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22 novembre 2024

Le président mauritanien Aziz s’en prend au site Mondafrique


 Le président mauritanien Aziz s’en prend au site Mondafrique

Face à la presse mauritanienne réunie le 5 mai, le président mauritanien Aziz s’en est pris au site « Mondafrique », à son directeur, Nicolas Beau et au livre que ce dernier a écrit en 2013 « Papa Hollande au Mali ». Voici la réponse de la rédaction de Mondafrique.

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Crédit photo: Tous droits réservés d.r.

 

Du grand classique! Déja quand un autre général, le président tunisien Zine Ben Ali, était à la belle époque de la dictature affaibli par la crise économique ou attaqué par des opposants pour corruption, il ne manquait pas, en jouant sur la fibre nationaliste, de s’en prendre à la presse internationale. Sans grande créativité, le président mauritanien, le général Aziz, joue la même carte.

Le fantome du « Ghana Gate »

Aujourd’hui, les preuves se multiplient sur la participation du général président au scandale du « Ghana Gate ». Depuis des années, la presse mauritanienne avait révélé courageusement les écoutes, où l’on entend une voix proche de celle du président Aziz, alors chef de la garde présidentielle, évoquer au téléphone en 2005 la remise de faux dollars avec un corespondant en Guinée. Mais traditionnellement, Aziz protestait de son innocence: un faux grotesque, tonnait-il! Et une voix qui n’était pas la mienne!

Or dans « le Monde Afrique » du 24 avril, l’édition africaine du quotidien français le « Monde », le journaliste et spécialiste de l’Afrique, Thomas Hofnung, révèle que l’ONG Sherpa, animée par maitre William Bourdon, connu pour avoir dénoncé, entre autres, les biens mal acquis en Afrique et le travail forcé des salariés de Vinci au Qatar, a fait expertiser les fameuses écoutes par un expert judiciaire assermenté. Il s’agit bel et bien de la voix du président Aziz.

Voici l’article du Monde : « En Mauritanie, l’opposition tire à boulets rouges sur le pouvoir »

Que faire face à ces preuves irréfutables?  Le président mauritanien, dans sa conférence de presse, n’a plus nié l’existence de ces écoutes, ni même qu’il était bien un des deux interlocuteurs de cette conversation étrange. Pour se désouaner,  le chef de l’Etat s’est lancé dans des explications rocambolesques.

« C’est une affaire de gadget ou de la fourberie, a expliqué Aziz. Une personne m’avait appelé en 2005, un Arabe. Il dit qu’il est qu’il est officier Iraquien. Son père a des problèmes. Lui est au  Ghana. Il veut venir en Mauritanie, car il a des petits enfants et ne veut les éduquer que dans un pays islamique comme la Mauritanie. C’est ça la cause. Il dit qu’il a un budget  et il veut investir. C’était une arnaque. Ce n’est la première fois qu’on rencontre ces genre de problèmes de ce pays ou dans le monde. Des gens qui disent qu’ils vont venir. Ils ont tout. Or rien n’existe de se qu’ils disent ».

« Mondafrique », le coupable!

Surtout le président Aziz, pour dénoncer la campagne du Ghana Gate, a préféré s’en prendre à l’Etranger, incarné par le site « Mondafrique ». Voici les propos: « Je le dis, à vous les journalistes, de ne jamais croire à ce que les journaux internationaux  écrivent loin du pays comme le cas de Mondafrique, où travaille le journaliste Nicolas Beau, infésodé à Sherpa ». Pas de chance, le site Mondafrique n’a JAMAIS évoqué cette affaire du « Ghanagate », faute des preuves qui ont été apportées tout récemment par le Monde Afrique (voir l’article plus haut). Le bon général devrait faire appel à de meilleurs communicants.

