Le 24 décembre prochain se tiendront en Libye les premières élections présidentielle et législatives depuis l’opération militaire occidentale qui a renversé Mouammar Kadhafi en 2011.
L’attention médiatique s’est concentrée sur deux candidats: Saïf al-Islam Kadhafi, fils de l’ancien dirigeant libyen, et le maréchal américano-libyen Khalifa Haftar. Sur 98 candidats à la présidentielle, 25 ont déjà été disqualifiés pour le premier tour du scrutin, dont Kadhafi. À Tripoli, la commission électorale a écarté le fils du « guide de la Révolution » en raison d’une condamnation pour crimes de guerre en 2015.
Des accusations portées en réponse à la participation de Kadhafi à la défense de son père lors de l’intervention de 2011. Pourrait-il toutefois gagner en appel? La Chambre des représentants de Tobrouk avait entre-temps amnistié les inculpés, plaident ses avocats. Il est par ailleurs sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour « crimes contre l’humanité ».
Michel Scarbonchi, ancien député européen et consultant international, considère la volonté du fils du général Kadhafi de se présenter à la présidentielle comme « courageuse« :
« J’étais étonné que Kadhafi ait pris le risque d’être candidat parce qu’il a des partisans mais il y a aussi une haine à l’égard de ce que représentait son père. S’il est candidat, il risque d’y avoir un attentat ou des atteintes à sa vie. Il a pris ce risque, il est courageux. Je ne sais pas s’il sera in fine candidat, mais sa tribu est une tribu importante de Libye, il joue un rôle. »
La CPI enquête aussi sur le maréchal Haftar pour exécutions extrajudiciaires et crimes de guerre. Aux États-Unis, il est également sous le coup de trois actions en justice pour ces mêmes motifs. Ces recours sont possibles du fait de sa double nationalité libyenne et américaine. Autant de faits qui ne semblent pas émouvoir la commission électorale, bien que les actes en question se soient produits en pleine guerre civile libyenne durant laquelle Haftar dirigeait une faction opposée au gouvernement reconnu par l’Onu.
Ces éléments pourraient-ils devenir un problème pour lui? D’après Michel Scarboni, le maréchal Haftar « a l’arme économique et militaire » en Libye:
« Haftar est un candidat naturel puisque, comme l’avait souligné le ministre des Affaires étrangères françaises Le Drian quand on l’accusait de soutenir Haftar: Haftar fait partie du problème et il est une solution au problème. On ne peut pas écarter Haftar sauf si lui-même décidait de ne pas être candidat. »
Depuis la Conférence de Paris il y a deux semaines, le processus démocratique de l’élection, la volonté de maintenir le cessez-le-feu et d’arriver à la mise en place durable d’institutions en Libye ont été entérinés avec un consensus très large puisque les États-Unis (par la vice-Présidente Kamala Harris), la Russie (par le ministre des Affaires étrangères Lavrov), l’Onu et l’Union africaine étaient représentés. Ce consensus montre que la communauté internationale tient à ce que ces élections aient lieu. Cependant, ce n’est pas le cas de tout le monde:
« Vous avez des gens qui n’ont pas intérêt à ces élections. Les milices sont encore nombreuses à Tripoli, certaines sont encadrées par le ministre de l’Intérieur, d’autres sont islamistes… Ces gens-là ont mis en place un système mafieux, ils ont vécu du chaos de la guerre, de la rente de la guerre et de trafics, ils n’ont aucun intérêt à ce qu’il y ait un processus démocratique. »