« Retourne dans ton pays »: mais que fuient les demandeurs d’asile?
23 avril 2015
Nous, Européens avons allumé des brasiers en Irak, Libye, en Syrie , au Mali. Nous nous devons de d’éteindre l’incendie en accueillant tous ces réfugiés
ginette
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« Retourne dans ton pays »: mais que fuient les demandeurs d’asile?
MONDE | Mis à jour le mercredi 22 avril 2015
Ils débarquent par milliers en Italie, en Grèce, en Espagne, parfois ils se noient en Méditerranée, en essayant de trouver une vie meilleure. Certains arrivent jusqu’en Belgique. Mais que fuient-ils ? Et aussi
10 975 premières demandes d’asile ont été introduites en Belgique l’année dernière, en 2014. Ces migrants cherchent une protection dans notre pays. Voici une présentation non-exhaustive de la situation dans les pays du top 5 des premières demandes d’asile en Belgique en 2014.
1. Syrie
La Belgique a reçu en 2014 1786 demandes d’asile de Syriens. Il y a ceux qui arrivent dans notre pays par leurs propres moyens, souvent des familles aisées, mais il y a également ceux aidés plus proactivement.
En effet, les premiers pays qui accueillent les réfugiés ne sont pas toujours en mesure de tous les protéger. Il faut donc les déplacer vers d’autres pays. La Belgique s’était engagée à accueillir 75 réfugiés en 2014, mais seuls 22 sont arrivés en date du 4 décembre, selon Amnesty. En 2015, l’engagement de notre gouvernement est d’accueillir 225 réfugiés syriens. Theo Francken, secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration, N-VA, a affirmé que la Belgique pourrait peut-être faire plus. En Allemagne, le quota est de 30 000…
Le conflit meurtrier en Syrie dure depuis quatre ans. Au début, il s’agissait d’une insurrection d’opposants contre le régime de Bachar Al-Assad. Mais l’Etat islamique a profité du conflit pour prendre des territoires et y commettre des atrocités, atrocités qui s’ajoutent à celles commises par le régime.
Le conflit a déjà fait plus de 210 000 morts. Quatre millions de Syriens ont fui le pays. 1,62 million sont en Turquie, 235 000 en Irak, 636 000 en Jordanie, 140 000 en Egypte et 1,2 millions au Liban. Ces pays sont submergés et les réfugiés y vivent dans des conditions très difficiles.
A l’intérieur-même de la Syrie, six millions de personnes ont quitté leur foyer.
2. Irak
La Belgique a reçu 792 demandes d’asile d’Irakiens en 2014.
L’Irak a connu de nombreuses vagues d’immigration depuis la fin des années 70. Des Irakiens poussés à l’exil par la guerre avec l’Iran dans les années 80, la Guerre du Golfe dans les années 90, les violences entre communautés, et l’invasion du pays par les Etats-Unis en 2003.
Depuis quelques mois, l’intensification de l’action de l’Etat islamique et les combats menés par l’armée irakienne et la coalition internationale contre ce groupe terroriste ont de nouveau poussé deux millions d’Irakiens sur les routes. « Les combattants de l’EI ont commis de très nombreux crimes de guerre, notamment le nettoyage ethnique des membres de minorités ethniques et religieuses par une campagne d’assassinats massifs des hommes et d’enlèvements et de sévices sexuels, entre autres, infligés aux femmes et aux filles », rapporte Amnesty International. « Les forces gouvernementales ont procédé à des tirs d’artillerie et des bombardements sans discrimination dans les zones contrôlées par l’EI, et les milices chiites soutenues par le pouvoir ont enlevé et exécuté de très nombreux hommes sunnites dans les régions sous contrôle gouvernemental« .
Le conflit a coûté la vie à 10 000 civils, rien qu’entre janvier et octobre 2014.
Cette situation a provoqué une crise humanitaire, exacerbée par l’afflux massif de réfugiés fuyant la guerre en Syrie.
En outre, Amnesty dénonce la détention de milliers de personnes, sans procès, la torture, les mauvais traitements et les procès inéquitables.
3. Erythrée
La Belgique a reçu 694 demandes d’asile d’Erythréens en 2014.
Ce petit pays de 5 millions d’habitants est « la dictature la plus sanglante de l’Afrique », selon le journaliste et écrivain Léonard Vincent, interviewé par Le Nouvel Obs en 2012. Toute une population sous le joug d’Issayas Afeworki depuis l’indépendance de l’Ethiopie en 1993.