Pour appuyer sa démonstration, le président mauritanien est revenu que le livre que Nicolas Beau, le rédacteur de chef de Mondafrique, a écrit en 2013: « Papa Hollande au Mali ». Il y est effectivement question du Sahel, du Mali et de la Mauritanie; des travaux effectués par l’ONG Sherpa sur la mauvaise gouvernance du président actuel et de la corruption de son clan (voir l’extrait du livre ci dessous). Et du risque que constituent des régimes illégitimes en matière de terrorisme. « Nicolas Beau, déclare-t-il,  est venu ici envoyé par un homme d’affaire Mauritanien. Le site Mondafrique est acheté. Quelques journalistes Mauritaniens l’aident ici pour récolter des informations ».

Diable! Que des journalistes mauritaniens envoient des papiers, c’est éxact, et nous les remercions. Pour le reste, le site créé par un ancien du Monde, du Canard Enchainé et de Marianne, comme Nicolas Beau, et par des journalistes comme Jacques Marie Bourget, Philippe Duval et d’autres, est totalement indépendant. Sur le plan financier, la rédaction posssède la majorité du capital et accepte l’aide de quelques mécènes, à conditions que leur gestion soit irréprochable et non infestée par l’argent de la corruption et de la drogue. Il en existe!.

Privation de passeport

Rendons grace au président mauritanien pour reconnaitre, dans un sursaut de sincérité, comment son régime traite les journalistes étrangers suspects. « Lorsque Nicolas Beau est venu en Mauritanie, les renseignements généraux «Moukhabarattes en hassanya » se sont jetés sur lui dès son premier jour sur le sol mauritanien… Il a écrit son livre Papa Hollande qui me critique sans me connaitre moi Aziz.. » Il est vrai que dès l’arrivée du journalsite à Nouakchott, Nicolas Beau recevait la visite musclée de quelques policiers en civil qui lui retiraient le passseport ( sans se jeter sur lui pourtant, là le président exagère). Ces fonctionnaires de police lui donnaient l’ordre de rester à l’HoteL Dans un deuxième temps, il sera invoqué un « trafic de passeports » qui rendrait le titre de séjour du journaliste caduc. Finalement, dans leur mansuétude, les policiers d’Aziz rendront le passeport, sans excuses ni autres explications, une douzaine d’heures plus tard, avant de suivre le journalsite dans le moinde déplacement.

Nous serions heureux à Mondafrique si le président Aziz acceptait de répondre à un entretien. Et cela afin d’éviter que dans les prochains livres et articles, « nous ne le critiquions sans le connaitre ». L’année prochaine à Nouakchott?

 

Voici un extrait du livre: 

MAIN BASSE SUR NOUAKCHOTT

our qui emprunte « la route de l’espoir » à la sortie de Nouakchott, l’état de misère dans laquelle vit la majorité des Mauritaniens devient instantanément une évidence. Goudronné après l’indépendance par le premier président Moktar Ould Daddah, cet axe permet de gagner les 1 200 kilomètres de frontière que la Mauritanie possède avec le Mali. Des deux côtés de la route, d’innombrables barrages policiers ont été installés pour tenter d’interpeller d’éventuels terroristes. De vastes dunes désertiques sont balayées par des vents de sable qui ignorent les quelques groupes de maigres prosopis plantés pour retenir le sol. À perte de vue se succèdent des baraquements en tôle, sans eau ni électricité, où vivent surtout des femmes et d’innombrables. Sur le bas-côté, le dépôt de nourriture d’une ONG est fermé depuis des mois, en raison de la distribution d’un maïs frelaté par des inter- médiaires douteux. Quelques écoles coraniques, financées par les pays du Golfe, apparaissent flambant neuves. Plus loin, surgissent de nulle part de superbes villas qui appartiennent à sept frères qui se sont lancés dans le commerce de diamants avec le Congo. À moins qu’ils n’aient fait fortune, murmure-t-on, dans le trafic de stupéfiants, à l’origine, en Mauritanie comme ailleurs dans le Sahel, de fortunes aussi rapides qu’inexpliquées.

