LES PALESTINIENS ONT-ILS LE DROIT DE SE DEFENDRE POUR LIBERER LEUR PAYS OCCUPE ?
12 octobre 2023
Publié par Gilles Munier sur 11 Octobre 2023, 07:32am
Catégories : #Palestine, #Gaza, #Cisjordanie
Par Me Maurice Buttin (10 octobre 2023 – mise à jour 11/10/23)*
Avant d’aborder les tragiques évènements du week-end, un bref point d’histoire s’impose pour les comprendre.
Sans remonter à la double trahison du monde arabe par la France et la Grande Bretagne en 1916/1917 (les deux pays se partageant le Proche-Orient et la Grande-Bretagne, après la Déclaration Balfour, offrant aux Juifs, dans le cadre de son mandat, la création d’un un Foyer National en Palestine), il faut rappeler le partage de la Palestine le 29 novembre 1947 par les Nations Unies, en deux Etats, l’un juif, l’autre arabe – sans demander quoi que ce soit aux indigènes de ce pays, les Palestiniens, en violation des règles de base de la Charte de l’ONU sur le droit à l’autodétermination. Comme l’a écrit l’écrivain hongrois Arthur Koesler, « les grandes puissances (Etats-Unis, URSS, France etc. qui ont appuyé la partition) ont partagé un territoire qui ne leur appartenait pas et donné, ainsi, à une tierce partie, ce qui appartenait à une autre ! ». J’ajouterai non concernée par la Shoah, c’est-à-dire la mort de 6 millions de Juifs.
Après leur révolte contre l’occupant britannique, les Juifs, colonisateurs de la Palestine, proclament, par leur leader David Ben Gourion, leur Etat, qu’ils nomment Israël, le 14 mai 1948. Les Arabes (Palestiniens), proclament, eux, par le Conseil National Palestinien, leur Etat, la Palestine, le 15 novembre 1988, mais seulement sur 22 % du mandat britannique. (L’Etat d’Israël ayant porté sa surface à 78 % du mandat après une première guerre perdue par les Etats arabes et après la signature de divers armistices en 1949). Cet Etat de Palestine est aujourd’hui reconnu par 138 Etats, dont le Vatican, et la Suède en dernier lieu. Il est membre à part entière de l’UNESCO et autres organisations de l’ONU. Il a même obtenu le statut d’Etat observateur à cet organisme depuis le 29 novembre 2012, comme le Vatican antérieurement. Il a reconnu de facto l’Etat d’Israël par sa proclamation.
Mais, ces 22 % sont OCCUPES depuis juin 1967 (la Guerre de six jours) par l’Etat d’Israël, dont les dirigeants – leur idéologie sioniste, la charte du Likoud, les faits sur le terrain (annexion de facto d’une grande partie de la Cisjordanie par le développement de colonies, de routes de l’apartheid, d’un mur dit de « séparation », bien au-delà de le « ligne verte » établie lors des armistices de 1949) – affirment qu’il n’a y aura jamais d’Etat palestinien, lorsqu’ils ne nient pas l’existence même des Palestiniens !
Les tragiques évènements du week-end
Le samedi 7 octobre à l’aube, déjouant les célèbres services de renseignements israéliens, cinquante ans après la Guerre du Kippour pour les uns, du Ramadan pour les autres, la branche armée du Hamas, lance l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » (en référence aux violations de plus en plus fréquentes depuis le début de l’année des lieux saints musulmans, l’esplanade des Mosquées par des Juifs radicaux appuyés par l’armée israélienne). 5000 roquettes sont lancées, touchant diverses villes israéliennes, dont la plus proche, Sdérot. En même temps, des commandos de résistants armés pénètrent en Israël « par la mer, les airs et la terre » selon les déclarations de l’armée israélienne – ou agissent au sein même d’Israël – ce que nul n’indique, comme par hasard. Ils occupent 22 positions. 7 colonies sont attaquées. Près de 900 Israéliens militaires et civils sont tués, plus de 2000 blessés, 130 à 150 otages enlevés. Il s’agit là, par ces résistants, de représailles de choc à l’OCCUPATION de la Palestine, comme de leur côté les commandos de Jénine, Ramallah ou Naplouse, n’ont cessé d’agir depuis des mois. Les chefs du Hamas le déclarent : « Nous avons décidé de mettre fin à tous les crimes de l’occupation ».
