« J’ai honte des démocrates français, des socialistes français, de la classe ouvrière française. Depuis des années, [les ouvriers] voient leurs compagnons de travail nord-africains souffrir à leurs côtés plus de souffrances qu’eux-mêmes, subir plus de privations, plus de fatigues, un esclavage plus brutal (…). Quant aux organisations antifascistes, elles se chargent, par leur attitude à l’égard des colonies, d’une honte ineffaçable. Y a-t-il beaucoup d’hommes, parmi les militants ou les simples membres de la SFIO et de la CGT, qui ne s’intéressent pas beaucoup plus au traitement d’un instituteur français, au salaire d’un ajusteur français, qu’à la misère atroce qui fait périr de mort lente les populations d’Afrique du Nord ? » Simone Weil, mars 1938.
La mythologie nationale-républicaine, relative à la « douce-France-terre-d’accueil[1] », est d’une remarquable permanence et puissance. A preuve, c’est elle qui détermine pour partie les orientations de nombreux responsables des droites qui y adhèrent soit par ignorance, soit pour justifier les orientations xénophobes et toujours plus liberticides qu’ils défendent en répétant, ad nauseam, qu’ils agissent avec « fermeté mais humanité. » Obscène élément de langage.
On sait ce qu’il en est de cet équilibre prétendu qui permet de défendre des propositions empruntées à l’extrême droite en les rebaptisant « républicaines et régaliennes » tant et si bien, si l’on ose dire, que de cette « humanité » affichée, il ne reste rien. Ou plutôt, demeurent ceci : la xénophobie faite politique et l’indifférence glacée pour celles et ceux qui, au péril de leur intégrité physique et psychologique, au péril de leur vie souvent, tentent de gagner l’Europe en espérant y vivre des jours meilleurs après avoir enduré dans leur pays d’origine misère, répression et persécutions diverses.
Ces involutions spectaculaires doivent aussi beaucoup à une certaine gauche de gouvernement qui légitime ses compromissions anciennes et réitérées au nom d’un réalisme prétendu destiné, entre autres, à ne pas désespérer certaines fractions de l’électorat dont elle a besoin pour conquérir le pouvoir ou pour tenter de s’y maintenir. Enfin, n’oublions pas ceux qui, soutenant des positions jugées plus radicales, estiment être fidèles aux traditions progressistes de la République et du mouvement ouvrier, lesquels seraient depuis fort longtemps solidaires des immigré-e-s, des réfugié-e-s et des racisé-e-s, et des combats qu’ils ont menés et qu’ils mènent encore contre la situation qui leur est imposée[2].
De là, affirment les mêmes, ces mobilisations engagées par les différentes composantes de ce mouvement contre l’opprobre voire la haine et les discriminations depuis toujours subies par ces hommes et ces femmes dans tous les domaines de leur existence : emploi, travail, rémunérations, accès au logement comme aux différents services publics. Il y a même des historiens pour ajouter quelques lignes à ce beau roman, aussi enchanteur que trompeur, en lui apportant leur caution scientifique d’amoureux transis mais lucides, bien sûr, de Clio[3].
« Traditions » clament donc les membres de ce vaste chœur où se retrouvent quelques socialistes, des communistes, des Insoumis, des écologistes et des intellectuel-le-s, entre autres, sans oublier des syndicalistes et des membres d’associations de défense des droits de l’homme, tous fiers d’en être les fidèles héritiers et les dignes continuateurs.
Admirable ! Les exemples qui suivent permettent de nuancer, pour le moins, ces déclarations qui relèvent d’une reconstruction apologétique et a posteriori de ce passé destinée à faire oublier ou à minimiser des errements anciens aux conséquences délétères pour les premiers concernés comme pour l’unité des luttes menées contre l’exploitation, l’oppression et les conséquences des divers racismes hexagonaux.
Impossible d’être ici exhaustif. Il y faudrait un ouvrage collectif capable de traiter un champ et une chronologie très vastes remontant au moins à la seconde moitié du XIXème. On s’en tiendra donc à quelques événements significatifs qui sont autant de « schibboleth[4] » ou d’épreuves permettant d’apprécier au mieux les capacités d’une personne et, en l’occurrence, les orientations passées et présentes de diverses formations politiques progressistes.