Dans le petit local de trois pièces que loue son association dans un quartier populaire de Nouakchott, la présidente de l’Association mauritanienne des droits de l’homme (AMDH), maître Fatimata Mbaye, dresse un tableau alarmant de l’état de décomposition de la société mauritanienne. « La Mauritanie, explique-t-elle, présente un visage pacifique, voire nonchalant. Mais il ne faut pas s’y tromper. La situation est bouillonnante et un jour, ce sera pire que chez nos voisins maliens ou sénégalais. Nous avons entrepris une course dangereuse sur un toit glissant. Le parti islamiste a infiltré de manière horizontale toutes les sphères de la société. Si nous allons vers des élections vraiment libres et transparentes, les Frères musulmans seront présents au moins au deuxième tour. Il suffit d’un rien pour que nous basculions dans une situation à l’égyptienne ou à la libyenne. » La nébuleuse d’al-Qaida aurait déjà infiltré un bon nombre de mosquées. « La misère est telle, poursuit-elle, que pour 1 000 dollars, un jeune est capable de tuer son père et sa mère. » Sans se départir de son sourire, maître Fatimata Mbaye dénonce les agissements du président maurita- nien, Mohamed Ould Abdel Aziz, qui a détruit le fichier électoral lors de son arrivée au pouvoir en 2008, et figé l’état civil, rendant ainsi l’exercice démocratique illusoire. De plus, la liberté d’expression affichée à Nouakchott est très encadrée. « Lorsque je suis dans un lieu public, explique l’avocate, je tourne ma langue sept fois, je ne sais pas qui est autour de moi. Je garde toujours une carte sous la manche, c’est ma porte de sortie. » « À la France, plaide-t-elle, qui a combattu avec courage l’extrémisme au Nord Mali, de nous aider à établir une vraie démocratie. »

Coups d’Etat permanents

Présidente d’un mouvement qui s’occupe de tous les damnés de la terre, l’Association des femmes chefs de famille (AFCF), Aminettou Elmoctar est une autre grande figure de la société civile mauritanienne. Le diagnostic qu’elle fait de l’état de la Mauritanie complète celui de son amie de l’AMDH. Dans la cour attenante à la modeste maison qui abrite ses bureaux, deux jeunes esclaves d’une extrême maigreur sorties des griffes de leurs maîtres rasent les murs, encore apeurées. « Malgré la loi qui en 2007 criminalise l’esclavage, explique cette Mauritanienne, aucune poursuite n’est jamais engagée. » Le pouvoir mauritanien n’est pas plus sensible à la cause des femmes qu’aux traces de l’esclavage. Le 8 mars 2012, journée des femmes, une grande manifestation de quatre mille personnes, organisée pour demander le vote d’une loi criminalisant les violences conjugales, était autorisée. Nous étions, à l’époque, quelques semaines après le début du Printemps arabe. Le pouvoir mauritanien était condamné à lâcher du lest s’il ne voulait pas provoquer la colère populaire. Un an plus tard en revanche, la situation n’est plus la même. La manifestationprévue pour la journée des femmes, le 8 mars 2013, a été interdite. « À quelques mois des élec- tions législatives de novembre 2013, explique cette militante, la présidence ne tolère plus que les initiatives organisées sous sa tutelle. »

Depuis 1978, un militaire en chasse un autre au sommet de l’État. Le pouvoir ne tient que par la peur qu’inspire le Basep, la super-police présidentielle. Une économie qui devrait prospérer grâce à des matières premières abondantes est entièrement vampirisée par le clan de la présidence. Face à ses alliés, le régime mauritanien cherche à donner toutes les apparences de la démocratie. Des élections législatives sont prévues en novembre 2013, mais avec deux ans de retard

sur les dates prévues, et sans la participation des vrais opposants, qui qualifient le scrutin de farce électorale. La presse est pluraliste, parfois même virulente, mais sans moyens véritables, elle est très peu distribuée. Les lois sont sans doute exemplaires, notamment en matière de corruption, mais elles ne sont pas appliquées par une justice aux ordres. Comme sous les dictatures passées de Ben Ali et de Moubarak, la lutte contre l’intégrisme violent est le prétexte invoqué auprès des Occidentaux pour justifier les mesures attentatoires aux libertés, comme l’explique le fringant directeur d’Internet au ministère de l’Information, Abdallah Yacoub Hommatollah. « Nous sommes certes tous des démocrates, mais il faut repenser l’action démocratique compte tenu du danger que représente l’islam radical. »