Israël, la surprise passée, comme en octobre 1973, réagit immédiatement et lance dès le samedi, en répression (et non en « représailles », souvenons-nous de la célèbre phrase prémonitoire du Général De Gaulle, dans sa conférence de presse du 27 novembre 1967 : « Maintenant, il (Israël) organise sur les territoires qu’il a pris, l’occupation qui ne peut aller sans oppression, répression, expulsions, et il s’y manifeste contre lui une résistance, qu’à son tour, il qualifie de terrorisme ») d’intensifs bombardements aériens – plus de 1630 raids en deux jours – outre l’emploie de l’artillerie, causant les seuls samedi et dimanche, la mort de 416 Palestiniens, dont 79 enfants et 42 femmes, plus de 2300 blessés, des dégâts considérables (2 jardins d’enfants, 5 cafés et restaurants, 12 grands immeubles détruits, des dizaines de maisons et bâtiments publics, 2 pharmacies) – tous des repères de « terroristes » selon les dires des dirigeants israéliens ! 130 000 Gazaouis ont dû quitter la ville, selon le Bureau de coordination des affaires humaines de l’ONU.
Les bombardements ont repris ce lundi avec une nouvelle opération « Sabre d’acier » lancée par l’armée israélienne. Des dizaines d’avion de chasse ont frappé et frappent Gaza, de même des chars et de l’artillerie. De son côté, le Hamas continue de lancer des roquettes sur les villes israéliennes. A l’heure où j’écris ces lignes je ne connais pas la triste liste des nouvelles victimes de part et d’autre, notamment de civils, ce que je ne peux que déplorer. Mais à qui la faute ? Qui a expulsé 700 000 palestiniens en 1948/49 ? Qui a tué des milliers de Palestiniens depuis le partage de 1947 Qui a refusé la victoire du Hamas lors des élections parfaitement légales en 2006 ? Qui a arrêté 30 parlementaires palestiniens régulièrement élus, quelques semaines après ? Qui depuis 2007 a fait de la bande de Gaza une « prison à ciel ouvert », affamant deux millions de Palestiniens ?
Je note que fort justement le Premier ministre Benyamin Netanyahou a déclaré : « Nous sommes en guerre, il ne s’agit pas d’une simple opération ou d’un cycle de violence, mais bien d’une guerre » ajoutant « L’ennemi payera un prix sans précédent ». Et d’ordonner la coupure du gaz, de l’eau et de l’électricité fournis par Israël aux Gazaouis, en violation une fois de plus du droit international.… Oui, il s’agit bien d’une guerre de libération. Forcément elle entraîne la mort de combattants, mais aussi de civils. Qui a oublié les bombardements de Dresde et de Hambourg sur l’Allemagne ou d’Hiroshima et de Nagasaki sur le Japon ?
Le JDD du 8 octobre – tout en critiquant le Hamas par le biais d’un interview de Frédéric Encel, professeur à Sciences Po Paris – reconnait que « le Hamas a replacé la cause palestinienne de façon spectaculaire au premier plan ». Oui, d’abord, pour mettre l’ensemble des Etats arabes en face de leur responsabilité, ou de leur trahison, quant à la cause palestinienne, qui fut pendant longtemps (du moins dans leurs discours) leur « cause principale ». L’Arabie saoudite, que d’aucuns croyaient proche d’un accord avec Israël l’a bien compris. Elle a immédiatement dénoncé « les forces d’occupation israéliennes » et « les dangers d’une situation explosive résultant d’une occupation continue, de la privation des Palestiniens de leurs droits légitimes ». Bien évidemment, la majorité des dirigeants arabes, et, en tout cas la totalité des peuples arabes, ont salué la « fière opération Déluge d’Al Aqsa » engagée par le Hamas, comme l’ont fait, de leur côté, les dirigeants de l’Iran ou ceux du Hezbollah libanais. L’OCI, l’Organisation de la Coopération Islamique) a rappelé que « l’attaque de samedi était le résultat de l’OCCUPATION et de la privation du peuple palestinien de ses droits légitimes ». Certains pays, comme la Chine, la Russie, la Turquie, le Brésil ont simplement appelé à la désescalade, sans condamner un camp ou l’autre.
