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21 novembre 2024

Tony Blair et la guerre en Irak : 20 ans après, relire le rapport d’enquête Chilcot


24.mars.2023 // Les Crises
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Le rapport Chilcot contient 6275 pages, 2,6 millions de mots et a coûté plus de 10 millions de livres. Alors que dit-il exactement ?

Source : Mirror, le 07/07/2016

Le 7 juillet 2016 | Par DAN BLOOM

Le rapport Chilcot contient 6275 pages, 2,6 millions de mots et a coûté plus de 10 millions de livres – ce qui signifie qu’il est si long que la plupart des gens ne le liront pas. Donc, la réputation de Tony Blair étant en jeu, que dit réellement l’enquête ?

Nous avons passé les détails au peigne fin pour trouver les 13 points clés ressortant de cette enquête de 7 ans. Le rapport de sir John Chilcot établit que M. Blair a entraîné la Grande-Bretagne dans la guerre en Irak sans preuve ni plan – mais l’a disculpé de toute tromperie délibérée.

L’activiste anti-guerre Jeremy Corbyn a dit aux députés aujourd’hui : « Franchement, c’était un acte d’agression militaire basé sur un faux prétexte – soit quelque chose que l’on considère depuis longtemps comme illégal. » C’était « extrêmement dangereux », a ajouté le dirigeant du Labour – et le rapport l’a confirmé.

Voici les 13 points clés sur la guerre en Irak.

1. La guerre n’était PAS la dernière option

La déclaration la plus fracassante de Sir John Chilcot fut sa première aux journalistes.

« Nous avons conclu que le Royaume-Uni a choisi de s’associer à l’invasion de l’Irak avant que les options pacifiques pour le désarmement n’aient été épuisées, » a-t-il affirmé.

« L’action militaire à cette époque n’était pas le dernier recours. »

Chris J Ratcliffe

Chris J Ratcliffe

2. Saddam Hussein n’était PAS une menace imminente

Selon Sir John : « L’action militaire en Irak aurait pu être nécessaire à un moment donné. »

« Mais en mars 2003 il n’y avait pas de menace imminente venant de Saddam Hussein. La stratégie d’endiguement aurait pu être adaptée et continuée durant quelques temps.

« La majorité du Conseil de sécurité souhaitait que les inspections et le contrôle des Nations-Unies continuent. »

Saddam Hussein tenant un pistolet | Reuters

Saddam Hussein tenant un pistolet | Reuters

3. Il n’y avait PAS de preuve que Saddam possédait des armes de destruction massive

Les renseignements « n’avaient pas établi au-delà de tout doute possible » que Saddam Hussein continuait à produire des armes nucléaires, biologiques ou chimiques, et cela aurait dû être dit clairement par M. Blair.

Le rapport ajoute qu’il était important de faire une distinction sur ce que signifiaient réellement les termes d’armes de destruction massive.

Cela peut aller des armes nucléaires au gaz moutarde – mais le public imaginait qu’il serait annihilé dans tous les cas.

Selon le rapport, M. Blair « a brouillé » la nature de la menace en utilisant l’expression « armes de destruction massive » sans expliquer ce que cela signifiait exactement.

Chris J Ratcliffe

Chris J Ratcliffe

4. Cependant Blair a dit à Bush : « Je serai avec vous quoi qu’il arrive »

Des notes envoyées par M. Blair au président américain George Bush mettent au jour qu’il préparait le chemin vers la guerre quelques heures seulement après les attaques du 11-Septembre.

Le 12 septembre 2001, il exhortait le président à poursuivre les nations faisant le commerce d’armes de destruction massive, ajoutant : « Certaines de ces choses demanderont des actions pour lesquelles certains vont rechigner. »

Et le 3 septembre 2001 il lui disait : « Il serait excellent de se débarrasser de Saddam. »

Au téléphone il ajouta : « Il y a besoin d’une stratégie intelligente pour le faire… Un plan extrêmement ingénieux serait nécessaire. »

Le 28 juillet 2002 – des mois avant que le gouvernement ne produise de conseil légal ou un dossier de renseignement pour la guerre – il dit simplement à Bush : « Je serai avec vous quoi qu’il arrive. »

Le président George W. Bush remet la Médaille de la Liberté à l'ancien premier ministre britannique Tony Blair lors d'une cérémonie à la Maison-Blanche, le 13 janvier 2009, à Washington | Getty

Le président George W. Bush remet la Médaille de la Liberté à l’ancien premier ministre britannique Tony Blair lors d’une cérémonie à la Maison-Blanche, le 13 janvier 2009, à Washington | Getty

5. Blair a fait le tri et choisi des preuves qui allaient dans son sens

A partir du 11-Septembre, M. Blair a « choisi des tactiques » pour « mettre l’accent sur » la menace en Irak. Il a ajouté un préambule au rapport de septembre 2002 sur les supposées armes de destruction massive qui contenait « un degré de certitude qui n’était pas justifié ».

