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15 novembre 2024

Au Qatar, l’enfer des travailleuses domestiques


Encore plus invisibilisées que les forçats des chantiers car maltraitées dans l’intimité de foyers privés où elles sont recluses, les travailleuses domestiques subissent des abus et des violations systémiques au Qatar. Deuxième volet de notre enquête au royaume de l’esclavage moderne.

Rachida El Azzouzi

22 septembre 2022 à 17h39

Doha (Qatar).– « Astaghfirullah ». La voix haletante, Neela* et Daya* implorent Dieu en épongeant avec leur voile la sueur qui perle sur leur visage. La sueur de la peur plutôt que celle de la chaleur suffocante. Elles ont imaginé le pire en dévalant les huit étages : la garde à vue, l’expulsion avec interdiction de revenir au Qatar. Quand Raul* a hurlé « Cachez-vous dans les toilettes ! », elles n’ont pas compris, elles sont restées interloquées, elles parlent hindi, lui, tagalog, l’une des langues des Philippines.

Il a dû les brusquer, les pousser, leur répéter « Police, police » en anglais en faisant de grands gestes pour qu’elles comprennent que l’heure était grave. Assez vite, il est réapparu avec Ishwar*, un Indien du « réseau » pour les entraîner cette fois jusqu’à la porte coupe-feu de l’issue de secours : « On vous évacue, descendez au parking souterrain, un véhicule blanc vous attend, Ishwar vient avec vous. »

« Je travaillais tous les jours une vingtaine d’heures, sept jours sur sept, mais mon employeur refusait de me payer certains mois. » © Photo Rachida El Azzouzi / Mediapart

Neela et Daya étaient si contentes de sortir de l’isolement cet après-midi d’août, de témoigner de leur « calvaire » auprès d’une journaliste étrangère dans cet immeuble où le « réseau » organisait officiellement, à destination d’une vingtaine d’employées domestiques, une formation aux premiers gestes de secours, officieusement une sensibilisation à leurs droits.

« Tu vois à quoi ressemblent nos vies, nous sommes comme des criminelles », assène Neela une fois à l’abri, tandis que le chauffeur, « un Uber » de confiance, ami d’Irshaw, démarre. Daya se retourne plusieurs fois pour vérifier que personne ne les suit.

Croyant distinguer des policiers à une intersection, elle pousse un cri quelques minutes plus tard dans le quartier du musée d’Art islamique conçu par Leoh Ming Pei, l’architecte sino-américain de la pyramide du Louvre à Paris. Là, près d’un parc verdoyant sous arrosage permanent, des manœuvres s’aspergent d’eau avec leur gourde avant de reprendre la pelle.

Les deux femmes sont en panique, elles sont hors-la-loi, « en fuite ». Travailleuses domestiques, elles ont, du jour au lendemain, déserté leur lieu de travail, les villas luxueuses des riches familles qataries qui les emploient, n’en pouvant plus de subir des conditions de travail inhumaines, d’être « traitées comme des esclaves », asservies vingt heures par jour en moyenne, sept jours sur sept, rouées de coups, d’insultes et laissées sans salaires depuis des mois.

Leurs employeurs ont signalé leur « fugue » aux autorités, les faisant basculer dans l’illégalité alors qu’elles sont les victimes d’un système d’exploitation mis en lumière et dénoncé depuis plusieurs années par les organisations internationales de défense des droits humains.

Un système féodal de « parrainage » où l’employeur dispose des pleins pouvoirs sur son employé. Son nom ? La kafala. Le Qatar l’a officiellement abolie en 2020 mais elle continue de faire des ravages tant elle est enkystée dans la société, tant l’impunité reste la norme (lire ici le premier volet de notre enquête : « Au Qatar, l’esclavage fait son gros œuvre).

« Je ne suis pas payée depuis quatre mois alors que je travaille sept jours sur sept entre dix et quinze heures par jour. » © Photo Rachida El Azzouzi / Mediapart

Quitter son employeur sans permission demeure un crime dans le petit émirat, à rebours des réformes ambitieuses tant vantées, supposées faire du Qatar une exception, le pionnier de la péninsule arabique en matière de droit du travail.

