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15 novembre 2024

Maroc : A-t-elle définitivement pris possession du territoire?


« A-t-elle définitivement pris possession du territoire ? Maroc y sera à elle ?? Vous allez voir… »

Le déplacement du représentant israélien à Rabat sur les lieux du drame avant celui du roi et des officiels marocains a soulevé un tollé général. Dans le même temps, la chaîne i24 News révélait que des secouristes israéliens se trouvaient au Maroc sans aucune autorisation. Israël a-t-il définitivement pris possession du territoire ? Tel-Aviv a-t-il phagocyté le régime de Mohammed VI ?
Interview – Jacob Cohen : «Le Maroc ne peut plus rien refuser à l’Etat d’Israël !»
Propos recueillis par Karim B. algeriepatriotique.com septembre 15, 2023 – 7:23 Rédaction
Jacob Cohen Maroc séisme Makhzen
Jacob Cohen. D. R.

L’écrivain et penseur franco-marocain explique le refus exprimé par le Makhzen de recevoir l’aide de l’Algérie, suite au terrible séisme qui a frappé le Maroc, par «le caprice d’un monarque faisant la fine bouche devant des offres d’aides internationales pour des raisons personnelles ou politiques», lequel caprice «prive des populations déshéritées d’un soutien massif et universel qui les aurait soulagées et sorties pour un temps d’un isolement et d’un sous-développement insoutenables.» «La société civile marocaine, comme on l’a vu pour la normalisation avec le régime sioniste, n’arrive pas à se libérer de l’emprise monarchique», fait remarquer Jacob Cohen, convaincu, par ailleurs, que la monarchie marocaine «n’a plus rien à refuser à son protecteur et allié israélien.» Interview.

Algeriepatriotique : Permettez-nous, tout d’abord, de vous présenter nos sincères condoléances et d’exprimer, à travers votre respectable personne, notre solidarité avec les victimes et leurs familles. Quels échos vous parviennent du Maroc après le terrible séisme qui a frappé Marrakech et ses environs ?

Jacob Cohen : Je n’ai pas reçu d’informations personnelles ou spécifiques de la part de compatriotes marocains. Peut-être parce qu’ils vivent dans les grandes villes et plutôt dans le centre du pays et au bord de la mer. Je m’informe comme presque tout le monde par les réseaux sociaux.

Ce n’est pas le séisme qui tue mais le bâti, dit-on. Le nombre élevé de morts et de blessés est un signe qui ne trompe pas sur la fragilité et la vétusté des maisons qui ont été littéralement pulvérisées par la secousse tellurique. Quelle est l’état du parc immobilier dans le Maroc profond, cette partie du royaume que les médias ne montrent pas ?

Ces tragiques événements ont confirmé que le fossé entre les villes et la campagne n’a jamais vraiment été comblé malgré les promesses réitérées ad nauseam. On le savait par les statistiques et les reportages. J’y avais fait quelques voyages dans les années 80. Le Maroc donne une image de progrès et de la modernité avec ses grandes villes. Et encore, en creusant un peu, on se rend compte qu’une majorité de ces constructions sont bâclées. C’est de l’habitat de masse destiné à dépérir assez vite. De là à imaginer que des mesures antisismiques auraient pu être appliquées relève du domaine de l’illusion. La campagne, par contre, reste dans l’immobilisme, l’ignorance, le manque flagrant et brutal des services de base – enseignement, santé, transport, administration. Les images de destruction sont encore plus pénibles lorsqu’elles touchent des populations qui manquaient déjà de presque tout.

Le roi a mis plusieurs jours avant de se rendre à Marrakech et, une fois sur place, il s’est contenté d’une virée furtive dans un hôpital, suivie d’une mise en scène, à grand renfort de caméras, de Marocains se bousculant pour lui embrasser le dos de la main. Pourquoi ce retard malgré la gravité de la situation, selon vous ?

Il semble que le roi se trouvait en France au moment du tremblement de terre. Un voyage non-officiel et non-annoncé ; ce genre de voyages qui dure plusieurs semaines pour son agrément personnel et qui se répète régulièrement. Apparemment, le roi se trouve bien dans ses propriétés en France et peut-être gère-t-il d’autres affaires plus personnelles que nationales. Donc, le temps de préparer le voyage du retour et une mise en scène médiatique. Le problème, c’est que ses sujets ne peuvent se permettre la moindre remarque publique sur sa personne ni sur son action. Il y a entre eux une émulation dans la servilité dans l’espoir d’obtenir quelque prébende. Cela confirme, enfin, s’il en était besoin, le caractère féodal du pouvoir chérifien. Le caprice d’un monarque – faisant la fine bouche devant des offres d’aides internationales pour des raisons personnelles ou politiques – prive des populations déshéritées d’un soutien massif et universel qui les aurait soulagées et sorties pour un temps d’un isolement et d’un sous-développement insoutenables.

Le déplacement du représentant israélien à Rabat sur les lieux du drame avant celui du roi et des officiels marocains a soulevé un tollé général. Dans le même temps, la chaîne i24 News révélait que des secouristes israéliens se trouvaient au Maroc sans aucune autorisation. Israël a-t-il définitivement pris possession du territoire ? Tel-Aviv a-t-il phagocyté le régime de Mohammed VI ?