Mai 1936. Victoire du Front populaire que d’aucuns disent fort soucieux du sort des ouvriers français mais les audaces réformatrices de ses dirigeants et de la majorité qui les soutenait, n’ont jamais atteint les « indigènes » de l’empire soumis, depuis 1875, aux différents codes de l’indigénat – nommés « Code matraque » par les colonisés algériens – et à plusieurs dispositions d’exception discriminatoires et racistes : l’internement administratif et la responsabilité collective. « Sujets français » privés des droits et libertés individuels et collectifs, ils étaient avant juin 1936, « sujets français » ils sont demeurés après et jusqu’en 1945.
Pis encore, ayant fait sien l’adage sans doute stalinien : « calomniez ! calomniez ! il en restera toujours quelque chose », le Parti communiste dénonce une prétendue collusion de l’Etoile nord-africaine (ENA), dirigée par Messali Hadj, avec des « éléments (…) fascistes d’Algérie.[5] ».
Fort de cette accusation abracadabrantesque, digne des procès de Moscou, le PCF soutient, le 26 janvier 1937, la dissolution de cette organisation également souhaitée par la SFIO et son prestigieux dirigeant alors président du Conseil, Léon Blum.
Un an plus tard, après avoir découvert le sort indigne des immigrés arabes présents dans l’Hexagone, soumis « aux tâches les plus malpropres et les plus épuisantes », à des salaires de misère et au « mépris » de « leurs compagnons » de travail, la philosophe Simone Weil constate aussi l’indifférence persistante des organisations politiques et syndicales à l’endroit de ces travailleurs et, plus précisément, de ces sous-prolétaires confrontés à une exploitation et une oppression spécifiques.
À la différence de la majorité de ses contemporains, elle est parfaitement consciente des singularités de la condition qui ravalent ces hommes au plus bas de la hiérarchie sociale-raciale, et du mépris raciste auquel ils sont quotidiennement confrontés. De là, cet aveu qui est également une condamnation virulente : « J’ai honte des démocrates français, des socialistes français, de la classe ouvrière française.[6] » N’en déplaise à ceux qui prétendent que la solidarité a toujours été une tradition du mouvement ouvrier, ce jugement précis, circonstancié et accablant, est longtemps resté d’actualité.
Elise ou la vraie vie, célèbre roman de Claire Etcherelli et remarquable investigation littéraire, intime, sociale et politique consacrée, entre autres, à la condition des travailleurs algériens en France dans les années cinquante, confirme l’importance des discriminations, le racisme d’une fraction de la classe ouvrière et l’inaction de la majorité des partis progressistes et des syndicats[7]. Celle-là même que cette écrivaine relate avec finesse en rompant avec l’histoire officielle et mensongère forgée par les uns et les autres.
Constat et réprobation identiques sous la plume de Annie Ernaux, quelques années plus tard. Que les « Arabes », écrit-elle, « vivent dans des bidonvilles, bossent sur des chaînes ou au fond d’un trou, que leur manifestation d’octobre [celle du 17 octobre 1961] soit interdite, puis matée avec la plus extrême violence (…) paraissaient dans l’ordre des choses.[8] »
Hier, il se confirme que le peuple et les travailleurs défendus par les forces de gauche les plus importantes étaient, pour l’essentiel, obstinément blancs. Une telle situation aide aussi à comprendre, suite à la proposition du socialiste Guy Mollet, le vote des pouvoirs spéciaux par les députés du Parti communiste 12 mars 1956. Il en va de même pour l’inaction notable de cette organisation et de la CGT[9] au lendemain du massacre des ouvriers et des manifestant-e-s algériens réunis le 17 octobre 1961, à l’appel du FLN, pour protester contre le couvre-feu raciste qui leur était imposé par le gouvernement de Michel Debré avec l’approbation du général de Gaulle.
Votée par les parlementaires, certains étaient membres de la Ligue des droits de l’homme, la loi scélérate et très républicaine du 16 juillet 1912[10] impose aux gens du voyage, aux nomades français et étrangers, et aux Tsiganes, une carte d’identité et un carnet anthropométrique. Autant de dispositions qui n’ont pas été abrogées par le Front populaire. Aussi, tous ont-ils continué d’être soumis à une législation scandaleuse et inique, fondée sur des critères ethno-raciaux, qui porte gravement atteinte à plusieurs libertés fondamentales : la liberté de circulation et d’installation.
Jugés extérieurs à la classe des exploités et des opprimés, dont il faut améliorer les conditions de travail et d’existence, les gens du voyage et les Tsiganes sont, à cause de cela, réputés étrangers aux luttes du prolétariat, qui font l’histoire, au monde des activités salariées tenues pour seules légitimes et aux préoccupations des dirigeants progressistes.
