Le rapport de l’université Brown a examiné le bilan des guerres menées par les États-Unis en Irak, en Syrie, en Afghanistan et dans d’autres régions où l’armée américaine est engagée dans des conflits (AFP)
Revue de presse: Middle East Eye en français (2/9/21)*
La « guerre contre le terrorisme » menée par les États-Unis a fait près d’un million de morts dans le monde et coûté plus de 8 000 milliards de dollars depuis son lancement il y a près de vingt ans, selon un rapport du projet Costs of War de l’université Brown.
Ce rapport majeur, publié mercredi, examine le bilan des guerres menées par les États-Unis en Irak, en Syrie, en Afghanistan et dans d’autres régions où l’armée américaine est engagée dans des conflits qualifiés de « guerres éternelles ».
« Il est essentiel que nous tenions dûment compte des conséquences vastes et variées des nombreuses guerres et opérations antiterroristes menées par les États-Unis depuis le 11 septembre, à un moment où nous prenons le temps de réfléchir à toutes les vies perdues », a déclaré Neta Crawford, codirectrice du projet, dans un communiqué accompagnant le rapport.
« Notre compte rendu va au-delà des chiffres du Pentagone, dans la mesure où les coûts liés à la réaction au 11 septembre se sont répercutés sur l’ensemble du budget. »
Le rapport estime que la guerre contre le terrorisme, dont ce sera le vingtième anniversaire le 11 septembre, a tué directement 897 000 à 929 000 personnes – dont au moins 387 072 civils.
« Dans vingt ans, nous aurons encore à faire face au coût sociétal élevé des guerres en Afghanistan et en Irak, bien après le départ des forces américaines »
– Stephanie Savell, codirectrice du projet Costs of War
Neta Crawford a précisé qu’il s’agissait « probablement d’un sous-dénombrement important du véritable bilan humain de ces guerres ».
Les États-Unis ont envahi l’Afghanistan et chassé les talibans du pouvoir en représailles aux attentats du 11 septembre 2001 : au cours de leur planification, le chef d’al-Qaïda Oussama ben Laden vivait dans le pays sous la protection des talibans.
Le nombre de décès causés par les conflits post-11 septembre fait l’objet d’une intense controverse, marquée par un choc entre politique et sciences inexactes au carrefour d’un débat passionné opposant des intérêts contradictoires. En 2015, l’organisation nobélisée Physicians for Social Responsibility a estimé que plus d’un million de personnes avaient été tuées directement et indirectement dans les seules guerres en Irak, en Afghanistan et au Pakistan.
Parmi les coûts économiques comptabilisés dans son rapport, Costs of War dénombre 2 300 milliards de dollars dépensés par les États-Unis dans des opérations militaires en Afghanistan et au Pakistan, 2 100 milliards de dollars en Irak et en Syrie et 355 milliards de dollars en Somalie et dans d’autres régions d’Afrique.
Dans un rapport publié l’an dernier, Costs of War estimait que la guerre contre le terrorisme avait déplacé au moins 37 millions de personnes, en plus des centaines de milliers de victimes directes de la violence.
Si les États-Unis suivent les décès et les blessures physiques de leurs propres militaires en Afghanistan et en Irak, il n’existe pas de statistiques gouvernementales concluantes sur les pertes et les décès parmi les combattants ennemis et les civils. Les détracteurs des opérations américaines jugent cette omission délibérée.
Parfois, les autorités ont aussi délibérément falsifié des informations sur les décès causés par les forces américaines : « L’éphémère Office of Strategic Influence (OSI) (2001-2002) du département américain de la Défense est un exemple frappant de mésinformation et de désinformation produites par le gouvernement pour inciter l’opinion publique à soutenir sa politique en Irak », notent les auteurs du rapport intitulé « Casualty Figures after 10 Years of the ‘War on Terror’ ».
« Qu’avons-nous vraiment accompli ? »
Les États-Unis, qui ont achevé lundi leur retrait d’Afghanistan, doivent faire face aux conséquences de ce conflit de vingt ans. Les étapes finales du retrait se sont déroulées alors que les talibans contrôlaient à nouveau l’Afghanistan et que des dizaines de milliers de personnes cherchaient à quitter le pays par tous les moyens.
Bien que les États-Unis n’aient plus de troupes en Afghanistan, la « guerre contre le terrorisme » semble destinée à se poursuivre. L’administration Biden a indiqué qu’elle continuerait de cibler l’État islamique au Khorassan (EI-K), la branche du groupe État islamique active en Afghanistan et en Asie centrale, notamment à l’aide de drones.
Dimanche, une frappe de drone américaine visant un kamikaze présumé a tué plusieurs civils en Afghanistan. Selon les médias locaux, la frappe lancée près de l’aéroport de Kaboul a emporté dix membres d’une même famille, dont six enfants.
Les États-Unis maintiennent également une présence militaire en Irak et en Syrie, entre autres pays, et ont effectué ces dernières semaines de multiples frappes aériennes en Somalie contre al-Chabab, un groupe affilié à al-Qaïda.
« Qu’avons-nous vraiment accompli en vingt ans de guerres post-11 septembre, et à quel prix ? », s’est interrogée Stephanie Savell, codirectrice du projet Costs of War.
« Dans vingt ans, nous aurons encore à faire face au coût sociétal élevé des guerres en Afghanistan et en Irak, bien après le départ des forces américaines. »
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
*Source : Middle East Eye (en français)