Avant, je trouvais le terme « judéo-nazis » excessif. Ce n’est plus le cas maintenant
11 décembre 2023
Jonathah Ofir est un musicien, chef d’orchestre, installé au Danemark. Né dans l’entité sioniste, il n’en est pas moins un militant pro-palestinien qui condamne les crimes commis par la Haganah à Gaza et plus généralement en Palestine.
Ici il nous livre un article dans lequel il déclare se résoudre à endosser l’expression «judéo-nazi» forgée par Yeshayahou Leibowitz, un professeur polygraphe, à la fois éminent scientifique et philosophe (Leibowitz n’en restait pas moins sioniste).
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Avant, je pensais que le terme « judéo-nazis » utilisé par Yeshayahu Leibowitz était trop fort pour décrire Israël. Mais aujourd’hui, je pense différemment.
Par Jonathan Ofir (revue de presse : Mondoweiss (USA) – 8 décembre 2023)*
Traduit de l’anglais par Djazaïri
Le regretté professeur Yeshayahu Leibowitz avait utilisé le terme « judéo-nazis » à la fin des années 1980 en faisant référence à l’ancien juge de la Cour suprême Meir Landau, qui a effectivement légalisé la torture, avec cette expression. Il avait présenté ses arguments avec force : « L’État d’Israël représente ce qu’il y a de plus obscur comme appareil d’État, dans lequel une créature de forme humaine, qui était président de la Cour suprême, décide que le recours à la torture est autorisé dans l’intérêt de l’État. »
Je l’avait pris comme une sorte d’exagération moraliste. C’était mal – les Palestiniens étaient systématiquement torturés, mais d’une manière ou d’une autre, je pensais que nous n’étions pas aussi génocidaires que des Nazis.
Mais aujourd’hui, j’ai un sentiment différent. Hier, le maire adjoint de Jérusalem, Arieh King, a tweeté une photo de plus d’une centaine de Palestiniens nus qui ont été enlevés par l’armée israélienne à Gaza, menottés et assis dans le sable, sous la surveillance de soldats israéliens. King a écrit que « Tsahal est en train d’exterminer les musulmans nazis à Gaza » et que « nous devons accélérer le rythme ». « Si cela ne tenait qu’à moi », a-t-il ajouté, «j’apporterais quatre D9 [bulldozers], je les placerais derrière les collines sablonneuses et je donnerais l’ordre d’enterrer vivants toutes ces centaines de nazis. Ce ne sont pas des êtres humains, ni même des animaux humains, ce sont des sous-humains et c’est ainsi qu’ils devraient être traités », a déclaré King. Il a terminé en répétant la référence biblique de Netanyahou au génocide d’Amalek : « Éradiquez la mémoire d’Amalek, nous n’oublierons pas.
Alors qu’Israël a qualifié cela de « rafle [de membres] du Hamas », les hommes et les enfants sur ces photos, parfois âgés d’à peine 13 ans, sont des médecins, des journalistes, des commerçants et d’autres civils qui avaient trouvé refuge dans les écoles de l’UNRWA à Beit Lahia. Ils ont été arbitrairement enlevés et séparés de leurs familles.
Le tweet de King avait été republié par Middle East Monitor et était apparemment un peu trop outrancier pour X, car il semble avoir été supprimé par la plate-forme. Mais ne vous inquiétez pas : ce matin, King a encore tweeté avec la même photo et d’autres (de garçons et d’hommes palestiniens nus dans des camions), cette fois en ouvrant son message par une citation biblique faisant référence à Amalek, peut-être pour contrer les algorithmes. Il a cité Deutéronome 25, 19 :
«Quand l’Éternel, ton Dieu, te donnera du repos contre tous les ennemis qui t’entourent, dans le pays qu’il te donne en héritage, tu effaceras de dessous les cieux le nom d’Amalek. N’oublie pas! »
Mais King a jugé nécessaire de souligner la pertinence actuelle de ce passage, de peur que cela ne soit trop vague :
« Les centaines de fils d’Amalek, de musulmans nazis, quel devrait être leur jugement, à votre avis ?
Il est donc clair que nous sommes réellement à l’époque nazie, et cela évoque réellement l’Holocauste. Cette rhétorique et ces actes sont désormais partout. Aujourd’hui, le journaliste et animateur Yinon Magal (ancien député du parti HaBayit HaYehudi de Naftali Bennett et animateur d’une émission de radio avec Ben Caspit sur la radio centriste Maariv 103FM) a tweeté la même photo avec un écran partagé montrant une photo de 1967 de prisonniers palestiniens (habillés, signalons-le) et écrit que « l’histoire se répète ». Il aurait tout aussi bien pu utiliser une photo de la Nakba de 1948 ou, d’ailleurs, une photo de l’Holocauste. Magal ne semble tout simplement pas comprendre le paradoxe : l’histoire se répète en effet.
Hier, Magal a tweeté une photo de certains de ces garçons et hommes nus alors qu’ils étaient assis dans la rue rasée de Beit Lahiya et a demandé sérieusement : « pourquoi n’y a-t-il pas de femmes sur la photo».
On a du mal à se figurer le niveau de perversion ici.
Plus tôt dans la journée d’hier, Magal a partagé une vidéo de soldats israéliens à Gaza chantant et dansant, et il a transcrit en les approuvant les paroles de leur chanson génocidaire :
את עזה אני בא לכבוש
ולחיזבאללה נותן בראש
ובמצווה אחת דבק
למחות את זרע עמלק
את הבית השארתי מאחור
ועד הניצחון אנ’לא אחזור
את הססמה שלנו מכירים
אין בלתי מעורבים pic.twitter.com/5lkbxYeufb
— ינון מגל (@YinonMagal) December 7, 2023
« Je suis venu conquérir Gaza
et frapper le Hezbollah à la tête
et n’adhérer qu’à une seule mitsva [acte]
Pour éradiquer la semence d’Amalek
J’ai laissé ma maison derrière moi
Et je ne reviendrai pas tant que la victoire [ne sera pas obtenue]
Tout le monde connaît notre slogan
Il y a pas de non impliqué » [il n’y a pas d’innocents, NdT]
Ce ne sont pas seulement les chants de quelques gamins sur les collines. Ce sont des soldats à Gaza – les mêmes soldats qui perpètrent cet horrible génocide sous nos yeux. Ceux qui les encouragent en termes explicitement génocidaires ne sont pas non plus réduits simplement à des fanatiques d’extrême droite ; cet état d’esprit est partout.
Je parle à des camarades militants qui ont vraiment du mal à faire face à cette situation. Nous pouvons difficilement regarder les horreurs et le nombre croissant de morts – alors que les responsables américains affirment que l’offensive israélienne pourrait se poursuivre sous sa forme actuelle jusqu’à la fin janvier, puis se poursuivre avec une « stratégie hyper-localisée de moindre intensité ».
Comment diable ce génocide peut-il continuer sous les yeux du monde entier, nous demandons-nous ? Eh bien, la réponse semble être que cela continue précisément parce que le monde entier a choisi de le regarder plutôt que de l’arrêter. C’est notre responsabilité à tous.
*Source : Mondoweiss