À ces différentes exclusions, également liées à leur condition de paria, s’ajoutent le conformisme et la pusillanimité des gauches politiques de l’époque. A l’instar des « indigènes » de l’empire et des femmes françaises, toujours considérées comme des mineures politiques sous la Troisième République, la SFIO et le Parti communiste ont maintenu, avant et après le Front populaire, le statut des uns et des autres sans s’attaquer ni au racisme, ni au sexisme, ni à la romanophobie républicains et d’Etat. Certes mais il s’agit de faits anciens et les temps ont depuis bien changé.
Assurément, mais fort tardivement puisque l’ensemble des mesures discriminatoires frappant les gens du voyage et les Roms n’a été supprimé que le 27 janvier 2017. Rien au cours des deux septennats de François Mitterrand, rien lors du gouvernement de Lionel Jospin. De plus, cette abrogation n’a nullement entraîné la disparition des politiques publiques menées à l’encontre des Roms, soumis à des violences et des discriminations systémiques d’autant plus acceptées que les premières comme les secondes font l’objet d’un consensus ancien et persistant soutenu par certains socialistes depuis longtemps convertis à la romanophobie de saison.
En 1981, Félix Guattari, qui dénonce la « ségrégation » et le « rejet, dans la plus pure tradition du racisme colonial », dont les immigrés et leurs descendant-e-s sont victimes, n’oublie pas de compléter le tableau en rappelant le ralliement de la direction du Parti communiste et de nombreux élus locaux de cette organisation à une telle politique. En atteste, l’épisode du « bulldozer de Vitry[11] » – 12 décembre 1980 – au cours duquel un foyer d’immigrés fut détruit sur décision du maire, communiste lui aussi. Soutenues par une formation réputée progressiste, ces orientations, empreintes de racisme, de xénophobie et d’une vision étroitement répressive de certains problèmes sociaux, reposent sur une identique absence de principe.
À droite comme à gauche, nombreux sont les responsables qui agissent en fonction de considérations électoralistes étrangères aux impératifs d’un accueil digne de ce nom, à la mise en œuvre des principes de la convention de Genève relatifs à l’asile et aux nécessités d’un antiracisme politique conséquent.
Deux ans plus tard, le 31 janvier 1983, Pierre Mauroy, premier ministre socialiste, fustige la mobilisation des ouvriers maghrébins de l’usine Renault à Flins en déclarant qu’ils sont « agités par des groupes religieux et politiques qui se déterminent en fonction de critères ayant peu à voir avec les réalités sociales françaises. » Peu après, le ministre de l’Intérieur, Gaston Deferre, s’en prend aux « intégristes et aux chiites » accusés d’avoir joué un rôle majeur dans le déclenchement de ce conflit. Puissance de l’islamophobie et de la stigmatisation gouvernementale qu’elle autorise.
Sombre bilan pour les principales formations des gauches politiques. Qu’elles soient de gouvernement ou qu’elles prétendent incarner une voie plus radicale, elles ne prêtent au mieux qu’une attention somme toute superficielle aux racismes de France comme aux discriminations systémiques liées aux origines et à la religion. Et elles persévèrent le plus souvent dans cette voie en raison de la primauté ancienne et théorisée accordée aux critères de classe et aux luttes engagées de la sorte seules à même, prétendent certains, de favoriser de fortes mobilisations populaires[12].
La fidélité à cette doxa, légitimée par l’histoire et la sociologie, et que quelques-uns mâtinent de marxisme en pensant atteindre des sommets de scientificité et de radicalité, est au principe d’aveuglements d’autant plus singuliers que les études et les rapports sur l’importance des discriminations subies par les racisé-e-s sont légions. Enfin, conséquences d’une division des tâches plus ou moins assumée, et à l’exception de quelques initiatives, les engagements des partis progressistes aux côtés des minorités visibles sont délégués à des associations généralistes de défense des droits humains et/ou à divers comités ad hoc constitués par les premiers concernés.
Plus grave, nombre de dirigeants des organisations précitées, parce qu’ils adhèrent au roman national-républicain, ou par opportunisme, nient l’existence même « d’un racisme structurel dans les institutions et la société[13] », et minorent l’ampleur et la gravité des discriminations fondées sur des critères ethno-raciaux ou sur l’islam.
Sur ces sujets pourtant, les connaissances accumulées, dans le champ des sciences humaines comme dans celui de l’expertise, sont anciennes, nombreuses, précises et concordantes. De plus, face aux discriminations décrites et analysées, les propositions faites par le Défenseur des Droits et plusieurs organisations, comme Amnesty international et Human Rights Watch, montrent que des solutions susceptibles d’améliorer la situation des personnes racisées existent. « Ce ne sont pas les informations qui nous défaut » ; elles sont multiples, publiques et accessibles à toute personne qui le désire, et nul ne peut ni pourra soutenir sérieusement qu’il ne savait pas.
