Une nouvelle revue mensuelle, 2A magazine, vient de voir le jour à Paris dirigée par Majed Nehmé avec un groupe de journalistes. Elle sera dans les kiosques ce mois de mai 2023. Pourquoi ? Dans son éditorial, le directeur de la rédaction écrit : « Dans ce monde qui bascule, 2A Magazine est un média indépendant, une voix qui accompagne les pays du Sud dans l’achèvement de leur émancipation. Un média qui, modestement mais fermement et avec rigueur, veut barrer le flot des médias-mensonges et autres clichés volontairement déformants qui s’abattent sur nous avec arrogance et mépris, où les mots sont des armes. Sans crispation idéologique, mais avec des convictions fortes, car fondées sur la recherche de la dignité, de la justice, de l’égalité des chances et des droits entre les hommes et les nations, 2A Magazine se veut la voix des sans voix de ceux du Sud, qui représentent aujourd’hui la majorité de l’humanité et sont appelés à s’organiser dans le cadre d’un combat commun pour le développement, échappant à tous les impérialismes pour une paix fondée sur la justice et le droit. »
Par Majed Nehmé
Depuis le déclenchement de la guerre entre la Russie et l’Otan, par Ukrainiens interposés, nous assistons à un grand basculement des relations internationales. L’ordre mondial unipolaire né des décombres de l’Union soviétique en 1991, et qui a régné jusqu’ici sans partage sur le monde, est en train de vaciller enterrant ce que le libéral Hubert Védrine, l’ancien ministre français des Affaires étrangères, appelait trois décennies d’« hyperpuissance américaine ». Un décryptage de ce nouveau monde s’impose donc plus que jamais. Un décryptage qui devra s’écarter des miroirs déformants proposés par des médias régis par une pensée unique et leurs clichés réducteurs au service des dominants.
Une guerre qui en annonce une autre
Nous entrons en effet dans une zone de turbulence qui donne le vertige et qui nous rappelle la célèbre prédiction de l’intellectuel organique italien Antonio Gramsci, antifasciste, écrite depuis sa prison à la veille de la Deuxième Guerre mondiale : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ». Cet intermède clair-obscur, plus obscur que clair, a pour nom l’hégémonisme occidental qui croyait jusqu’ici incarner l’alpha et l’oméga de l’humanité et pour toujours. L’idéologue américain Fukuyama l’avait triomphalement claironné en 1992 : c’est, disait-il, « la Fin de l’Histoire » synonyme de la victoire finale de l’Occident, de « sa » démocratie et de « ses » valeurs. On connaît la suite : plutôt le commencement de la fin !
Dans sa chute, l’Occident ouvre un espace pour le retour d’une multipolarité salutaire capable de rebâtir un monde où des nations souveraines auront une vraie chance de choisir leur destin. Sans qu’un gendarme auto proclamé et agissant selon ses règles décide depuis son arrogance quelle est la « politique » à suivre, disons plutôt l’injonction. Cet intermède a débuté avec la guerre du Golfe contre l’Irak en 1991, suivie par toutes les autres, celle des Balkans, l’invasion de l’Afghanistan, la guerre dite « contre la terreur », le démantèlement de l’État libyen, la guerre planétaire contre la Syrie, l’agression du Yémen et s’est poursuivi avec les révolutions de couleur et son cortège de regime change. Autant de barbaries et d’injustices planétaires qui ont conduit, in fine, à l’actuelle guerre entre l’Otan et la Russie. Une guerre qui en annonce une autre, plus redoutable, entre les États-Unis et la Chine. Plutôt que de profiter de l’éclipse de la Russie et du retrait de la Chine, alors engagée dans des gigantesques réformes intérieures, pour faire régner, grâce à ses pleins pouvoirs retrouvés, un monde avec des règles, l’État profond étasunien, les a toutes piétinées.