À l’époque de Nicolas Sarkozy, la faute de la France fut de « blanchir » le coup d’État de 2008 du président Mohamed Ould Abdel Aziz, qui renversait Sidi Ould Cheikh Abdallahi, que l’on connaît sous le surnom familier de« Sidioka ». Le premier est un général qui a fait ses classes au Basep, le second le seul chef d’État démocratiquement élu dans l’histoire de la Mauritanie. Le soutien de la France aurait dû aller au président légitime.

Le 6 août 2008, le général Mohamed Ould Abdel Aziz prend le pouvoir. L’Élysée, dans un premier temps, dénonce le coup d’État. Profes- seur de mathématiques et ancien ministre de la Pêche sous la présidence de Sidioka, Assane Soumari raconte comment, le 14 septembre 2008, il rencontre Bernard Kouchner et Rama Yade, alors ministres des Affaires étrangères et des Droits de l’homme. Ces deux-là lui prodiguent quelques bonnes paroles. Mais le vent tourne vite. « J’ai vite compris que le virage avait été pris par l’Élysée, en droite ligne de ce qu’avait toujours été la Françafrique. » « Aziz était soutenu par Nicolas Sarkozy, par les Libyens et par les Sénégalais », résume Abdoulaye Mamadou Ba, l’ancien conseiller de Sidioka, le président déchu, qui se confie dans un petit restaurant de Nouakchott, où un policier, depuis la table voisine, surveille le moindre propos qu’il adresse au journaliste étranger de passage. Sous le patronage de l’ancien président sénégalais, Abdoulaye Wade, les accords de Dakar en 2008 consacrent une transition douce à Nouakchott. L’émissaire de l’Élysée, Robert Bourgi, participe même à des meetings de soutien au candidat de l’armée. Le 9 juillet 2009, Aziz est élu à la présidence de la République avec 52 % des voix et toutes les apparences d’une élection démocratique. Le général Aziz se voulait alors « le président des pauvres ». Certes, il n’est pas un pauvre président ! Mais les projets sociaux des premiers mois du règne du président Aziz se sont perdus dans les sables. Désormais, la corruption le dispute au népotisme. 451 hectares de terrains constructibles sont abandonnés à des proches du régime, en vue de l’hypothétique construction d’un aéroport surdimensionné (pouvant accueillir deux millions de passagers dans un pays qui en compte quatre). Le projet, qui aurait dû être inscrit au budget, ne l’a pas été. Lorsqu’il s’agit, dès 2009, d’attribuer à une société anglaise inconnue, Tulow Oil, l’essentiel de la commercialisation du gaz et du pétrole, c’est un cousin d’Aziz, Kemal Ould Mohamedou, qui représente l’État mauritanien. Le propre beau-fils du président est envoyé à Paris, tous frais payés, pour le compte de la première entreprise minière du pays, la SNIM, véritable caisse noire du régime. Deux nouvelles institutions financières sont créées sur mesure pour être immédiatement confiées à des amis dans un pays de quatre millions d’habitants, dont 97 % n’ont pas encore de compte en banque.