Les autorités qataries assurent à Mediapart qu’« il n’existe pas de loi criminalisant la fuite ». « Les travailleurs domestiques sont autorisés à être immédiatement transférés à un autre employeur s’il existe des preuves d’abus ou de représailles de la part de l’employeur », explique un de leurs représentants officiels.

Sur le terrain, les activistes décrivent une autre réalité. « De très nombreux employeurs-parrains continuent de porter plainte pour évasion, fuite contre les travailleurs, dénonce Ishwar. C’est bien ce qui est arrivé à Neela et Daya. » Elles pourraient porter plainte. Après tout, le gouvernement promeut un mécanisme facilité « via un site internet du ministère du travail, une application mobile dédiée, ou un service d’assistance téléphonique 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 ». Surtout pas, répond Ishwar. « C’est complexe et piégé » : « Leur employeur est en position de force puisqu’elles sont chacune déclarées “en fuite”. »

Doha défend un arsenal législatif « strict » qui « veille » à ce que chaque travailleur migrant vive « une expérience positive » dans l’émirat. « Le Qatar a fait plus que tout autre pays de la région pour renforcer les droits des travailleurs étrangers », martèlent les communicants au service de la « gazomonarchie » qui s’apprête à accueillir du 20 novembre au 18 décembre prochains l’événement sportif le plus suivi de la planète, la Coupe du monde de football, irriguée par le sang de millions de prolétaires venus d’Asie du Sud et d’Afrique.

« La preuve en est dans les chiffres », font-ils valoir avant d’en citer plusieurs : « 246 168 [travailleurs] ont changé d’emploi avec succès entre octobre 2020 et décembre 2021. Plus de 300 000 contrats de travail ont été modifiés pour se conformer au nouveau salaire minimum non discriminatoire. Et plus de 165 millions d’euros ont été déboursés au cours des deux dernières années via le Fonds de soutien et d’assurance des travailleurs pour couvrir les salaires lorsque les employeurs n’ont pas été en mesure de payer. »

« Si je n’envoie pas d’argent au pays, mon fils, ma mère et ma sœur n’ont rien pour vivre. » © Photo Rachida El Azzouzi / Mediapart

La preuve est dans les dispositifs mis en place, égrènent-ils encore : « Un abri et des services sociaux et de santé pour les victimes de maltraitance », « des commissions de règlement des conflits du travail », une aide juridique gratuite, des visites « inopinées régulières » dans les agences de recrutement, des amendes pouvant aller jusqu’à 25 000 rials (7 000 euros) en cas de confiscation de passeport, etc.

Sur le papier, c’est certain, le Qatar a fait, en un temps record, des progrès indéniables sous la pression internationale. À l’épreuve du réel, pourtant, tant s’en faut, les lois sont peu ou pas appliquées, à l’image de celle adoptée en 2017 en faveur des employé·es domestiques, estimé·es à plus de 170 000, des femmes dans leur écrasante majorité, souvent mères célibataires, encore plus invisibilisées que les forçats des chantiers car elles sont maltraitées au domicile de leur patron, dans l’intimité de foyers dont elles ne peuvent que rarement sortir.

À l’époque, le Qatar mettait en scène un pas « historique » en leur fixant un jour de congé minimum par semaine, dix heures maximum de travail quotidiennes (négociables avec l’employeur) et des congés payés. À l’étranger, les journaux avaient titré : « Au Qatar, les domestiques auront enfin des droits ».

Mais la loi est quotidiennement et partout bafouée comme en témoignent, sous couvert d’anonymat pour des raisons de sécurité, plusieurs employées de maison rencontrées par Mediapart ainsi que des activistes qui leur viennent clandestinement en aide, au péril de leur vie, dans cet émirat où le syndicalisme est interdit. Ils révèlent des abus et des violations systémiques. Les mêmes que ceux mis en lumière en 2020 par Amnesty International dans un rapport accablant.

