Par Anthony Samrani (revue de presse : L’Orient-Le Jour – campagne par e-mail – 2/2/22)*
Il faut parfois des décennies pour retrouver la mémoire. Et un choc, en l’occurrence un documentaire, pour faire ressurgir une vérité que l’on voulait enfouir. Le 14 juin 1948, le village palestinien de Tantura est pris par la force par une brigade juive. Mais les soldats du jeune État hébreu ne se contentent pas de cette victoire militaire. Ils tuent les prisonniers, pillent les maisons, et jettent des centaines de cadavres dans une fosse commune. Il aura fallu attendre un documentaire, celui du réalisateur Alon Schwartz intitulé « Tantura » récemment diffusé en avant-première, pour lever le voile sur la vérité de ce massacre et contredire ainsi la version officielle israélienne (pour en savoir plus).
Ces révélations s’inscrivent dans un cadre plus large, celui du dynamitage de plusieurs tabous et de la démystification d’une partie du passé mais aussi du présent de l’État hébreu. Israël s’est construit sur un mythe : celui « d’une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Ce n’est que dans les années 1980 qu’une nouvelle génération d’historiens remet en question le récit officiel et révèle que des nettoyages forcés et même des massacres ont bien eu lieu lors de la guerre de 1948-1949. Cela pourrait ressembler à une simple querelle d’historiens. Mais l’enjeu est encore d’actualité, puisque les Palestiniens ne cessent, depuis lors, d’être dépossédés de leurs terres, de leur histoire, et même de leurs mémoires.
En plus de 70 ans, on pourrait penser que les choses ont changé. Qu’Israël regarde aujourd’hui la réalité en face. Malheureusement, rien n’est moins vrai. L’État hébreu continue de nier l’évidence. Celle d’une colonisation illégale de territoires qui ne lui appartiennent pas. Celle d’un système à deux vitesses où des individus ont des droits ou en sont au contraire privés en fonction du fait qu’ils soient ou non Palestiniens. Celle de l’illusion d’une démocratie qui suppose la négation de l’existence de tout un peuple.
Là aussi, les tabous sont en train de sauter. De plus en plus d’organisations, à l’instar d’Amnesty International le 1er février, dénoncent un système d’apartheid dont Israël doit rendre compte selon eux. Certes, ce n’est qu’un début. Mais un début impensable il y a encore quelques années de cela.
*Source : L’Orient-L e Jour (campagne par e-mail)