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La Libye (ou ce qu’il en reste), divisée, oubliée, pillée et appauvrie par les responsables occidentaux (notamment la France et l’Italie), est aujourd’hui accusée de maltraiter les migrants venus d’Afrique subsaharienne et de les laisser se noyer en Méditerranée !

Certes, les différentes autorités qui, avec les milices et les alliés respectifs, se partagent le pouvoir (celui de Tripoli, reconnu par l’Union européenne, celui de Cyrénaïque et celui de Tobrouk – le « Parlement » -) prennent leur part dans ce chaos et pour le sort réservé à ceux qui ont fui la misère et la guerre. Les groupes dirigeants ont besoin d’argent dans un pays dévasté, pillé par les sociétés pétrolières et les trafics multiples des simples citoyens qui essaient de survivre.

La Cyrénaïque s’efforce d’obtenir, comme en bénéficie depuis longtemps Tripoli, un financement occidental pour offrir à l’Etat italien néofasciste le contrôle qu’il sollicite du mouvement migratoire qui va de l’Est libyen aux côtes italiennes. Il s’agit, comme du côté Ouest, de réduire au maximum le nombre de migrants voulant rejoindre l’Europe.

A Rome, en effet, les courants racistes anti-migrants dans l’opinion et au niveau du gouvernement, les partis associés (celui de Georgia Meloni, Première ministre, et de « Forza Italia » de Berlusconi, champion toutes catégories de la corruption généralisée, condamné par la justice à de lourdes peines de prison et jamais exécutées), demandent aux Libyens de Benghazi de stopper le départ des migrants vers l’Italie. Les centaines de noyés en Méditerranée, de ce mois de juin 2023, doivent être présentés par des médias européens comme victimes de la Libye et non des Européens !

L’Etat français, principal responsable en 2011 de la destruction du régime stable et progressiste de Libye, incapable de fournir la moindre réparation à la destruction du pays, s’efforce seulement de ne pas être accusé d’inhumanité ! L’hypocrisie atteint des sommets : les centaines de noyés de ce mois de juin sont le résultat de l’hostilité raciste de nombreux politiciens, d’une partie de l’opinion, des obstacles dressés contre les ONG de solidarité et des discours scandaleux de certains grands médias.

France-Culture, la meilleure radio pourtant, dans son émission matinale du 16 juin 2023 a osé, à quelques heures du naufrage des migrants au large de la Grèce et se rendant en Italie, sans exprimer la moindre compassion, dénoncer les Libyens de Cyrénaïque, les passeurs et le capitaine du navire qui a sombré !

Les responsables ne sont pas évoqués ! Voilà la « seule » vérité ! l’agence Frontex de l’Union européenne n’y est pour rien ; la politique migratoire du gouvernement français non plus. La France, humaniste parfaite, faisant la leçon au monde entier dans le domaine des droits de l’homme, est « innocente » : les seuls coupables, ce sont les « Autres », principalement les plus pauvres et les plus opprimés !

« France-Culture », sans commentaire, elle qui sait si bien bavarder, a simplement questionné une professeure de droit international qui a rappelé les règles élémentaires qui s’imposent en droit de la mer : tous les navires ont obligation de porter secours aux navires en détresse. Les Etats doivent intervenir conformément aux Conventions des N.U. (1958, 1979), surtout à celle qui répartit les responsabilités entre zones maritimes légalement délimitées.

On est passé en réalité d’un « droit de la mer humanitaire » de moins en moins appliqué à un droit sécuritaire, répressif et discriminatoire : les Etats occidentaux visent essentiellement la surveillance policière de leurs frontières !

Ces journalistes, comme ces politiciens, sont des salauds – il n’y a pas d’autres mots – pour leur inconscience et leur bêtise, pour la méconnaissance des réalités migratoires dont ils font preuve !

C’est dans une parfaite indifférence qu’ils laissent mourir par milliers tous ceux qui fuient la misère et la guerre (lorsqu’ils ne sont ni blancs ni chrétiens !)

Comment la France, qui s’autoproclame avec insistance la « patrie des droits de l’Homme », peut-elle connaître un tel pourrissement après sa sinistre expérience coloniale égale à celle de l’Italie ?

Comment les citoyens lucides peuvent-ils échapper à la honte que leur imposent les tristes princes qui la gouvernent ?

ROBERT CHARVIN