La monarchie marocaine n’a plus rien à refuser à son protecteur et allié israélien. Elle lui a refusé tout de même l’autorisation d’envoyer l’armada de sauvetage qui était toute prête à décoller et qui serait arrivée en premier sur les lieux. Cela aurait fait mauvais genre. Et on sait que les Israéliens ont développé dans ce domaine une mécanique efficace et bien huilée et surtout très visible avec ses drapeaux collés quasiment sur chaque objet. Mais ce n’est qu’un épisode passager sur lequel les Israéliens, probablement avertis à l’avance, pourraient montrer beaucoup de compréhension. Les sionistes sont sensibles au drame intime que vivent ces Arabes qui acceptent de se compromettre avec eux. Mais, fondamentalement, et au-delà de cette petite saute d’humeur, on peut répondre par la positive à vos deux interrogations.

Ce double affront, mêlé à cette colère sourde, remettra-t-il en cause la normalisation refusée à la base par le peuple marocain qui a été mis devant le fait accompli ?

A mon avis, la normalisation est là pour rester et pour se renforcer. Ce que pense le peuple marocain est sans importance pour le Makhzen. C’est une décision royale. Qu’aucune institution politique, syndicale, économique, financière, sécuritaire, n’ose remettre en question. Qu’est-ce qui a poussé le roi dans cette voie ? Il y a les raisons connues et celles que l’on ne connaîtra peut-être jamais. J’ai l’impression d’un coup de poker. Il faut que cette normalisation produise ses effets quitte à s’enfoncer dans l’engrenage. Un retour en arrière, ou un échec, ou une trahison, serait désastreux pour la monarchie. Une perte de face ou de crédibilité terrible. D’où cette fuite en avant qui offre le Maroc dans toutes ses composantes aux sionistes.

Ce séisme dévastateur et la manière controversée avec laquelle le pouvoir marocain a géré la catastrophe va-t-il affaiblir la monarchie ?

Je ne le crois pas. Le pays en a vu d’autres. Et le souverain apparaîtra comme celui qui va panser les plaies et relancer l’économie, le social, l’unité et la stabilité, jusqu’au prochain drame. Le problème de la société civile marocaine, comme on l’a vu pour la normalisation avec le régime sioniste, c’est qu’elle n’arrive pas à se libérer de l’emprise monarchique. Elle accepte son infantilisation et n’ose pas secouer le joug. Lorsque Mohammed VI a accédé au pouvoir, le leader d’une association politico-religieuse, Al-‘Adl wa’l Ihsân, avait demandé dans une lettre ouverte au jeune roi, le «roi des pauvres» comme il s’est présenté, de rapatrier la fortune amassée par son père et de la redistribuer. Tollé dans toutes les institutions marocaines qui ont condamné un tel «affront». Le roi reste le pivot intouchable, autant par les textes constitutionnels que par la pusillanimité de ses sujets.

Le Maroc a d’abord annoncé par la voie d’un membre du gouvernement qu’il acceptait l’aide de l’Algérie, trois gros porteurs chargés d’aides et de secouristes étaient prêts à décoller, jusqu’à ce qu’une réponse négative parvînt aux autorités algériennes. Que s’est-il passé ? Pourquoi ce revirement, d’après vous ?

Je crois l’avoir mentionné plus haut. Le roi préfère priver les populations sinistrées d’une aide vitale plutôt que de permettre à un pays «ennemi» de montrer sa solidarité et de lui reconnaître un élan de générosité.

Le Maroc a également refusé l’aide de la France. Qu’est-ce qui explique cette rebuffade ?

Entre la France et le Maroc, ou plutôt entre Macron et Mohammed VI, il y aurait d’abord un litige d’ordre personnel. Le souverain marocain aurait juré à Macron ne pas l’avoir écouté avec le logiciel d’espionnage israélien Pegasus, mais ce dernier ne l’aurait pas cru. Ce qui explique cet échange peu diplomatique lorsque le Palais royal avait fait savoir, pour démentir les propos de Macron, que les relations entre les deux pays et les deux chefs d’Etat n’étaient pas bonnes du tout. En refusant à la France le «privilège» d’apporter son aide, le roi exprimerait sa mauvaise humeur de voir la France réticente à reconnaître la marocanité du Sahara Occidental.

Comment voyez-vous la suite des événements ? Y aura-t-il des répliques politiques au séisme, sachant que de très nombreux Marocains expriment leur colère car estimant que les victimes de la classe pauvre majoritaire, les laissés-pour-compte, ont été abandonnées par le pouvoir central ?

Pour les diverses raisons évoquées plus haut, je ne crois pas à des répliques politiques au séisme. Il y a, d’une part, la résignation des populations délaissées face un pouvoir lointain et tout-puissant, et animées par ce sentiment de fatalité qui fait presque partie de leur ADN. Et, d’autre part, c’est un Etat puissant avec une administration tentaculaire et une justice implacable, soutenu par une propagande médiatique quasiment à sens unique et dont aucune institution politique ne remet la légitimité en cause.
roc

Interview – Jacob Cohen : «Le Maroc ne peut plus rien refuser à l’Etat d’Israël !»

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