Une monstruosité appelée extraterritorialité
Il a ainsi encouragé la colonisation rampante de la Palestine par le régime de l’Apartheid israélien. Un régime, aujourd’hui fasciste, couvert par les anciennes puissances coloniales. Celles qui l’avaient enfanté, puis vite présenté comme la « seule démocratie au Moyen-Orient »… mais qui s’avère, comme le montre le dernier gouvernement de Netanyahou, être un État fasciste donc, raciste et expansionniste, bafouant le prétendu humanisme colporté par l’Occident qui est son parapluie. Il est d’ailleurs curieux que les États-Unis et leurs alliés exigent de la planète entière de condamner sans équivoque l’invasion russe de l’Ukraine, alors qu’ils ne pipent mot sur l’annexion par Israël depuis 1967 des territoires palestiniens, syriens et libanais. Et traînent les pieds pour achever la décolonisation partout où elle existe encore. Un processus pourtant inscrit dans l’agenda du Comité spécial de la décolonisation qui concerne 17 territoires non autonomes comme, par exemple, la Polynésie française, les Îles Malouines, le Sahara occidental, l’île de Guam…
Pour être complet, l’hégémon s’exerçait pendant cet intermède par d’autres moyens que les armes : la mondialisation effrénée, l’utilisation du dollar comme arme de destruction massive contre les insoumis, le recours aux blocus, armes de guerre par excellence, pour soumettre ses ennemis comme ses alliés. C’est devenu une seconde nature made in USA. Avec les « sanctions » contre la Russie, la Chine, l’Iran, la Syrie, la Corée du Nord, Cuba, Venezuela et une quarantaine d’autres pays – qui ont eu l’audace y compris au sein de leur camp, de s’opposer aux oukases de l’imperium. Parmi les instruments dont disposent les États-Unis pour imposer leur impérialisme à la planète, une monstruosité du droit américain appelée extraterritorialité. Un concept foulant aux pieds le corpus des lois qui constituaient jusque-là le fondement du droit international basé sur la souveraineté des États. Un concept et une pratique qu’un rapport parlementaire français, pourtant peu rebelle, a qualifiés d’« arme de destruction dans la guerre économique que les Américains mènent contre le reste du monde, y compris contre leurs alliés traditionnels en Europe » !
Ressusciter l’esprit de Bandung
Dans ce monde qui bascule, 2A Magazine est un média indépendant, une voix qui accompagne les pays du Sud dans l’achèvement de leur émancipation. Un média qui, modestement mais fermement et avec rigueur, veut barrer le flot des médias-mensonges et autres clichés volontairement déformants qui s’abattent sur nous avec arrogance et mépris, où les mots sont des armes. Sans crispation idéologique, mais avec des convictions fortes, car fondées sur la recherche de la dignité, de la justice, de l’égalité des chances et des droits entre les hommes et les nations, 2A Magazine se veut la voix des sans voix de ceux du Sud, qui représentent aujourd’hui la majorité de l’humanité et sont appelés à s’organiser dans le cadre d’un combat commun pour le développement, échappant à tous les impérialismes pour une paix fondée sur la justice et le droit.
Ambitieux ? Nous cherchons à ressusciter l’esprit de Bandung, celui qui promeut le non-alignement, le rejet des blocs et donc la liquidation de tout colonialisme. Mais qui implique aussi, près de soixante-dix ans après la tenue de cette conférence en 1955, la défense de l’altermondialisme, la lutte contre la globalisation sauvage, l’engagement pour le dialogue des cultures, pour la diversité, pour la protection de la planète, la mobilisation contre les guerres, directes ou par proxy, le refus de toute forme d’ingérence, sous quelque prétexte que ce soit et son fameux « droit » en premier, la dénonciation des blocus qui déciment des peuples entiers que nous devons alors qualifier sans retenue de génocides ou de crimes contre l’humanité.
Nous serons également implacables dans notre combat contre l’intégrisme, l’obscurantisme et son corollaire le terrorisme sous toutes ses formes – de ses causes profondes comme de ceux qui les instrumentalisent, en Occident notamment. L’Afrique, continent d’avenir, qui continue à être saignée par deux siècles de colonisations, de néocolonialisme, d’ingérence, de guerres incessantes, d’épidémies, est au cœur de notre projet éditorial.
Majed Nehmé
Source : 2A Magazine, la voix des non-alignés