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22 décembre 2024

Palestine : L’Européen Borrell emboite le pas à l’Américain Blinken au Proche-Orient


Publié par: M. K. BHADRAKUMARle: 13 janvier, 2024Dans: A La Une, ACCEUIL, Actualité, Actualité Afrique, Actualité_Ameriques, Actualité_Maghreb, Actualité_Moyen_Orient, Géopolitique Imprimer Email

Image vidéo d’un missile guidé antichar du Hezbollah frappant un dôme radar sur la base aérienne israélienne du Mont Meron, 6 janvier 2024.

L’arène diplomatique du Moyen-Orient a été dominée la semaine dernière par la tournée régionale du secrétaire d’État américain Antony Blinken en Turquie, en Jordanie, au Qatar, aux Émirats arabes unis, en Arabie saoudite, en Israël, en Cisjordanie et en Égypte. Il s’agissait d’une tournée de présentation visant à rallier les dirigeants des pays arabes derrière les États-Unis, mais elle a culminé avec une rencontre acrimonieuse en Cisjordanie entre Blinken et le président palestinien Mahmoud Abbas, entachée de « querelles et de disputes », selon Sky News Arabia.

PAR M. K. BHADRAKUMAR

La région est saisie par l’angoisse qu’Israël puisse provoquer une extension fatale du conflit dans la bande de Gaza au Liban et à l’Iran après l’assassinat d’un certain nombre de personnalités militaires de haut rang du Hamas et du Hezbollah ces derniers jours, qui a coïncidé avec la présence de Blinken dans la région et souligné le dédain de Tel-Aviv pour les subtilités diplomatiques. Deux vidéos en provenance de Cisjordanie montrent des troupes israéliennes tirant sur un jeune homme de 17 ans et écrasant à plusieurs reprises le cadavre d’un homme qu’elles avaient abattu vendredi dernier.

Les États-Unis craignent l’extension du conflit au Moyen-Orient. Pourtant, M. Blinken s’est heurté à la contradiction suivante : la rhétorique du soutien continu de Washington à l’opération israélienne est en contradiction flagrante avec les propos tenus la semaine dernière par le président Joe Biden, selon lesquels il travaillait « discrètement » avec le gouvernement israélien « pour l’amener à réduire considérablement sa présence et à se retirer en grande partie de la bande de Gaza ».

Blinken a affirmé que « les pays (arabes) ont convenu de travailler ensemble pour aider la bande de Gaza à se stabiliser, tracer une voie politique pour les Palestiniens et œuvrer en faveur de la paix, de la sécurité et de la stabilité à long terme dans la région ». Dans le même temps, il a admis que pour ce faire, il est nécessaire de mettre fin au conflit à Gaza et d’identifier une voie concrète vers la création d’un État palestinien. M. Blinken a souligné que les pays de la région sont toujours intéressés par une normalisation des relations avec Israël, mais uniquement à condition que le conflit israélo-palestinien soit réglé. On peut penser qu’il s’agit là des premiers signes de l’émergence d’une feuille de route.
L’assassinat de hauts responsables du Hamas et du Hezbollah indique qu’Israël ne fait pas de progrès significatifs sur le champ de bataille et que les dirigeants sont contraints de rassembler des « trophées » et de revendiquer la « victoire ». Dans une guerre hybride, ces assassinats n’affaibliront pas de manière significative le mouvement de résistance. Un dirigeant efficace a été nommé du jour au lendemain à la tête de la Force Qods du CGRI lorsque le légendaire général iranien Qassem Soleimani a été assassiné en 2020. Cela dit, la probabilité d’un conflit direct entre Israël et le Hezbollah ne doit pas être surestimée, car ce dernier est bien conscient qu’un déclenchement des hostilités est précisément ce qui arrange Tel-Aviv. L’Iran mesure également le calcul d’Israël pour entraîner les États-Unis dans la guerre. Selon certaines informations, l’Iran a fourni des missiles de croisière au Hezbollah.

Dans ce contexte tumultueux, le responsable de la politique étrangère de l’Union européenne, Josep Borrell, s’est rendu dans la région en même temps que M. Blinken, dans le cadre d’une chorégraphie soigneusement orchestrée.

Les destinations de M. Borrell étaient le Liban et l’Arabie saoudite. L’UE a annoncé que la mission de M. Borrell « sera l’occasion de discuter de tous les aspects de la situation à l’intérieur et autour de Gaza, y compris son impact sur la région, en particulier la situation à la frontière israélo-libanaise, ainsi que de l’importance d’éviter une escalade régionale et de maintenir le flux de l’aide humanitaire aux civils ».