Et depuis février 2002, le gouvernement a décidé que « le régime de Saddam Hussein ne pouvait être renversé que par une invasion menée par les Américains. »

Sir John a affirmé que le préambule de M. Blair sur le tristement célèbre dossier de septembre 2002 – établissant qu’une arme pouvait être préparée en 45 minutes – était plus affirmatif quant aux menaces que les preuves détenues par le Comité mixte du renseignement (JIC).

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6. Et son copain Jack Straw a fait de même

Les intenses manœuvres de Tony Blair et Jack Straw ont façonné le tristement célèbre dossier de septembre 2002.

Depuis le début, le dossier était « destiné à convaincre et s’assurer le soutien parlementaire et public sur la position du gouvernement » selon laquelle une action urgente était nécessaire, affirme le rapport.

Cependant, selon le rapport Chilcot, le gouvernement Blair « a tenté » de le faire « passer pour une production » du comité indépendant mixte du renseignement.

Le rapport a décrit comment les tensions ont commencé lorsque le secrétaire des affaires étrangères Jack Straw a essayé de modifier un dossier planifié sur les armes de destruction massive un an avant la guerre.

Downing Street a commandé un document en février 2002 sur les armes de destruction massive dans les « pays sujets de préoccupations » que sont la Corée du Nord, l’Iran, la Libye et l’Irak, et ce pour une réunion entre Blair et Bush planifiée en avril.

Mais lorsque Straw a vu le projet le 8 mars, il a été déçu qu’il n’ait pas été assez mis l’accent sur l’Irak.

Il a dit : « Bien, mais l’Irak ne devrait-il être TOUT EN HAUT de la liste et avoir plus de développements ? »

« Le document doit montrer pourquoi il existe une menace EXCEPTIONNELLE venant d’Irak. Il n’y a pas cela pour l’instant. »

Le 18 mars il décida alors qu’un document exclusivement sur l’Irak devrait être produit avant celui général sur les armes de destruction massive.

Selon le rapport, le 22 mars la publication fut repoussée après que « Straw a été informé que les preuves ne convaincraient pas l’opinion publique qu’il y avait une menace imminente venant d’Irak. »

Downing Street décida alors de coordonner un « dossier public » sur l’Irak, qui s’avèrera être le dossier de septembre 2002.

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7. … Bien qu’il ait été averti que la guerre alimenterait la terreur

M. Blair fut averti de manière explicite par le JIC début 2003 qu’une guerre en Irak « augmenterait » la menace d’al-Qaïda et d’autres extrémistes islamiques.

Cela s’est révélé vrai dans des proportions dévastatrices, des régions entières d’Irak étant à présent sous l’emprise de l’EI.

Le JIC annonça que les extrémistes allaient « continuer à représenter de loin la plus grande menace terroriste pour les intérêts occidentaux, » et allaient essayer de récupérer l’invasion, en capturant les armes de Saddam Hussein.

Son verdict avant que la guerre n’éclate disait : « al-Qaïda et les groupes qui y sont associés vont continuer à représenter de loin la plus grande menace terroriste pour les intérêts occidentaux, et cette menace se verrait accrue par une action militaire contre l’Irak.

« La menace des terroristes islamistes au sens large va également s’accroître dans le cas d’une guerre, reflétant un sentiment anti-américain et anti-occidental plus important dans le monde musulman, y compris parmi les communautés musulmanes occidentales.

« Et nous courons le risque qu’un transfert d’armes ou de compétences BC [biologiques, chimiques] durant ou après le conflit n’augmente les capacités d’al-Qaïda. »

Un combattant de l'État Islamique en Irak et au Levant (EIIL) tient un drapeau de l'EIIL et une arme dans une rue de la ville de Mossoul, le 23 juin 2014 | Reuters

Un combattant de l’État Islamique en Irak et au Levant (EIIL) tient un drapeau de l’EIIL et une arme dans une rue de la ville de Mossoul, le 23 juin 2014 | Reuters

8. Le volet juridique était « loin d’être satisfaisant »

Les détails de la justification juridique du gouvernement étaient « loin d’être satisfaisants » selon Sir John.

Et le cabinet de M. Blair ne consulta même pas l’avis juridique complet de Lord Goldsmith avant le conflit.

Le Procureur Général avait fourni à Downing Street un dossier détaillé le 7 mars, soit deux semaines avant la guerre, qui indiquait que l’invasion pouvait être justifiée mais que la « voie juridique la plus sûre » passait par une nouvelle résolution de l’ONU.

Six jours plus tard seulement, après une réunion, Lord Goldsmith clarifia sa position et déclara que « dans l’ensemble, il y a une base légale solide. »

Lorsqu’un cabinet de guerre se réunit le 17 mars, seule une version raccourcie qui présentait surtout l’argumentaire du gouvernement fut présentée.

« L’avis aurait dû être présenté aux Ministres, » déclara Sir John.

« Vu la gravité de la décision, le cabinet aurait dû être informé des incertitudes juridiques. »

 

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9. L’état d’impréparation des forces armées était catastrophique

De nombreux effectifs militaires furent déployés sans que l’ensemble du cabinet – qui n’était « pas complètement au courant des risques » – ne réfléchisse à la décision ou à ce qui allait suivre.