Chaque jour, les sites Internet mauritaniens comme Cridem révèlent de graves escroqueries concernant la présidence. Dans l’affaire dite du « Ghanagate », en 2006, le président mauritanien, qui était alors chef de la garde présidentielle, participe à une curieuse négociation commerciale avec un homme d’affaires irakien portant sur des transferts de fausse monnaie. Sur la bande enregistrée rendue publique, on identifie parfaitement la voix d’Aziz qui, pour se défendre, dénonce un montage sans nier qu’il s’agit de sa voix. Le futur président mauritanien aurait expliqué à l’intermédiaire irakien : « Ils n’ont qu’à prendre 2 millions de dollars dans une des valises » Le 1er avril 2013, le principal parti d’opposition, le RFD, devait demander l’ouverture d’une enquête internationale, en déplorant ce niveau record de « déchéance morale » de la part d’un chef d’État.

L’entourage présidentiel, sans mettre en cause les enregistrements, tente de les justifier maladroitement. « À l’époque, la Mauritanie avait besoin de fonds étrangers », devait expliquer un député du parti majoritaire et proche du président mauritanien. Dans les enregistrements, on reconnaît parfaitement la voix de Coumba Ba, une proche du président mauritanien Aziz. Successivement ministre de la Fonction publique et secrétaire d’État aux Affaires africaines avant d’être nommée conseillère du président, elle joue un rôle apparemment clé dans le trafic de fausse monnaie en 2006. Depuis les révélations du scandale, cette collaboratrice de premier plan a été mise à l’écart.

Des promesses envolées

Mis au ban de la communauté internationale après son coup d’État, le président Aziz a joué un joli coup en se tournant vers la Chine, prête à s’engouffrer dans la brèche. Le gouvernement de Nouakchott trouve un accord avec un certain Haijun Zhang, qui dirige à Pékin la Commission de l’industrie alimentaire et de la haute science technique. Un « Bureau de promotion des investissements sino-mauritaniens » est créé, qui promet la lune : des villas haut standing sur 50 hectares, un hôpital d’excellence, 5 hectares de grandes surfaces, des transports par bus, un projet d’éclairage public à énergie solaire et l’enlèvement des épaves de bateau à Nouadhibou, le premier port du pays. Autant de mirages qui n’ont jamais vu le jour.

En retour, le secteur de la pêche (10 % du PIB, la moitié des recettes d’exportation, 40 % des emplois) est bradé à une obscure entreprise chinoise connue pour des faits de vente illégale d’armes à l’étranger. Le 7 juin 2010, un colonel mauritanien et intime de la présidence a négocié cet accord extravagant pour une durée de vingt- cinq ans. Aucune loi ne peut pendant ce quart de siècle remettre en cause les conditions fiscales et commerciales exorbitantes prévues. Les Chinois s’étaient engagés à investir pour 100 millions de dollars dans des usines de transformation des produits de pêche. Les engagements ne seront pas tenus et obligeront le pouvoir mauritanien à demander une révision dudit contrat.

Créée en France par l’avocat français William Bourdon, qui fut à l’origine de la procédure dite « des biens mal acquis » contre le Gabon, le Congo et la Guinée, après dix ans de combats judiciaires, l’ONG Sherpa a pondu un rapport sévère sur la gestion du pouvoir mauritanien. « La Mauritanie, écrivent ces experts, n’échappe donc pas au phénomène de la malédiction des ressources – également appelé “paradoxe de l’abondance” – qui postule que l’abondance de richesses naturelles accroît paradoxalement la pauvreté et les inégalités. Aux yeux de bon nombre d’observateurs, la corruption constitue la principale dynamique de cette malédiction des ressources qui freine le développement de la Mauritanie. Observons que, selon l’Indice de perception de la corruption (IPC) que l’organisation Transparency International publie chaque année, la Mauritanie figure de façon constante parmi les plus mauvais élèves en ce domaine. » Un rapport du FMI d’août 2012 note que ce pays est l’un des rares à avoir enre- gistré « une détérioration de la gouvernance », notamment au regard de l’indicateur qui mesure le niveau de corruption reçu. Encore aujourd’hui, la Mauritanie figure parmi les pays en développement « les moins avancés » et bénéficie, à ce titre, du dispositif en faveur des pays pauvres très endettés. Selon le dernier rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), un tiers de la population vit avec moins de 1,25 USD par jour, et l’espérance de vie à la naissance ne dépasse pas 59 ans. Seule la moitié des adultes sont alphabétisés.

