Plus d’une centaine d’organisations lancent ce dimanche 20 février l’initiative citoyenne européenne #StopSettlements. Grâce à cet outil de pétition, elles espèrent réunir en un an le million de signatures nécessaires pour pouvoir demander à l’UE d’interdire le commerce avec les colonies israéliennes en territoire palestinien.
Par Julie Connan (revue de presse : La Croix – 20/2/22)*
Et si l’Union européenne mettait fin au commerce avec les colonies israéliennes ? Une initiative citoyenne européenne (ICE), baptisée #StopSettlements, a été lancée ce dimanche 20 février à cet effet. Les citoyens européens disposent d’un an pour récolter un million de signatures venant d’au moins sept États membres pour contraindre les institutions européennes à se pencher sur ce commerce, accusé de renforcer le développement des colonies, illégales au regard du droit international. Or, si l’objectif est atteint, le Parlement européen se trouvera dans l’obligation d’organiser une audition publique et la Commission devra étudier la question.
Une mesure commerciale, pas une sanction
Si le texte est à portée générale et mentionne les « occupying entities » (« les entités occupantes »), il vise en creux l’État d’Israël. La centaine d’organisations internationales (comme Human Rights Watch) qui le portent, dont une trentaine en France (Association France-Palestine Solidarité, CGT, CFDT, Solidaires, Confédération paysanne, FSU, Jeunes Écologistes, PCF, LDH, Mrap, Une autre voix juive, Union juive française pour la paix, Association pour Jérusalem, Chrétiens de la Méditerranée…), l’assume clairement et se félicite de disposer d’un tel instrument démocratique pour essayer d’obtenir la « promulgation par l’UE d’une règle générale précisant qu’elle n’aura plus d’échanges commerciaux avec des colonies illégales, en application du droit international ».
« Cette initiative change la donne. En l’acceptant, la Commission européenne reconnaît le fait que l’arrêt du commerce avec les colonies israéliennes ne serait pas une sanction, mais une mesure commerciale », affirme Pierre Motin, responsable du plaidoyer à la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, créée en 1993 et qui regroupe 41 associations.
Cet outil de pétition existe depuis le traité de Lisbonne en 2007, et cette initiative n’en est pas à son premier essai : le texte déposé en 2019 a d’abord été refusé par la Commission, qui a vu ce refus retoqué par la Cour de justice de l’UE, permettant à l’ICE d’être acceptée en septembre 2021.
Six ICE ont abouti à ce jour
Jusqu’à présent, six ICE ont abouti et donné lieu à des réponses de la Commission européenne sur différents sujets : droit à l’eau et assainissement, protection juridique de l’embryon humain, glyphosate, vivisection, élevage sans cage et protection des personnes appartenant à des minorités nationales et linguistiques.
Les promoteurs de cette initiative savent qu’il s’agit d’une mobilisation au long cours et espèrent que la multiplicité d’organisations mobilisées (associations, syndicats, partis politiques…) favorisera son rayonnement. La campagne se fera essentiellement en ligne, avec le soutien de grandes plateformes comme Avas ou Sumofus, mais des événements seront organisés en France au niveau local.
Leurs partisans se préparent à de possibles contrefeux. « On s’attend à une très probable opération de délégitimation », explique Pierre Motin, en insistant bien sur le fait que l’initiative n’avait rien à voir avec le mouvement BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions).
Des attaques plus nombreuses et plus violentes de la part des colons
Sur le terrain, les organisations jugent que la question de la colonisation est d’autant plus actuelle qu’elle n’a fait que grandir ces derniers temps. De 2017 à 2021, la population de colons estimée a augmenté d’environ 55 000, pour atteindre plus de 660 000 personnes, selon la Plateforme. « Les récents événements de Cheikh Jarrah, à Jérusalem-Est, montrent qu’il y a toujours une logique d’expulsions et d’expropriation », ajoute Pierre Motin.
Les ONG sur place témoignent elles aussi de violences accrues de la part des colons, y compris contre leurs propres employés. « Ces derniers mois, nous avons constaté une augmentation aiguë des attaques de colons. Et cela a même empiré depuis le nouveau gouvernement (un gouvernement d’union dirigé par Naftali Bennett, qui a autrefois dirigé une organisation de colons, NDLR), explique le chef de mission d’une ONG internationale basée à Ramallah. L’intensité des attaques a augmenté, et les colons sont plus organisés, se préparent mieux et ont le soutien de l’armée. » Pour la seule année 2021, 1 459 Palestiniens, dont 293 mineurs, ont été blessés ou tués lors d’incidents liés aux colons, selon les ONG.
*Source : La Croix