Par Viktor Debaj et Michel Collon (revue de presse : Investig’Action (26 juin 2023)*
« Qui peut sauver Julian Assange » demandaient Viktor Dedaj et Michel Collon dans la postface du livre « Julian Assange parle » que nous vous proposons ci-dessous. La question reste tristement brûlante alors que le fondateur de WikiLeaks est menacé d’une extradition imminente vers les États-Unis. Dans « Julian Assange parle », Karen Sharpe a réalisé un magnifique travail pour collecter la pensée du célèbre journaliste australien et nous permettre de découvrir la noblesse de son combat à travers ses propres mots. On se demande alors qui pourra sauver cet homme des forces puissantes qui s’acharnent contre lui. La Justice ? Les médias ? Difficile à croire quand on examine leur attitude jusqu’ici à travers quelques faits peu connus…
Une Justice nullement impartiale
Commençons par le commencement. Comment est-il possible qu’un journaliste australien, opérant en Europe, se retrouve, à cause de ses activités journalistiques, enfermé en préventive, en Angleterre, dans une prison de haute sécurité et en isolement, dans l’attente d’une extradition vers les États-Unis, un pays dont il n’a jamais été sous la juridiction ? La réponse est simple : c’est un procès politique, une opération punitive. Les plus hautes autorités politiques et judiciaires de plusieurs États ont manœuvré de manière concertée pour organiser l’enlèvement et le bâillonnement de ce journaliste. À travers une procédure judiciaire émaillée du début à la fin d’irrégularités monstrueuses.
D’abord, le procès sera dirigé par Lady Emma Arbuthnot, personnellement touchée par les révélations de WikiLeaks : « Lady Arbuthnot a reçu des cadeaux et des marques d’hospitalité en relation avec son mari, notamment de la part d’une entreprise militaire et de cybersécurité exposée par WikiLeaks. […] Au moment même où Lady Arbuthnot présidait l’affaire juridique d’Assange, son mari s’entretenait avec de hauts fonctionnaires en Turquie, exposés par WikiLeaks, dont certains ont un intérêt à punir Assange et l’organisation WikiLeaks[1]. »
Ensuite, les audiences seront présidées par Vanessa Baraitser qui lit des conclusions rédigées à l’avance (par Lady Arbuthnot ?) et ricane lorsque la défense prend la parole. Par trois fois, les États-Unis changeront leurs « accusations », comme s’ils n’étaient pas très sûrs de quoi Julian Assange serait coupable. À tel point que, le premier jour du procès, Julian Assange sera « libéré », car les États-Unis ont abandonné leurs accusations initiales, et aussitôt arrêté de nouveau, car ils ont présenté – hors délai, mais qu’importe – de nouvelles accusations. En outre, comme l’a établi l’enquête de la journaliste italienne Stefania Maurizi, des procureurs britanniques et suédois ont échangé des courriels démontrant une collusion pour faire traîner au maximum une non-affaire de « viol » et garder Assange en otage.
Le contrôle de la régularité des audiences sera systématiquement entravé. Amnesty International se verra interdire l’accès à la salle (une première en Occident, selon l’organisation). Reporters Sans Frontières aura du mal à accéder aux audiences, même par vidéoconférence. Les liaisons vidéo seront constamment défaillantes, inaudibles et indignes d’un appareil judiciaire moderne. Les avocats de la défense n’auront droit qu’à une demi-heure pour interroger chaque témoin. Ceux du département US de la Justice auront quatre heures. Les documents présentés par la défense seront refusés. Ceux présentés par l’accusation acceptés. Et ainsi de suite.
Ce n’est pas tout. Le témoin clé de l’accusation, l’Islandais Sigurdur Thordarson, escroc récidiviste en cavale, pédophile condamné et psychopathe diagnostiqué, admettra finalement avoir inventé ses accusations en échange d’une immunité du FBI. Il sera d’ailleurs arrêté et incarcéré en Islande dans une prison de haute sécurité (Ô, ironie…). Sachant tout cela, le FBI a continué à utiliser ce faux témoin pour sa campagne de diabolisation d’Assange.
De son côté, la CIA a, sur instructions du gouvernement des États-Unis, préparé des scénarios pour kidnapper, voire assassiner Julian Assange. Elle a aussi espionné et enregistré toutes les conversations privées d’Assange avec ses avocats au sein de l’ambassade d’Équateur où il était réfugié. Cette illégalité aurait dû entraîner la nullité du dossier d’accusation US et donc l’arrêt du procès.
Il est vrai qu’un premier jugement, le 4 janvier 2021, refusera – contre toute attente – l’extradition. Mais seulement pour une raison « humanitaire » : par crainte pour la santé mentale de l’accusé. Un état provoqué justement par le traitement infligé depuis dix ans et dont la Justice britannique est responsable ! Mais sur le fond de l’affaire, la juge Baraitser approuvera les thèses des États-Unis et criminalisera, elle aussi, le journalisme d’investigation. La libération immédiate de Julian Assange sera bien prononcée, néanmoins il sera aussitôt renvoyé dans une prison de haute sécurité (sans tenir compte de sa santé mentale !), car les États-Unis feront appel. Ainsi ceux qui n’ont cessé de mentir peuvent décider d’envoyer en prison ceux qui ont dévoilé ces mensonges.
Fabriquer l’ignorance
De toutes ces irrégularités de procédure, de cette parodie de justice, les médias mainstream – à de très rares exceptions près – n’ont pas parlé. Pire, ils ont largement relayé les rumeurs et calomnies fabriquées par une campagne de diabolisation organisée par les services US. Passant sous silence des faits importants qui éclairaient la figure d’Assange sous un tout autre jour. Pourquoi ?
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