Postures vertueuses

Comble du cynisme, le pouvoir mauritanien adopte des lois vertueuses. Des stratégies nationales de lutte contre la corruption, hommage du vice à la vertu, sont proclamées. Obligation est faite à tout haut fonctionnaire de déclarer l’état de ses biens, mais personne ne se plie à cette règle. Les réformes du code de passa- tion des marchés publics se multiplient. « La Mauritanie, s’interrogent les experts de Sherpa, ne serait-elle pas l’illustration caricaturale d’une instrumentalisation par voie d’affichage et de déclarations publiques de la lutte contre la corruption avec comme seule ambition non pas de la réduire, mais […] de délégitimer les critiques qui pourraient s’exercer sur la Mauritanie en se “protégeant” derrière ce “parapluie” de belles déclarations ? »

Toujours d’après Sherpa, la Banque centrale mauritanienne (BCM) constitue un rouage important de ce système de corruption généralisée. La BCM est régulièrement mise en cause dans des opérations illégales : manipulations de taux de changes, blanchiment, création et rémunération d’emplois fictifs, achat de matériels d’écoute et d’armes, détournements de l’aide financière extérieure et dépenses extrabudgétaires gouvernementales. Le cabinet Ernst & Young a émis de sérieuses réserves concernant les états financiers de la Banque centrale de Mauritanie des années 2007 à 2010.

La Mauritanie dispose d’importantes ressources naturelles avec des gisements d’or, de pétrole, de cuivre et surtout de minerai de fer. Les investissements ne cessent de croître dans un secteur pourvoyeur de devises. En 2010, environ soixante-six sociétés extractives figuraient sur les cadastres minier et pétrolier en Mauritanie, dont cinquante-trois minières et treize pétrolières, soit le double du nombre de sociétés existant cinq ans auparavant. L’expansion estaujourd’hui devenue vertigineuse. Le nombre des permis attribués a augmenté de 540 % au cours des trois dernières années.

Le secteur public a été pratiquement exclu des attributions des permis de recherche minière en Mauritanie. Seuls deux opérateurs étatiques en ont incidemment bénéficié, dont la puissante société nationale chargée d’extraire le minerai de fer. Le reste a été attribué au secteur privé, notamment à des hommes d’affaires proches du régime. Les défenseurs de l’écologie craignent que le rythme accéléré des attributions de permis ne conduise, à brève échéance, à une sorte de privatisation du territoire mauritanien et à la création de « féodalités » au profit de sociétés privées soucieuses uniquement du profit tiré de l’exploitation des ressources naturelles. Toujours avec la prétention d’afficher une gestion propre, le gouvernement du président Aziz a adhéré à l’Initiative de transparence des industries extractives (ITIE), chargée d’attribuer un quitus de bonne gestion aux États pour la gestion du secteur minier. En février 2013, la Mauritanie a été suspendue par cette ONG. Aucun rapport n’avait été remis entre 2010 et 2012, à l’exception d’un document truffé de chiffres faux sur la mine d’or de Tasiazt, où mille cinq cents travailleurs poursui- vent une grève depuis des mois.

En 2012, la France distribuait encore 80 millions d’euros d’aide et de prêts au gouvernement mauritanien. Officiellement, « la gouvernance » et « le développement humain » comptent parmi les objectifs de l’antenne locale de l’Agence française de développement (AFD), logée dans une des plus agréables villas de Nouakchott, et qui gère l’essentiel de ces fonds. Sauf que l’AFD n’a pas les moyens de surveiller l’usage des aides accordées. Avec quatre agents seulement, dont deux jeunes contractuels, les Français laissent le partenaire mauritanien sans véritable contrôle.