Il détaille: « Le service militaire est obligatoire pour tous les jeunes, garçons et filles : enrôlés à l’âge de 17 ans jusqu’à… la quarantaine ! D’abord, dix-huit mois de camp disciplinaire, avec viols des jeunes femmes, brutalités des supérieurs, cachot et torture comme sanctions. (…) Il existe 314 camps de détention dans le pays. (…) On pratique la technique de l’hélicoptère: le prisonnier, suspendu pieds et mains au plafond, tourne, les autres frappent : ‘Avoue !‘ »
Selon Amnesty, des milliers de prisonniers politiques sont détenus dans des conditions très difficiles. Aucun parti d’opposition, organisation civile ou média indépendant n’est autorisé.
3000 personnes fuient le pays chaque mois.
4. Afghanistan
648 demandes d’asile d’Afghans ont été introduites en Belgique en 2014.
En 2013, un jeune Afghan débouté de sa demande d’asile avait été rapatrié dans son pays et tué par balles. Il provenait d’une région considérée comme sûre par les autorités belges.
L’Afghanistan a une histoire mouvementée, faite de conflits. En 2001, les Etats-Unis et l’Otan lancent une offensive contre les talibans, des islamistes, qui ont pris le pouvoir depuis 1997. Les talibans ont été chassés du pouvoir mais l’Afghanistan reste très instable et est secouée par des attentats très régulièrement. Selon le rapport 2014 d’Amnesty, « la Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA) a signalé que le nombre de victimes parmi les civils qui ne participaient pas aux combats avait atteint un niveau sans précédent. Plus de 74% des pertes civiles ont été attribuées aux talibans et aux autres groupes armés, et 9% aux forces progouvernementales (dont les forces internationales, pour 1%, NDLR) ».
La situation des femmes est problématique.
Et, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, cité par Amnesty, « les Afghans constituaient toujours la plus forte population de réfugiés dans le monde. En Iran et au Pakistan, 2,7 millions d’Afghans étaient enregistrés comme réfugiés. En mars, le HCR recensait 659 961 Afghans déplacés à l’intérieur de leur propre pays à cause du conflit armé, de la dégradation de la situation sécuritaire et des catastrophes naturelles« .
Selon le PAM, des millions d’Afghans vivent dans une pauvreté sévère. Plus d’un enfant sur deux de moins de cinq ans souffre de malnutrition.
5. République démocratique du Congo
524 demandes d’asile ont été introduites par des Congolais en 2014 en Belgique.
Malgré que l’armée congolaise, aidée par la Monusco, soit venue à bout du groupe armé M23 qui semait la terreur dans l’est du pays, les conflit continue dans cette région du pays, d’autres groupes armés étant toujours actifs. « Les groupes armés ont été responsables d’atrocités contre la population civile dans l’est du pays, en particulier en Ituri, dans le nord du Katanga et dans les deux provinces du Kivu. Parmi les exactions perpétrées, caractérisées par une violence extrême et motivées pour certaines par des considérations ethniques, figuraient des homicides, des exécutions sommaires, l’enrôlement forcé d’enfants, des viols et d’autres violences sexuelles, des pillages de grande ampleur, des incendies d’habitations et des destructions de biens« , note Amnesty dans son rapport 2014.
« Le viol et les autres formes de violences sexuelles à l’égard des femmes et des filles demeuraient monnaie courante dans les zones de conflit, mais aussi dans d’autres régions du pays non touchées par les hostilités armées. Ces actes étaient imputables aux groupes armés, à des membres des forces de sécurité et à des civils non armés, qui jouissaient d’une impunité quasi totale« .
Ailleurs dans le pays, la liberté d’expression est fortement restreinte, note également Amnesty. « Les militants des droits de l’homme et les syndicalistes demeurent en butte à des menaces, des actes d’intimidation et des arrestations de la part des services de sécurité gouvernementaux comme des groupes armés« .
« À Kinshasa, la capitale, et ailleurs, les autorités gouvernementales ont tenté de réduire les voix critiques au silence, en recourant aux menaces, aux violences et aux arrestations arbitraires à l’encontre de militants des droits humains, de journalistes et de dirigeants et sympathisants des partis politiques d’opposition« , note Human Right Watch.
J.C.
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