Quant aux projets de réforme, ils existent mais, à quelques exceptions près, ils sont rarement placés au sommet de l’agenda des gauches politiques et syndicales. Bien que mobilisés depuis des dizaines d’années contre le racisme, les discriminations et les violences policières[14], les Français racisés et les étrangers des minorités visibles n’ont jamais été vraiment entendus par les directions de ces formations.
Revendiquant le monopole de la définition des luttes légitimes, ces dernières perçoivent souvent l’organisation autonome des premier-e-s concerné-e-s comme une concurrence menaçante. Cela confirme les analyses anciennes mais toujours actuelles de C. Guillaumin qui constatait qu’« au sein de la société majoritaire » le « minoritaire[15] » et les racisé-e-s sont confrontés à des difficultés extrêmes pour faire valoir ce qu’ils essaient « de manifester » en raison des résistances multiples auxquelles ils se heurtent.
Que manque-t-il donc à celles et ceux qui affirment défendre des orientations progressistes et les intérêts des classes populaires ? « Le courage de comprendre ce que nous savons et d’en tirer les conséquences[16] ».
Alors qu’il est toujours plus urgent d’unir les forces disparates des gauches politiques, syndicales et associatives pour combattre au mieux les racismes, l’islamophobie, les discriminations, les violences policières, la progression des extrêmes-droites, la radicalisation des Républicains et l’offensive néo-libérale et toujours plus autoritaire du chef de l’Etat et de sa majorité aux ordres, la poursuite de ces orientations et de ces atermoiements divers, qui entretiennent rancœurs et divisions, ne peut que favoriser l’avènement du pire.
Le Cour Grandmaison, universitaire, dernier ouvrage paru, avec O. Slaouti (Dir), Racismes de France, La Découverte, 2020.
[1]. https://blogs.mediapart.fr/o-le-cour-grandmaison/blog/220623/origines-et-mutations-de-la-xenophobie-d-etat-sur-le-cas-francais
[2]. Rappelons à celles et ceux qui s’opposent à cette catégorie, en croyant qu’elle a été forgée il y a peu par quelques militant-e-s « indigénistes » et décoloniaux, qu’elle fut d’abord employée par l’une meilleures spécialistes du racisme, Colette Guillaumin, dans un ouvrage pionnier : L’Idéologie raciste paru en 1972 !
[3]. Dans un entretien au journal Le Monde, 16 juin 2023, Gérard Noiriel déclare : sur ces sujets, « le discours de gauche est devenu hégémonique quand les forces qui la composent se sont rassemblées pour relier sa composante sociale et sa composante humaniste. Ce fut le cas en 1902, au lendemain de l’affaire Dreyfus (…). Puis avec le Front populaire de 1936 et, enfin, en 1981. François Mitterrand a gagné les présidentielles notamment parce qu’il a soutenu la lutte des associations pour la régularisation des sans-papiers. » Ailleurs, il salue le programme « humanitaire » du Front populaire. G. Noiriel, Immigration, antisémitisme et racisme en France (XIXe-XXe siècle). Discours publics, humiliations privées, Paris, Fayard, 2007, p. 425.
[4]. P. Bourdieu, « Le sort des étrangers comme schibboleth. » mai 1995, in Contre-feux, Paris, Liber-Raisons d’agir, 1998, p. 21-24.
[5]. R. Deloche, « La dissolution de l’Etoile nord-africaine », L’Humanité, 12 février 1937, in A. Ruscio, La Question coloniale dans « L’Humanité » (1904-2004), Paris, La Dispute, 2005, p. 179.
[6]. S. Weil, « Qui est coupable de menées antifrançaises ? » (Projet d’articles, 1938), in Œuvres complètes, II. Ecrits historiques et politiques. Vers la guerre (1937-1040), Paris, Gallimard, 1989, p. 136. « Consultez la collection (…) des organes syndicalistes depuis huit ans, note aussi V. Spielmann, vous trouverez très peu, sinon pas du tout, d’interventions en faveur des travailleurs algériens… » En Algérie. Le centenaire au point de vue indigène, Alger, Editions du Trait d’union, 1930, p. 27. Journaliste et éditeur, Spielmann fut sans doute exclu du Parti communiste en 1926. Il rejoint alors la Fraternité algérienne de l’émir Khaled pour mener un combat politique fondé sur la solidarité effective avec les colonisés.
