des informations classifiées afin d’informer le public sur des questions d’importance publique profonde», ajoutent encore les organisations signataires.
Toujours sous écrous dans la prison de haute sécurité de Belmarsh à Londres, Julian Assange s’est vu refuser le 6 janvier une mise en liberté conditionnelle, en attendant que soit examiné l’appel formé par les Etats-Unis. S’il venait à être extradé, il encourrait 175 de prison dans un établissement pénitentiaire Supermax aux Etats-Unis.
Source : Assawra
https://assawra.blogspot.com/…