Par Mohamed Larbi Bouguerra (revue de presse : Leaders – 8/9/21)*
Une certaine presse n’arrête jamais de nous chanter les louanges et les succès soi-disant époustouflants et mirobolants du Mossad, du Shin Bet (espionnage intérieur) et de tous les services espionnant les Palestiniens et d’autres peuples avec le logiciel Pegasus vendus aux pires régimes de la terre.
Mais ces médias omettent de parler des cuisants échecs de ces services «hors pair»: l’assassinat de Rabin en novembre 1995, la tentative d’assassinat de Cheikh Yassine à Amman en 1997, la façon dont le Mossad a quasiment livré à la Syrie son agent Eli Cohen pendu en place publique à Damas en 1965 ou les tribulations de Pieds Nickelés d’une équipe du Mossad à Dubaï en 2010, tribulations risibles avec fausses moustaches révélées par les caméras de surveillance…etc…
Et c’est ainsi que l’année hébraïque 5782 débute bien mal pour l’odieux service des prisons israéliennes qui accuse sa pire évasion depuis 23 ans ! Et quelle résonance internationale avec France 2 qui a consacré à l’évènement un reportage de son correspondant à Jérusalem !
Lundi 6 septembre 2021, cinq résistants palestiniens emprisonnés à vie et un autre en attente de jugement ont faussé compagnie, à 1h 30 du matin, à leurs geôliers israéliens en rampant dans un tunnel sous terre sur près de 30 mètres, à la prison ultrasécurisée de Gilboa, au nord du pays. Cette dernière est une des sept prisons de haute sécurité que compte l’Etat sioniste. Elle compte 400 combattants détenus palestiniens. Elle est située à une quinzaine de kilomètres de Jénine, la ville dont sont originaires les six combattants palestiniens. Le militantisme et la lutte contre l’occupant sioniste font qu’aujourd’hui, 5000 Palestiniens – dont des femmes et des enfants- croupissent dans les geôles d’Israël dynamitant la vie d’innombrables familles.
Combien de temps leur a-t-il fallu pour creuser ce tunnel (à la petite cuiller) ? Comment ont-ils fait pour déjouer la vigilance des gardes ? Les autorités sont stupéfaites et muettes. Ne reste de leur évasion «spectaculaire» qu’un étroit orifice creusé sous la dalle de la douche commune de leur geôle et la stupeur de leur cellule vide dans le regard des garde-chiourmes israéliens. C’est comme dans un film…qui se joue, mais dans la réalité, des autorités israéliennes. Les six résistants palestiniens ont réussi contre 40 gardiens, trois guetteurs dans des tours, deux enceintes murales, deux barrières en fils de fer barbelés et une meute de chiens renifleurs. Il est vrai qu’ils avaient accès au plan d’architecte de la prison publié sur Internet et que le brouillage des téléphones avait dû être supprimé par le service pénitentiaire face aux luttes des prisonniers affirme le quotidien Ha’aretz. Les six avaient donc constamment contact avec l’extérieur de la prison. Ce sont : Zakaria Zoubeidi, les frères Mohamed et Mahmoud al-Arida, Eham Kamamji, Mounadil Nafayet et Yacoub Kadiri.
Plus de 72 heures après leur évasion, les six Palestiniens étaient toujours introuvables, malgré le formidable dispositif mis en place par les autorités israéliennes. Des drones et 200 barrages routiers ont été déployés et l’armée envoyée pour patrouiller aux abords de Jénine et s’en prendre aux proches de ces six combattants.
Pour le Premier Ministre sioniste religieux Naftali Bennet, cette évasion est «très grave». Pour Arik Yaacov, commandant des services carcéraux israéliens, cette évasion «est un échec majeur des services de sécurité et de renseignement». L’affaire est en effet d’autant plus embarrassante pour le gouvernement de l’apartheid que la cavale se prolonge. «Une partie de la population israélienne religieuse ne suit pas les médias pendant les fêtes, mais si les six prisonniers ne sont pas retrouvés d’ici à jeudi [fin du nouvel an juif, Roch Hachana], la question de la sécurité va devenir un sujet de tensions extrêmement important», prévient l’historienne Stéphanie Laithier. (La Croix, 7 septembre 2021).
Cette évasion a électrisé la population de Cisjordanie car les prisons israéliennes ont en effet un très douloureux impact sur la vie de très nombreux Palestiniens ; la plupart d’entre eux (75% ?) connaissent quelqu’un – un parent, un ami- qui est ou a été en détention et qui a vécu la prison, sous la férule d’Israël, en disant comme Jean Genet :
«Le jour sourit mauvais derrière mon carreau
La prison pour mourir est une fade école»
Nombreux sont les Palestiniens qui ont donc célébré ce symbolique échec pour l’establishment sécuritaire israélien d’occupation, qui gouverne directement plus de 60 % de la Cisjordanie et exerce un contrôle répressif sur la population du reste de la Cisjordanie et de Gaza pour protéger notamment les colons, voleurs de la terre des Palestiniens et arracheurs de leurs oliviers. « Le manque de liberté que nous subissons en tant que Palestiniens est la raison pour laquelle tout le monde s’est ému de cela », a déclaré Yehia Zubeidi, le frère cadet de Zakaria Zubeidi, dans une interview téléphonique. « Tout cela a plus à voir avec notre demande de liberté qu’avec la véritable opération d’évasion». (The New York Times, 7 septembre 2021).
Zakaria Al Zoubeidi, l’ancien chef des Brigades des martyrs d’Al-Aqsa, la branche armée du parti Fatah, est parmi les héros de cette évasion. Il avait attaqué, en 2002, le siège du Likoud, le parti de Netanyahou, faisant six victimes. (Haaretz, 7 septembre 2021) Pour les Palestiniens, Zakaria Al Zoubeidi est une figure importante. Il incarne « la résistance pendant la seconde Intifada (2000-2005) contre l’occupation israélienne », assure la directrice du plaidoyer pour l’Institut palestinien de diplomatie publique, Ines Abdel Razek. Les Palestiniens appellent à protéger les six combattants qui ont pris la clé des champs à la barbe des geôliers israéliens car «Ils sont vus comme des héros parce qu’ils ont réussi à déjouer l’appareil sécuritaire israélien», ajoute Inès Abdel Razek. «Ce qui est sûr, c’est que ça ne fera qu’ajouter à la détermination à résister des Palestiniens.» (La Croix, 7 septembre 2021).
*Source : Leaders (Tunisie)