Par Christian Chesnot (revue de presse : France Inter – 14/5/21)*
Malgré son isolement géographique dans la bande de Gaza, enserrée entre Israël et l’Égypte, le Hamas et le Jihad islamique se sont constitués, au fil des ans, un arsenal militaire impressionnant grâce à des filières d’importation clandestines et à des ateliers de production locaux.
Avec plus de 1 000 roquettes et missiles qui se sont abattus sur Israël en quelques jours, le Hamas montre que ses stocks d’armement sont encore bien garnis… et en état de fonctionnement ! Lors de la précédente guerre, en 2014, et l’opération israélienne « Bordure protectrice », le mouvement islamiste avait tiré 4 500 roquettes et missiles en territoire israélien.
Retranchée dans l’enclave de Gaza, sa branche armée d’Ezz Eddin Al-Qassem dispose de plusieurs filières clandestines d’approvisionnement en armes. Même si la frontière sud avec l’Égypte, à Raffah, est mieux contrôlée depuis l’arrivée au pouvoir en 2014 du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi, elle n’est pas complètement hermétique.
Tous les tunnels n’ont pas été détruits. Le Sinaï, notamment dans la bande côtière du nord où des groupes djihadistes opèrent, reste une zone grise de trafic divers et variés avec les bédouins de la péninsule.
Un afflux d’armes de Libye après la chute de Kadhafi
Beaucoup d’armes sont entrées dans la bande de Gaza après la chute du colonel Kadhafi, en Libye, en 2011, en transitant par le Soudan et l’Égypte. Le Hamas a longtemps entretenu des relations étroites avec le régime islamistes d’Omar Al-Bechir à Khartoum.
D’autres routes d’approvisionnement du Hamas passent par la mer Méditerranée. Les armes sont acheminées discrètement à bord de petites embarcations. Enfin, une dernière filière emprunte la frontière israélo-libanaise, zone de trafic de drogue et de cigarettes.
Les principaux flux d’approvisionnement en armes du Hamas et du Jihad islamique à Gaza. © Radio France / Rédaction internationale
Dans un article pour le site Al-Monitor du 16 septembre 2020, le journaliste Adnane Abou Amer cite un marchand d’armes palestiniens parlant sous couvert d’anonymat : « Les factions militaires à Gaza, sous la houlette du Hamas, possèdent différents types de missiles iraniens, R-160 et Fajr-5, d’une portée de 100 km. Ils ont aussi des drones, des missiles anti-char et des lance-grenade de fabrication russe. Elles souhaitent acquérir des missiles chinois terre-mer de type C-704 d’une portée de 35 km, ainsi que des systèmes radars de guidage missile. »
L’Iran et le Hezbollah, principaux fournisseurs d’armes
Les principaux fournisseurs du mouvement islamiste palestinien sont l’Iran et le Hezbollah. Ce dernier « a régulièrement envoyé des instructeurs militaires dans la bande de Gaza, y compris pendant la guerre civile en Syrie, où le Hezbollah était impliqué », nous confie une source proche du parti de Dieu. Les « formateurs » du Hezbollah seraient une poignée.
Selon cette source libanaise, « l’Iran fournirait ses missiles les plus sophistiqués, qui ont une charge explosive de 200 à 300 kg et une précision de quelques mètres, au Jihad islamique ».
Résultat : grâce à leur arsenal militaire, dont une partie est aussi fabriquée et assemblée localement, le Hamas et le Jihad islamique peuvent désormais frapper de concert le territoire israélien en profondeur.
Le chef de la branche armée du Hamas, Mohammed Deif, a annoncé que ses unités avaient lancé une roquette d’une portée de 250 km vers l’aéroport de Ramon, proche de la station balnéaire d’Eilat, sur la mer Rouge, à plus de 200 km de la bande de Gaza.
La flotte de drones du Hamas
Mohammed Deif figure en haut de la liste noire israélienne. Il est l’un des fondateurs des brigades Ezz Eddine Al-Qassem et a été blessé au cours de plusieurs tentatives d’assassinat lancées par Israël. L’une de ses épouses et deux de ses enfants ont été tués lors d’une attaque qui l’avait pris pour cible au cours de de la guerre de 2014.
Le Hamas possède aussi une flotte de drones, dont la technologie a été fournie par l’Iran, mais qui sont moins sophistiqués que ceux utilisés par les Houthis, les rebelles yéménites, contre l’Arabie saoudite. Une arme qui pourrait passer sous les mailles du « Dôme de fer » israélien.
Pour défendre la bande de Gaza en cas d’opération terrestre de l’armée israélienne, le mouvement islamique dispose enfin d’un stock de missiles anti-char russes de type Kornet, qui ont fait leurs preuves dans la guerre de 2006 entre le Hezbollah et Israël, occasionnant de lourdes pertes dans les unités blindés israéliennes.
*Source : France Inter