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23 novembre 2024

Pour vendre des armes, il faut provoquer et entretenir des guerres !


 Pour vendre des armes, il faut provoquer et entretenir des guerres !

Avec Marx

05 mai 2015

« En matière de ventes d’arme à des pays dangereux, écrit Pascal Riché,  la France, il est vrai, suit une longue tradition, dans l’indifférence de son opinion.  Parmi ses clients, on a compté des pays qui traversent des conflits comme la Colombie, Israël ou le Tchad. Elle a également vendu des munitions à la Syrie, on sait quel est leur usage aujourd’hui ; elle a vendu des missiles antichars Milan et des réseaux de télécommunication au régime libyen du colonel Kadhafi. Est-on fier de ce qui en a été fait ? Ces marchés militaires nourrissent un système industrialo-militaire opaque, qui repose sur les commissions occultes gigantesques. Des élites corrompues, dans le monde entier, se sont engraissées grâce à ces ventes, dans des pays où la pauvreté est endémique. Comment peut-on se réjouir de participer à un tel système ? »

Peut-être, effectivement, faudrait-il engager ce débat-là !

Michel Peyret


Vente de Rafale à l’Egypte : les cocoricos déplacés

Pascal Riché

Par Pascal Riché

Publié le 13-02-2015

Vendre des avions de guerre à une dictature au Moyen-Orient n’est pas responsable et ne contribuera pas à la stabilité régionale.

Un avion rafale sur le porte-avions Charles de Gaulle. (Sipa)

Les cocoricos fusent pour célébrer la prouesse de la société Dassault : enfin le Rafale a trouvé preneur. L’Egypte serait prête à en acheter un bon paquet : 24. « Une autre bonne nouvelle » nous dit Europe 1. On vante partout le « fleuron » (en fait, un énorme fiasco industriel)  qui, « de l’Afghanistan à l’Irak, a fait ses preuves » (dixit « Le Figaro », journal de l’industriel qui produit le « fleuron », Dassault).

Des diplomates, de leur côté, tweetent les bienfaits de cette vente pour la stabilité dans la région… oubliant qu’ils condamnaient il y a quelques mois encore les violations répétées des droits de l’homme en Egypte.

Eh bien non, cette vente n’est pas une « bonne nouvelle ».

Le Rafale n’est pas un TGV : c’est un avion de combat, capable de mener simultanément des bombardements et des batailles aériennes.

L’Egypte n’est pas une démocratie inspirée des préceptes de Montesquieu ou de Jefferson : c’est un régime autoritaire, dirigé par un militaire, issu d’un coup d’Etat. Le général Sissi n’a de tendre que la consonance de son nom : il n’hésite pas à faire tirer sur des manifestants s’il juge que la « stabilité » est en jeu.

Le Moyen-Orient n’est pas la Scandinavie : la France se grandirait à cesser d’alimenter en armes les régions les plus instables. Qui peut dire aujourd’hui ce que sera l’Egypte dans 1 an, 10 ans, 50 ans ? Ces armes n’ont pas de date de péremption…

Mais les responsables français (et la plupart des médias) évitent cette discussion-là. En matière de ventes d’arme à des pays dangereux, la France, il est vrai, suit une longue tradition, dans l’indifférence de son opinion.  Parmi ses clients, on a compté des pays qui traversent des conflits comme la Colombie, Israël ou le Tchad. Elle a également vendu des munitions à la Syrie, on sait quel est leur usage aujourd’hui ; elle a vendu des missiles antichars Milan et des réseaux de télécommunication au régime libyen du colonel Kadhafi. Est-on fier de ce qui en a été fait ?

Des emplois, mais à quel prix ?

Ces marchés militaires nourrissent un système industrialo-militaire opaque, qui repose sur les commissions occultes gigantesques. Des élites corrompues, dans le monde entier, se sont engraissées grâce à ces ventes, dans des pays où la pauvreté est endémique. Comment peut-on se réjouir de participer à un tel système ? 

Mettre un terme à ces ventes d’armes coûterait cher en emplois, c’est certain. Le contrat égyptien en représente 7.000. Et si l’on prend l’ensemble de l’industrie de la défense (165.000 emplois directs et autant d’emplois indirects), c’est probablement plus de 100.000 personnes qui vivent de ces exportations. 

Mais le système des exportations d’armement n’a pas, sur le plan économique,  que des vertus : que pèse ainsi le contrat égyptien face à l’immense gaspillage qu’a représenté le programme du Rafale, soutenu à bout de bras par l’Etat, et donc le contribuable ? Que la Cour des comptes se plonge enfin dans le dossier Dassault Industrie : elle n’y trouverait pas que des « bonnes nouvelles » pour l’économie !

Ajoutons à cela que ces contrats à l’exportation sont financés par la France, et que ces crédits sont garantis par la Coface. Les fameux Mistral promis aux Russes, s’ils restent bloqués comme c’est le cas aujourd’hui, seront à la charge du contribuable…

Ajoutons encore que ces contrats à l’exportation ont toujours des contreparties cachées, qui sont autant de coûts pour la France, que ce soit en termes politiques (pourquoi le gouvernement français a cessé de condamner les violations des droits de l’homme en Egypte ?) ou en termes industriels et de sécurité (qu’a-t-on promis à l’Inde, en terme de transferts de technologie, en échange des 126 Rafale ?).

L’argument de l’emploi ne devrait pas nous interdire de penser à une reconversion du secteur. Celle-ci prendra du temps, mais il faut l’engager. Suggérons un premier pas : la France s’interdirait officiellement de vendre des armes à des pays impliqués dans des conflits armés ou dans des violations des droits humains.

 Pascal Riché

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