Par les Amis de la République Sahraouie
Cette fin d’octobre 2021 est vraiment contrastée pour les amis du peuple sahraoui et du Front Polisario. En effet la présence de plusieurs journalistes français au sein de la mission européenne d’octobre dans les camps de réfugiés sahraouis et la publication de plusieurs reportages ont été saluées par tous comme le nécessaire retour médiatique pour un conflit oublié. Peut-on espérer également un intérêt renouvelé de l’opinion en faveur de l’autodétermination du peuple sahraoui alors que les autorités françaises restent fidèles aux positions de l’allié marocain ?
L’arrêt du tribunal de la Cour de justice européenne rendu le 29 septembre ne pouvait que bien démarrer ce mois d’octobre. En effet, cet arrêt annule les décisions du Conseil européen qui avait conclu en 2019 de nouveaux accords commerciaux UE-Maroc étendus explicitement au Sahara occidental – un territoire que la Cour de justice de l’UE a identifié comme « séparé et distinct de celui du royaume du Maroc » et qui ne peut être inclus dans un accord UE-Maroc qu’avec le consentement explicite du peuple sahraoui donné par son représentant légal, le Front Polisario. Consentement qui n’a pas été donné. Avec cet arrêt, le Tribunal de l’UE confirme trois données juridiques qui légitiment le combat du peuple sahraoui. C’est d’abord 1) le rappel que le Front Polisario est son seul représentant légitime, 2) qu’il dispose de droits souverains sur les ressources naturelles de son territoire déclaré non autonome par l’ONU dans l’attente du parachèvement de sa décolonisation, 3) que son droit « à disposer de lui-même », son droit à s’autodéterminer est inaliénable et qu’il constitue le cadre intangible applicable à la question sahraouie.
Les juges européens ont ainsi rappelé le droit à la Commission et au Conseil de l’UE, qui semblaient l’avoir oublié lors des précédents accords signés avec le royaume du Maroc. Aujourd’hui, la feuille de route est très claire pour l’Union européenne qui va devoir s’engager beaucoup plus fortement dans l’application du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui.
Or la toute récente résolution 2602 adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU ce 29 octobre est marquée par un manque total d’ambition, poursuivant le statu quodénoncé dès octobre 2019 par le Front Polisario.
Cette résolution fait mine d’ignorer la nouvelle situation politique créée en novembre 2020 par la rupture du cessez-le-feu par le Maroc : les forces militaires marocaines sont alors entrées dans la zone tampon démilitarisée de Guerguerat (au sud-ouest du territoire, à proximité de la Mauritanie) pour y repousser des militants civils sahraouis qui manifestaient pacifiquement contre le trafic commercial orchestré illégalement par le Maroc dans une zone relevant de l’autorité du Front Polisario ; la reprise de la guerre a dès lors été proclamée légitimement par les combattants sahraouis.
La résolution 2602 donne très peu de moyens au nouvel Envoyé Personnel du Secrétaire Général, Staffan de MISTURA, pour faire redémarrer le processus de paix sur les bases définies par la Résolution 690 adoptée à l’unanimité du Conseil de sécurité en 1991.
Ce qui fonda, en 1991, la décision du Front Polisario d’accepter un cessez-le-feu et de parier sur la négociation et la paix fut clairement la promesse acceptée par le Maroc d’organiser un référendum d’autodétermination. Ce que le royaume refuse aujourd’hui, sa proposition d’autonomie sous sa souveraineté n’ayant rien à voir avec la consultation libre du peuple sahraoui.
Mais le Front Polisario est peut-être en bonne position aujourd’hui pour que les choses bougent au sein du Conseil. En effet la résolution 2602 n’a pas été adoptée à l’unanimité, deux Etats se sont abstenus, la Russie et la Tunisie. Trois autres pays, le Vietnam, le Mexique et la Chine, ont voté pour la résolution tout en regrettant son manque d’équilibre et le maintien du statu quo. Quant au Kenya qui présidait le Conseil, malgré un vote sans doute obligé, il a plaidé pour une prise en compte des positions de l’Union Africaine, rappelant l’Appel lancé le 9 mars 2021 par le Conseil de paix et de sécurité de l’UA.
Comme toujours, au sein du Conseil la France et les Etats-Unis ont été les bons gardiens de la position marocaine, mais pourront-ils tenir longtemps cette fiction d’une solution d’autonomie comme crédible et mutuellement acceptable ? La résolution dictée par les Etats-Unis est désormais contestée par des pays de poids et des pays du Maghreb, comme la Tunisie jusque là très prudente. L’Union Africaine, à l’initiative aux côtés de l’ONU du Plan de règlement de 1988 accepté par les deux parties, revient résolument dans le dossier, préoccupée par les récentes manœuvres marocaines, nouvel allié d’Israël.
La fin de l’année 2021 sera-t-elle favorable à nos amis ? Le Front Polisario comme le peuple sahraoui manifestent clairement et résolument leur volonté de ne rien lâcher sur l’essentiel, leur droit à s’autodéterminer et à s’engager dans une nouvelle négociation en disposant de toutes les garanties pour l’application du Plan de règlement de 1988, toujours d’actualité.
Source : ARASD
http://www.association-des-amis-de-la-rasd.org/…