« Les employeurs ne respectent pas les lois, c’est l’impunité. » © Photo Rachida El Azzouzi / Mediapart

« Sur 105 femmes interrogées, détaillait l’ONG, 90 ont déclaré travailler régulièrement plus de 14 heures par jour, 89 sept jours par semaine, 87 se sont vu confisquer leur passeport par leur employeur. La moitié d’entre elles travaillaient plus de 18 heures par jour, la plupart sans un seul jour de congé. Certaines ont signalé ne pas percevoir la totalité de leur salaire, tandis que 40 ont raconté les insultes, les gifles ou les crachats. »

Ce quotidien, c’était celui de Neela et Daya il y a encore quelques mois jusqu’à ce qu’elles se sauvent. Pendant près d’un an, Neela a travaillé plus d’une vingtaine d’heures par jour pour 1 000 rials (environ 260 euros), le salaire minimum qatari, qu’elle ne touchait pas tous les mois, tributaire du bon vouloir de ses employeurs. Elle ne se reposait que deux à quatre heures par nuit dans une pièce minuscule sans fenêtre.

Elle obéissait aux ordres de l’épouse de son « kafeel », son employeur-parrain qui pouvait ajouter à son programme le nettoyage des villas voisines appartenant à ses frères, affirme-t-elle. « Je faisais le ménage, la cuisine, pendant que deux autres domestiques étaient préposées à la garde des enfants. » 

Très vite, elle subit des violences verbales, physiques : « Je m’appliquais à la tâche mais ce n’était jamais assez bien. La maîtresse de maison me criait dessus en m’insultant, elle me frappait avec des ustensiles de cuisine, me prenait par la gorge, me tirait les oreilles. Elle m’a plusieurs fois menacée de mort. »

Un jour, celle-ci lui claque délibérément la porte sur les doigts. Neela hurle de douleur. Son corps commence à lâcher. Elle pleure beaucoup, développe une obsession : récupérer son passeport qui lui a été confisqué à l’arrivée, et fuir. Elle croit savoir où il se trouve, parvient à le retrouver un matin en subtilisant, la peur au ventre, la clé des placards de la chambre de ses employeurs qui lui doivent encore plusieurs mois de salaire. Tant pis. Elle part sans se retourner. Des membres de la communauté indienne l’hébergent, la mettent en lien avec « le réseau ».

« Je m’appliquais à la tâche mais ce n’était jamais assez bien. La maîtresse de maison me criait dessus, m’insultait, me frappait avec des ustensiles de cuisine. » © Photo Rachida El Azzouzi / Mediapart

Daya, mère célibataire venue du Pendjab en Inde, raconte une histoire similaire. Début 2021, elle est recrutée par une famille qatarie fortunée, comptant sept membres, via une agence. Elle gère tout, la cuisine, le ménage, les enfants, monte et descend les trois étages de la villa à longueur de journée et de nuit, pour une vingtaine d’heures par jour sept jours sur sept. Elle doit être disponible en permanence, dort dans un cagibi, n’a droit qu’aux restes de nourriture, est interdite de pause même pour quelques minutes.

Sur le contrat, il est écrit qu’elle doit toucher un salaire de 1 200 rials (environ 320 euros). Elle n’en voit pas la couleur. Elle les réclame. On la frappe. Elle s’épuise, enchaîne les malaises, se sent si seule, si isolée. Un jour, en plein ramadan, elle est surprise en train de boire de l’eau. Elle est frappée, en représailles, enfermée dans sa petite chambre durant plusieurs jours, privée de nourriture : « Ils ne me servaient que de l’eau. » Au bout de quatre mois d’enfer, elle parvient à s’enfuir. Elle ne sait plus vraiment comment mais son téléphone a été un radeau pour ne pas sombrer, sa connexion au « réseau ». Elle le cachait pour ne pas qu’on le lui saisisse.