Des vengeurs masqués

Face à ces dérives, les garde-fous ne fonctionnent plus. Les bailleurs de fonds traditionnels ne contrôlent en rien les procédures opaques imposées par le pouvoir en place. La vigilance des grandes institutions financières devrait, en théorie, dissuader Nouakchott de franchir certaines lignes jaunes. Pourtant, force est de constater que le FMI, qui finance ce pays depuis 2010 à coups de dizaines de millions de dollars dans le cadre de la « facilité élargie de crédit », ne prend pas en compte la mise sous coupe réglée de l’économie au profit d’un clan.

Comment continuer à donner le change ? Pour satisfaire les « experts » du FMI et des autres grands bailleurs de fonds internationaux, le gouvernement repousse à plus tard des régula- risations urgentes sur des montants importants. L’exemple de la Banque centrale mauritanienne est symptomatique. Des opérations ont purement et simplement disparu des comptes. La « rançon » de 200 millions de dollars payée par le gouvernement né de la révolution libyenne contre l’extradition d’Abdallah Senoussi, ancien chef des services secrets libyens, n’apparaît nulle part.

8. Moyennant une somme de 200 millions de dollars, débloquée officiellement par l’actuel pouvoir libyen, le président Aziz a livré à Tripoli le colonel Senoussi dans des conditions obscures. Cette rançon a disparu des comptes de la Banque centrale mauritanienne. « Ces fonds sont en lieu sûr », a assuré sans rire un représentant du parti au pouvoir devant l’Assemblée mauritanienne.

Côté FMI, c’est la fuite en avant… On loue les progrès de l’économie, fondée uniquement sur la hausse du cours des matières premières, en laissant la gabegie s’installer. En 2012, le programme étatique EMEL 2012, doté de 120 millions de dollars, est adopté, après la sécheresse de l’année précédente, pour distri- buer de la nourriture aux plus démunis et appro- visionner en semences et en matériel le monde agricole. Le projet tourne au désastre, alors qu’un million de Mauritaniens risquent la famine. Un appel aux dons est lancé ensuite par les Nations unies alors que 120 millions d’euros se sont volatilisés. On marche sur la tête !

Les dernières frasques du président Aziz, ont été dénoncées au FMI dans un courrier anonyme, daté du 9 avril 2012 et fort bien documenté, signé par un mystérieux « Œil de lynx ». La mansuétude dont bénéficie le régime mauritanien serait liée, d’après cet informateur masqué, au lobbying d’un ancien gouverneur de la Banque centrale mauritanienne, Zeine Ould Zeidane, qui a été embauché au FMI. Lorsque ce haut fonctionnaire était encore à Nouakchott, il avait adressé aux différents départements ministériels impliqués dans la négociation avec le FMI une note leur conseillant d’adresser de faux chiffres au FMI. Depuis, l’ancien gouverneur de la BCM est resté très proche du pouvoir mauritanien, dont il défendrait habilement les positions, toujours d’après le courrier anonyme, au sein de l’institution prestigieuse où il travaille aujourd’hui.

Dans cette note sur le problème de données avec le FMI, le gouverneur de la Banque centrale qu’était en 2004 Zeine Ould Zeidane recommande à ses collabora- teurs de « ne plus communiquer sur les données du passé mais exclusivement à partir de fin 2004 […] Les avantages d’une telle position, écrit-il, sont : (i) éviter le misreporting sur le passé, (ii) focaliser les discussions sur les politiques et programmes à court terme et à venir, (iii) maintenir le doute sur les données historiques et ne pas embarrasser le FMI et la Banque mondiale de leur myopie caractérisée sur plusieurs décennies. » À la fin de cette note, le gouverneur écrit : « Il faudra une solidarité totale de l’équipe économique dans cette option. » Autrement dit, il ne faudra à aucun prix divulguer ces petits arrangements avec la vérité comptable.

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