Le sionisme comme nationalisme extrême
4 mars 2015
24 juillet 2014
Relatant une manifestation de soutien aux Palestiniens qui a eu lieu à Roubaix le 19 juillet, un journaliste de Nord Eclair, Bruno Renoul, s’est offusqué de voir une banderole présentant un drapeau israélien sur lequel l’étoile de David avait été remplacée par une croix gammée. Ce journaliste explique que l’Etat d’Israël n’est pas un Etat totalitaire et qu’on ne saurait le comparer à l’Etat nazi. Et pour conforter son raisonnement, il ajoute que comparer l’Etat d’Israël au Troisième Reich est « injurieux pour les victimes du nazisme dont les Juifs ont été les cibles principales ».
Disons d’abord un premier contresens, l’Etat d’Israël serait donc l’Etat des Juifs, ce qui conduit à considérer toute critique de la politique de cet Etat comme une forme d’antisémitisme, argument malheureusement trop courant. Mais ce qui importe, plus important qu’une équation lapidaire « sionisme = nazisme », c’est de chercher ce qui est commun à ces deux idéologies qui toutes deux s’appuient sur la notion d’Etat-Nation telle qu’elle a été théorisée par Herder au tournant des XVIIIe-XIXe siècle et qu’elle s’est développée en Europe. La notion d’Etat-Nation peut conduire à un nationalisme extrême exclusif que l’on retrouve dans le fascisme italien, le nazisme allemand et aujourd’hui le sionisme israélien.
La question est moins d’identifier ces idéologies que de comprendre ce qu’elles ont de commun, ce commun se définissant, en ce qui concerne le nazisme et le sionisme, par la pureté ethnique, le terme « ethnique » restant suffisamment ambigu pour prêter à toutes les interprétations. Le nazisme voulait un Etat purement aryen et pour cela voulait vider l’Allemagne de tous ses éléments non aryens dont les Juifs. Le sionisme, quant à lui, veut construire un Etat juif, moins au sens religieux que dans un sens ethnique mal défini, et pour cela veut vider l’Etat d’Israël de tous ses éléments non juifs. Cette volonté de pureté ethnique est l’un des points communs aux deux idéologies nazie et sioniste et je ne vois pas au nom de quoi il serait interdit de le dire.
Affirmer que l’on ne peut comparer le nazisme et le sionisme sous prétexte que les Juifs ont été victimes du nazisme s’appuie d’abord sur un premier contresens qui fait du sionisme, non une idéologie juive, ce qu’elle est effectivement puisque inventée par des Juifs, mais l’idéologie des Juifs, de tous les Juifs, ensuite sur une incompréhension du sionisme, idéologie européenne construite par des Juifs européens, qui ont cru trouver dans la construction d’un Etat juif la solution à l’antisémitisme européen. Malheureusement, en voulant construire cet Etat dans un pays peuplé, la Palestine, ils ont transformé une idéologie qu’il voulait libératrice en mouvement de conquête et c’est cela qui fait du sionisme un nationalisme extrême au même titre que le nazisme.
C’est ce nationalisme extrême qui conduit aujourd’hui la politique israélienne à chercher à éradiquer la terre d’Israël de toute présence non juive, que ce soit sous la forme militaire brutale telle l’agression contre Gaza ou, il y a quelques années, la répression des Intifadas, que ce soit sous la forme de l’occupation ou que ce soit sous la forme de ce qu’on appelle les colonies, lesquelles ne sont qu’une façon d’abord de débarrasser la terre de ses habitants palestiniens ensuite de l’annexer pour en faire une terre israélienne.
J’ajouterai un point qui est loin d’être anecdotique sur les ressemblances entre le sionisme et le nazisme. Hitler a cru trouver dans un symbole venu d’Asie, la staviska, un symbole de la pureté aryenne ; une façon de confisquer un symbole qui n’a rien à voir avec le nazisme ; ainsi on trouve des croix gammée dans des pagodes bouddhistes. La façon dont le sionisme utilise l’étoile de David, y compris pour le drapeau israélien, est plus pernicieuse. L’étoile de David est un vieux symbole juif qui n’a rien à voir avec le sionisme. En confisquant ce symbole à son profit, le sionisme se présente comme le représentant exclusif des Juifs et amène ainsi à considérer à tort l’étoile de David comme un symbole israélien. On comprend alors que l’étoile de David puisse devenir un objet de répulsion comme la staviska a pu devenir un objet de répulsion. Ce qui est choquant, c’est alors moins la répulsion devant un objet détourné de sa signification première que l’usage qui en est fait par des idéologies meurtrières.
On pourrait dire la même chose du nom même de l’Etat qui s’appelle Israël. Le nom « Israël » représente une longue histoire et c’est cette histoire que le sionisme a voulu confisquer. Lorsque j’entends le slogan « Israël assassin », je suis choqué moins par le fait que l’on puisse crier un tel slogan mais par la façon dont une idéologie nationaliste extrême a conduit à ne voir Israël qu’à travers l’Etat d’Israël et son idéologie fondatrice, le sionisme.
Rudolf Bkouche membre de l’Union Juive Française pour la Paix
Source : Investig’Action