La voilà désormais inséparable de Neela, sa sœur d’infortune. Des semaines qu’elles se cachent, ballotées de refuge en refuge, pour échapper à la répression policière, en attendant qu’une solution soit trouvée. En ce moment, elles se partagent, en périphérie de Doha, une pièce d’une quinzaine de mètres carrés dotée d’un coin cuisine et d’un mobilier rudimentaire, au rez-de-chaussée d’un immeuble de travailleurs, où la voiture les dépose.

Neela a bien trouvé une nouvelle famille qatarie prête à l’embaucher mais elle n’a pas le « NOC » (« No Objection Certificate » ou certificat de non-objection), soit une autorisation de son employeur-parrain de changer d’emploi, pourtant censé n’être plus requis à la suite de la réforme de la kafala. Elle a 36 ans, des cernes violacés, peur de finir en prison au Qatar comme d’être renvoyée en Inde.

Cela voudrait dire retrouver ses deux enfants qui grandissent loin d’elle, sa mère – c’est heureux tant c’est une souffrance d’en être séparée –, mais cela voudrait dire aussi revenir à une vie encore plus misérable, retrouver son mari violent, alcoolique. Et cette dette qui se creuse. Pour venir travailler au Qatar, elle a dû payer 3 000 rials de frais de recrutement, plus de 800 euros.

« Le plus dur, c’est d’être loin des enfants, de ne pas les voir grandir. » © Photo Rachida El Azzouzi / Mediapart

Elle veut être photographiée, témoigner à visage découvert, malgré les risques encourus, pour montrer son calvaire au monde entier. Daya aussi. Irshaw s’y oppose : « C’est beaucoup trop dangereux. » Il a une quarantaine d’années, travaille au Qatar depuis sept ans, dans une entreprise locale de construction, habite un « labor camp », dans le désert, à une heure de Doha où les conditions de vie se sont améliorées par rapport à d’autres cités-dortoirs, « un effet du Mondial de foot », selon lui : « On est huit par chambre quand auparavant, c’était le double. C’est plus supportable mais cela reste la misère. »

Il a rejoint « le réseau » souterrain qui accompagne des dizaines de travailleurs et travailleuses migrantes dont de nombreuses employées domestiques surexploitées après avoir lui-même subi des abus : « La plupart ne sont pas payées, subissent du travail forcé, n’ont pas de repos, se sont vu confisquer leur passeport. » Parmi elles, plusieurs victimes de violences sexuelles : « C’est très dur de les convaincre de parler, c’est tabou dans nos sociétés, honteux, et il y a la peur de subir des représailles, beaucoup se taisent, pensent que cela fait partie du sacrifice d’être agressées sexuellement, violées. »

Joy* en sait quelque chose. À quelques kilomètres de là, dans sa chambre sans fenêtre mais heureusement climatisée, de moins de six mètres carrés, qu’elle loue dans un building où vivent une majorité de Philippins, au cœur d’un quartier ouvrier de Doha, elle pense souvent à cette mère de famille qu’elle a aidée il y a deux ans, son « pire cas ».

Violée à plusieurs reprises par son kafeel et par le fils de celui-ci, elle avait fui, soutenue par « le réseau ». Elle allait entamer les démarches pour réclamer justice lorsque son employeur a porté plainte contre elle. Elle a été expulsée sine die. « Je l’imagine vivre avec ce traumatisme, ne pouvant le partager avec personne de sa famille pour qui elle a échoué puisqu’elle est de retour, sans argent, sans travail. »

« Quand j’ai commencé à réclamer mes salaires, ils m’ont frappée. » © Photo Rachida El Azzouzi / Mediapart

Joy a 36 ans. Elle aussi, elle est travailleuse domestique, « un métier méprisé, du bas de l’échelle », dont elle est « fière » : « Il me permet d’aider ma famille à Manille, de lui permettre de survivre. » Une étiquette colle à la peau des Philippines et expliquerait, selon Joy, qu’elles représentent le plus gros contingent d’employées de maison, pas seulement au Qatar mais dans tout le Moyen-Orient et jusqu’en Europe : « On a la réputation d’êtres efficaces et soumises, de ne pas rechigner à la tâche et de ne pas nous plaindre. »