[7]. Ouvrier de l’automobile Julien, l’un des personnages de ce roman, déclare : « on doit être trois ou quatre dans l’usine à trouver » aux « crouillats » et aux « nègres » des « figures d’hommes. » Cette attitude lui vaut d’être affecté au poste le plus insalubre : la peinture. Aucun syndicaliste n’est intervenu pour dénoncer cette sanction. Cl. Etcherelli, Elise ou la vraie vie, [1967], Paris, Gallimard, 2011, p. 137.
[8]. A. Ernaux, Les Années, Paris, Gallimard, 2020, p. 82.
[9]. Comme le note alors, M. Heurgon, secrétaire de la fédération de Paris du PSU : « la manifestation la plus sanglante, (…) le massacre de plus de 100 ouvriers, n’a pas entraîné une heure de grève. » Cité in Riposter à un crime d’Etat. Le rôle du PSU dans la mobilisation contre la répression de la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris, Cahiers de l’ITS, Les éditions du Croquant, Vulaines sur Seine, 2021, p. 8.
[10]. « Tous [les nomades] sont des pillards et des voleurs, et malheur à la région qu’ils traversent et surtout à celle où ils séjournent : les légumes des potagers, les volailles des basses-cours, le porte-monnaie oublié sur la table, (…) un veau ou un cheval à l’herbage, tout leur est bon à prendre, ils vivent sur notre sol comme en terrain conquis », déclare le parlementaire de la gauche radicale Marc Réville. Cité par F. Challier, La Nouvelle loi sur la circulation des nomades. Loi du 16 juillet 1912, (thèse pour le doctorat de droit), Paris, Librairie de jurisprudence ancienne et moderne, 1913, p. 144-145. Avocat, Réville (1863-1920) fut également maire.
[11]. F. Guattari, « Non à la France de l’Apartheid. » in Les Années d’Hiver 1980-1985, Paris, Les Prairies ordinaires, 2009, p. 285. Publié par Le Nouvel observateur le 4 mai 1981, quelques jours avant la victoire de Fr. Mitterrand à l’élection présidentielle, ce texte est également un appel à la désobéissance civile et au soutien, y compris par des « moyens illégaux », à « toute personne menacée » d’expulsion. On y apprend que 75% des expulsés, selon le ministère de l’Intérieur, sont de « jeunes Maghrébins de 25 ans, souvent nés en France ou y ayant grandi. » Cf., aussi E. Balibar qui dénonça le « racisme » et « le peyrefittisme du pauvre » du Parti communiste dont il fut aussitôt exclu. « De Charonne à Vitry » (9 Mars 1981) in Les Frontières de la démocratie, Paris, La Découverte, 1992, p. 30.
[12]. Cf., St. Beaud et G. Noiriel, Race et sciences sociales. Essai sur les usages publiques d’une catégorie, Agone, Marseille, 2021. Et sur leur critique de l’intersectionnalité, notamment, voir S. Mazouz, Race, Anamosa, Paris, 2020 et M. Zancarini-Fournel https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwiViLLGo-zyAhVOyYUKHd2GCoUQFnoECAMQAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.en-attendant-nadeau.fr%2F2021%2F02%2F25%2Ferreurs-livre-beaud-noiriel%2F&usg=AOvVaw1Dwgt8FzS7PGV2V2pliwNk
[13]. Interrogé par un journaliste de Libération, Jean-Luc Mélenchon répondait doctement : « Les institutions ont bien des défauts mais elles n’ont pas cette tare. » Le blog de J-L. Mélenchon, 11 juin 2020. C’est également la position du Parti socialiste et de SOS-Racisme.
[14]. Cf. A. Hajjat, « Le MTA et la “grève générale” contre le racisme de 1973. », Plein Droit, 2005/4, n°67, pp. 35-40, R. Assaoui, « Le discours du Mouvement des travailleurs arabes (MTA) dans les années 1970 en France. Mobilisation et mémoire du combat anticolonial. », Hommes & Migrations, 2006, 1623, pp. 105-119 et S. Bouamama, Dix Ans de marche des Beurs. Chronique d’un mouvement avorté, Paris, Desclée de Brouwer, 1994.
[15]. C. Guillaumin, L’idéologie raciste, (1972), Paris, Folio-Essais, 2002, p. 142.
[16]. S. Lindqvist, Exterminer toutes ces brutes. L’odyssée d’un homme au cœur de la nuit et les origines du génocide européen, Paris, Le Serpent à Plumes, 1992, p. 17. (Souligné par nous.)