S’adressant aux médias à Beyrouth, M. Borrell a vivement critiqué la guerre menée par Israël à Gaza et a appelé à une pause « qui pourrait devenir permanente ». Il a également déclaré : « Il est impératif d’éviter une escalade régionale.I l est absolument nécessaire d’éviter que le Liban ne soit entraîné dans un conflit régional ». M. Borrell a estimé que sa mission consistait à faire le point sur la situation et à « contribuer à une sortie de crise ».

Borrell a rencontré le chef de mission et commandant de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL), le général Aroldo Lazaro, un compatriote espagnol. En effet, il a été question de déployer une force de maintien de la paix à la frontière nord d’Israël avec le Liban.
Entre-temps, Al Jazeera a rapporté, en citant une source gouvernementale à Beyrouth, que M. Borrell avait également eu une réunion non annoncée avec une délégation du Hezbollah dirigée par Mohammad Raad, membre de l’assemblée législative libanaise. On peut imaginer qu’il s’agissait là d’un élément clé de son itinéraire à Beyrouth.

Alors que les États-Unis et plusieurs pays européens, dont l’Allemagne, le Royaume-Uni, la République tchèque et l’Autriche, considèrent le Hezbollah comme une organisation terroriste, l’UE s’est contentée d’ajouter la « branche militaire » du Hezbollah à sa liste de terroristes, laissant la porte ouverte à une interaction avec les dirigeants politiques du mouvement en cas de besoin. Cette décision a été prise à la suite de l’attentat suicide que le groupe aurait commis en 2012 dans un bus à Burgas, en Bulgarie, et qui a coûté la vie à cinq touristes israéliens et à un chauffeur bulgare. Lors d’un débat sur la situation de crise au Liban en juillet dernier, le Parlement européen a, pour la première fois, adopté une résolution appelant l’UE à ajouter l’ensemble du Hezbollah à sa liste d’organisations terroristes interdites, mais cette résolution n’a pas encore été suivie d’effet.

La rencontre de M. Borrell avec la délégation du Hezbollah n’aurait pu se faire qu’au su de l’administration Biden – elle pourrait même constituer un leitmotiv pensable (et actionnable) du voyage de M. Borrell au Liban. La BBC a également fait état, il y a une semaine, de contacts secrets entre Israël et le Hezbollah.

Quoi qu’il en soit, par coïncidence, M. Borrell se trouvait en Arabie saoudite lorsque M. Blinken y est arrivé, et ils se sont rencontrés. Plus tard, dans une déclaration préparée à l’intention des médias après des entretiens en Arabie saoudite avec le ministre des affaires étrangères, le prince Faisal, M. Borrell a également adopté une position nuancée à l’égard du Hamas, en déclarant : « Et maintenant, nous devons mettre un terme au massacre de civils à Gaza. Nous devons mettre un terme à ce grand nombre de victimes. Le Hamas doit être éradiqué. Mais le Hamas est une idée, il représente une idée, et on ne peut pas tuer une idée. La seule façon de tuer une idée – une mauvaise idée – est d’en proposer une meilleure, de donner un horizon au peuple palestinien, à sa dignité, à sa liberté, à sa sécurité, qui doit aller de pair avec la sécurité d’Israël ».

De toute évidence, M. Borrell s’est efforcé de briser la glace en s’engageant auprès du Hezbollah. Étant donné que l’UE est le partenaire junior des États-Unis sur les grandes questions internationales, la mission de M. Borrell peut être considérée comme une mission de fond visant à ouvrir une voie diplomatique pour apaiser les tensions à la frontière israélo-libanaise.

De même, M. Borrell et le prince Fayçal ont relancé l’initiative dite « Journée de la paix » lancée en septembre dernier par l’UE, l’Arabie saoudite, la Ligue des États arabes, l’Égypte et la Jordanie afin de « revigorer le processus de paix au Moyen-Orient ».

Une déclaration commune publiée à l’époque en marge de la 78e session de l’Assemblée générale des Nations unies, en présence de près de cinquante ministres des affaires étrangères du monde entier, visait à « produire un « paquet de soutien à la paix » qui maximisera les dividendes de la paix pour les Palestiniens et les Israéliens une fois qu’ils auront conclu un accord de paix, […] incitant ainsi à des efforts sincères pour y parvenir ».

En tant que responsable de la politique étrangère de l’UE, M. Borrell a su naviguer entre les turbulences internationales et les divisions au sein du bloc des 27 membres pour rendre l’Europe plus unie et en faire un poids lourd diplomatique, mais avec un succès mitigé. Bien sûr, l’Ukraine a gâché la fête. La Palestine pourrait bien être la dernière valse de M. Borrell. Le mandat de cinq ans de M. Borrell à Bruxelles s’achève en décembre.

PAR M. K. BHADRAKUMAR

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