Sa mère ne voulait pas. Ni elle ni sa sœur, travailleuse domestique à Hong Kong, ne l’ont écoutée. Joy sert les riches du Qatar depuis une dizaine d’années après avoir commencé en Arabie saoudite, puis à Dubaï, où l’expérience s’est soldée par « un choc », trois jours de prison car la mère de son kafeel l’avait accusée de lui avoir volé des bijoux et de l’argent. « Un mensonge. Elle avait fait cela aussi avec l’employée qui m’avait précédée. »

À Doha, elle a « toujours eu de la chance par rapport à la majorité ». « Je suis tombée sur de bons employeurs », à chaque fois des expatriés au train de vie luxueux dans des résidences ultra-sécurisées, qui l’autorisent à rentrer au pays une fois par an. Elle les démarche elle-même sur Internet, sur des sites d’emploi à l’abri de la mafia du recrutement, forte de son anglais moyen : un pilote canadien et sa femme qui la faisaient travailler dix heures par jour pour un salaire de 1 500 rials (environ 400 euros) puis un couple canadien-égyptien, puis une famille coréenne : « Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’exploitation chez les expatriés. Je vois de nombreux cas d’abus. »

On sonne à la porte. C’est Jocelyn* avec sa valise, une Philippine d’une trentaine d’années, mère célibataire, qui fuit les coups de son employeur, un particulier qatari. Elle a attendu que la villa soit vide avant de détaler, encouragée par les autres domestiques. Quatre mois qu’elle réclame vainement ses salaires, 1 500 rials (environ 400 euros) pour 10 à 15 heures par jour de ménage, cuisine et garde d’enfants. « Mon patron me répond à chaque fois, “boucra incha’Allah” [« demain si Dieu le veut » – ndlr]. Il connaît la loi, pourtant. Il travaille dans la police. »

« Je fais un métier du bas de l’échelle, méprisé mais j’en suis fière, il me permet d’aider ma famille. » © Photo Rachida El Azzouzi / Mediapart

Elle n’a pas vu ses enfants depuis 2018 : « Mon kafeel refuse de me laisser quitter le pays, c’est le plus dur, ne pas les voir grandir. » Il s’oppose aussi à ce qu’elle soit soignée : « J’ai un kyste ovarien et un ulcère à l’estomac. » Elle s’effondre en larmes, ne sait pas où aller. Joy active sur son téléphone la boucle de soutien et de solidarité : « Qui peut héberger une sœur en détresse ? », écrit-elle, lovée contre l’une des nombreuses peluches qui décorent sa chambre exiguë et la consolent de la brutalité du monde.

Elle en profite pour remonter le fil de messages. L’un d’eux alerte sur la situation de Sarah*, une Kenyane de Monbassa, échouée au Qatar depuis six mois après une expérience au Bahreïn et en Arabie saoudite. Endettée jusqu’au cou pour travailler dans le Golfe et subvenir aux besoins de son enfant qu’elle élève seule, de sa mère et de ses sœurs, elle travaille quatorze heures par jour pour de riches Qataris et n’a toujours pas reçu un seul salaire. Quand elle les a réclamés, elle a été battue. Elle a fui.

Elle se retrouve sans papiers, son passeport ayant été saisi par la société de nettoyage qatarie qui l’emploie : « Alors qu’elle a un visa de femme de ménage et non de domestique, elle a été envoyée par cette entreprise dans une famille. C’est illégal et cela la met hors la loi. Si elle porte plainte auprès de la police, elle se mettra encore plus en danger car elle est déclarée en “fuite”. » Sarah parle de se suicider.

Joy va essayer de lui rendre visite. « Vous voyez comme les réformes sont largement inefficaces, soupire-t-elle. Les employeurs ne respectent pas les lois, c’est l’impunité. Il faudrait de vraies sanctions punitives. Et pour cela, des inspections dans les habitations privées. » Ce qui ne peut se faire, nous répond une source officielle, sans l’autorisation écrite du procureur qui se base sur les « preuves fournies par le service des enquêtes du ministère » et « les plaintes des travailleurs domestiques »

Rachida El Azzouzi

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