Durant quatre années entières, « il n’y avait pas de doctrine claire indiquant le niveau de risque acceptable pour les forces britanniques, et qui était responsable de suivre ce risque. »

La vitesse de l’avancée des troupes amena très rapidement « de sérieuses pénuries de matériel. »

Et les ressources disponibles furent utilisées à leur limite, sans possibilité de remplacement – à « un haut niveau de risque » – alors que des troupes étaient déployées dans la province de l’Helmand en Afghanistan au même moment.

Selon le rapport, le Ministère de la Défense fut également trop lent à prendre en compte la menace spécifique des engins explosifs improvisés (EEI).

Et il y eut du retard dans les enquêtes sur les morts au combat.

Un soldat britannique en service en Irak | Matt Cardy/Getty Images

Un soldat britannique en service en Irak | Matt Cardy/Getty Images

10. Les plans de reconstruction de l’Irak étaient « dramatiquement inadéquats »

Le rapport déclare de manière dévastatrice : « Le Royaume-Uni a échoué dans la planification ou la préparation du programme majeur de reconstruction nécessaire en Irak. »

La situation se détériora lorsque les intérêts américains commencèrent à diverger des intérêts britanniques, et les différences allèrent en s’accentuant avec le temps.

Les « porteurs de mauvaises nouvelles n’étaient pas entendus » sur le terrain, et M. Blair se trouva confronté à une situation en Irak pire que celle qu’on lui avait annoncée, selon le rapport.

Il y avait un « écart permanent » entre les ambitions du gouvernement et les capacités réelles de soutien des civils.

Un pompier intervient sur le site d'une attaque à la voiture piégée dans le district de Karrada-Dakhil, sud de Bagdad, Irak, 3 juillet 2016 | Xinhua / Barcroft Media

Un pompier intervient sur le site d’une attaque à la voiture piégée dans le district de Karrada-Dakhil, sud de Bagdad, Irak, 3 juillet 2016 | Xinhua / Barcroft Media

11. La mauvaise gestion britannique nourrit les tensions communautaires

D’après le rapport, il manquait aux militaires une appréciation complète des tensions politiques, culturelles et ethniques en Irak.

Les critiques portent notamment sur la « dé-Baathification » de l’administration irakienne, et la manière dont elle fut réalisée eut « un impact négatif sensible et durable sur l’Irak. »

« Limiter la dé-Baathification aux trois quarts supérieurs du parti, plutôt que de l’étendre au quart inférieur, aurait pu être bien moins dommageable pour la stabilité politique et le redressement de l’Irak après l’invasion, » continue le rapport.

« Le Royaume-Uni choisit de ne pas tenir compte de ses appréhensions, pourtant bien fondées, lorsqu’il s’agit de confier la mise en application de la doctrine de dé-Baathification au Conseil gouvernemental. »

 

Chris J. Ratcliffe

Chris J. Ratcliffe

12. La guerre a coûté une fortune au contribuable britannique

Le coût direct du conflit en Irak fut d’au moins 9,2 milliards de livres, soit 11,83 milliards de livres d’aujourd’hui (soit environ 13,9 milliards d’euros). Au total, 89% de ce montant fut consacré aux opérations militaires.

Ce coût ne fut pas pris en compte par le gouvernement lorsqu’il décida de partir en guerre.

Les ministres ne reçurent pas même une estimation des coûts de l’invasion ou du « nettoyage » qui devait suivre.

« Ils auraient dû, » conclut laconiquement le rapport.

Jeff J Mitchell

Jeff J Mitchell

13. Notre confiance dans les politiciens en fut détruite

L’utilisation des preuves par M. Blair a laissé un « héritage préjudiciable » et a « miné la confiance dans le gouvernement » jusqu’à aujourd’hui à un point qui va peut-être rendre les « guerres justes » plus difficiles à mener dans le futur.

Selon le rapport : « La perception répandue que le dossier de septembre 2002 exagéra la solidité des preuves relatives aux capacités et aux intentions irakiennes, dans le but d’influencer l’opinion et de plaider pour une action visant à désarmer l’Irak, a eu pour résultat un héritage dommageable, notamment en sapant la confiance dans les déclarations du gouvernement, en particulier celles qui sont basées sur des renseignements qu’il est impossible de vérifier de manière indépendante.

« En conséquence, dans les situations où la réponse politique pourra être de recourir à l’action militaire, et où la preuve, du moins en partie, dépendra de jugements déductifs basés sur des renseignements forcément incomplets, ils sera peut-être plus difficile d’obtenir un soutien de la position du gouvernement et l’acceptation de cette action. »

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Et finalement… il n’est pas parvenu à ce qu’il entendait réaliser

« Le Gouvernement a échoué face aux objectifs qu’il s’était fixé, » déclara sans détour Sir John.

« Que le Royaume-Uni se retrouve dans une position où la meilleure option possible était un accord avec un groupe armé qui a activement visé les forces britanniques fut une humiliation.

« L’action militaire britannique en Irak s’est terminée à mille lieues d’un succès. »

Source : Mirror, le 07/07/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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