Ensuite le Hamas a agi pour rappeler aux dirigeants du monde entier, particulièrement occidentaux responsables de la création de l’Etat d’Israël, leur devoir quant à la nécessité, sans tarder davantage, d’un juste règlement de la « question palestinienne ».
Comment ceux-ci peuvent-ils « oublier » à ce point que depuis la création de l’Etat d’Israël ses dirigeants font fi, se moquent, du droit international et des résolutions de l’ONU – condamnant l’OCCUPATION de la Palestine et son annexion peu à peu par le développement de plus d’une centaine de colonies – sachant qu’ils bénéficient d’une totale immunité par l’emploi du droit de veto de leur fidèle allié au Conseil de Sécurité les Etats-Unis ? Aujourd’hui encore, le président Joë Biden, « condamnant l’organisation terroriste du Hamas, assure que le soutien des USA à l’Etat d’Israël est gravé dans le marbre et est inébranlable ». Et d’ajouter : « Nous veillerons à ce que les Israéliens reçoivent l’aide, dont ils ont besoin pour continuer à se défendre. Israël à droit de se défendre et de défendre son peuple ».
Ce droit d’Israël de se défendre sera repris par tous les dirigeants occidentaux français, italiens, allemands, anglais, etc. ou presque. « C’est le terrorisme sous sa forme la plus méprisable. Israël a le droit de se défendre contre des attaques aussi odieuses » a déclaré Ursula von der Leyen présidente de la Commission européenne. « Je condamne sans équivoque les brutales attaques perpétuées par le Hamas contre des civils israéliens. Le Royaume Uni soutiendra toujours Israël à se défendre » a précisé le ministre des Affaires étrangères britanniques, James Cleverly. Etc.
La classe politique française de l’extrême droite à la gauche socialiste, en passant par les dirigeants de notre pays, n’est pas en reste. Elle évoque le droit d’Israël à se défendre en condamnant la terreur causée par cette brutale et inattendue entrée en guerre du Hamas. « Je condamne fermement les attaques terroristes qui frappent actuellement Israël » a déclaré le président Emmanuel Macron ». « Les frappes du groupe terroriste Hamas contre Israël sont un acte de guerre inacceptable. Nous sommes plus que jamais aux côtés de la démocratie israélienne » a affirmé Marine Le Pen. « Je condamne des « attaques terroristes d’une violence inouie » (Aurore Berger, ministre de la Solidarité). « Le terrorisme n’est pas une justice (…) Il décrédite les causes qu’il prétend servir. Je condamne totalement l’attaque lancée par le Hamas » (Olivier Faure, le 1er secrétaire du parti socialiste). Les dirigeants de la France Insoumise, pour leur part, renvoient les belligérants dos à dos, ce qui les fera traiter d’antisémites par notre Première ministre Elisabeth Borne, amalgamant une nouvelle fois l’antisémitisme, qui est le crime absolu, et l’antisionisme parfaitement justifiable. ! Le comble est venu du nouveau Président du CRIF Yonathan Arfi : « Une fois de plus le Hamas rappelle son refus de l’existence de l’Etat d’Israël » Non, trois fois non ! Le Hamas rappelle une fois de plus le refus par Israël de l’existence de la Palestine.
Ainsi pas un de ces dirigeants internationaux ou nationaux – sauf certains de la NUPES – n’ont évoqué, ni de près ni de loin, le droit aussi des Palestiniens de se défendre contre une OCCUPATION dont ils sont victimes (avec combien de milliers de morts, de blessés, de destructions, d’humiliation) depuis cinquante-six ans.
*Me Maurice Buttin, est avocat honoraire à la Cour. Il est Président par intérim du Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche-Orient, membre des C.A. de « Pour Jérusalem », des « Amis de Sabeel-France », de « Chrétiens de la Méditerranée », et membre de l’AFPS et du Parti socialiste (depuis juin 1967)