Algérie-France/ Massacre de masse ou génocide : Une inutile demande de repentance
14 mai 2015
Algérie-France/ Massacre de masse ou génocide : Une inutile demande de repentance
par le Professeur Chems Eddine Chitour, Ecole Polytechnique d’Alger
« Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. »
Citation attribuée à Etienne de la Boetie
Une saturation, c’est ainsi que l’on peut observer la propension des médias et intellectuels à témoigner rituellement autour du 8 mai 1945 et ceci en l’absence de réactions de la part des pouvoirs publics mis à part le disque rayé réchauffé chaque année par l’unique et les mots de la langue de bois de quelques politiques en mal de légitimité pour être dans le vent.
J’ai pour ma part donné mon avis il y a trois semaines dans une contribution où je m’interrogeais sur cette façon singulière de commémorer le 8 mai 1945 un mois avant en présence d’un représentant de l’ancienne puissance coloniale responsable de cette tragédie, venu distiller quelques mots qui ne veulent rien dire et qui sont de mon point de vue une reculade par rapport à ceux prononcés par l’ambassadeur de France il y a dix ans à Sétif.
Au moment où en France on commémore le moindre évènement et sans tomber dans la concurrence victimaire on fait venir la planète entière pour défiler contre la barbarie. Cette même barbarie qui a été vue en mai -juin 1945 déferler sans retenue en face de miséreux qui prétendaient vouloir être libres. Les organisateurs du PPA avaient un avant-goût des méthodes du pouvoir colonial quelques jours auparavant à Alger où il y eut lors de manifestations quelques morts. Ils savaient à qui ils avaient affaire le connaissant depuis plus de 115 ans. Fallait-il lancer des Algériens sans défense en face de la puissance de feu du pouvoir colonial ? Il n’empêche que ce jour-là ce fut l’horreur et comme affirmait Boumediene, « J’ai vieilli prématurément. Ce jour-là, le monde a basculé. Même les ancêtres ont bougé sous terre. Et les enfants ont compris qu’il faudrait se battre les armes à la main pour devenir des hommes libres. »
L’invasion ou la fin d’un monde
Le 14 juin 1830, le général de Bourmont – le vaincu de Waterloo- débarqua sur le sol algérien à Sidi Fredj. Ce fut la fin d’un monde. La conquête jamais achevée sera âpre, rude et violente, longue de plus d’un siècle, au cours duquel émergeront le Bon, la Brute et le Truand : des généraux partisans de l’ethnocide, des théoriciens de la colonisation, défenseurs de l’expropriation des indigènes, et des missionnaires qui n’avaient de cesse de faire retrouver à l’Algérie son substrat originel chrétien après avoir enlevé la gangue musulmane. Au nom de la France et au nom de la religion, imaginons une armée qui s’installe par le droit du plus fort, qui tue, viole, pille, ruine de paisibles citoyens pour la rapine mais aussi, et rapidement pour installer des colons qui avaient tous, à des degrés divers, une vie ratée derrière eux. Des stocks d’or et de bijoux constituant le trésor de La Casbah furent pillés par des généraux sans être inquiétés. L’imagination déchaînée et bestiale des premières décennies de la conquête sera « très riche ». On payera des spahis à 10 francs la paire d’oreilles d’un indigène, preuve qu’ils avaient bien combattu. On ne peut mieux résumer cette période noire avec les mots de Jaures citant Clemenceau le 27 mars 1908 : « On a tué, massacré, violé, pillé tout à l’aise dans un pays sans défense, l’histoire de cette frénésie de meurtres et de rapines ne sera jamais connue, les Européens ayant trop de motifs pour faire le silence (…). Rien n’est plus contraire aux intérêts français que cette politique de barbarie. »
Les mois de mai funestes de l’invasion coloniale :
Le mois de mai 1845
Dans une contribution précédente, j’avais constaté que les mois de mai ont souvent été funestes pour l’Algérie. Par un hasard tragique, les mois de mai ont constitué des haltes pour la barbarie. Ce fut d’abord, les enfumades du Dahra en mai-juin 1845. Les tribus de Oued Riah dans le Dahra ont été enfumées à l’époque de Bugeaud, Cavaignac et le plus sinistre d’entre eux, Saint Arnaud, dont Victor Hugo a pu dire qu’il avait les états de service d’un chacal. « Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, imitez Cavaignac aux Sbéhas ! Enfumez-les à outrance comme des renards » s’exclame Bugeaud En 1845, un siècle avant les massacres du 8 mai 1945 et son lot de plusieurs milliers de victimes, le général Cavaignac avait inauguré » l’ancêtre de la « chambre à gaz » que le colonel Pellisier utilisera pour mater l’insurrection des Ouled Riah dans le Dahra. (1)
Le sommaire des massacres de masse de mai 1945
Je ne reviens pas sur les motifs : des Algériens ont été sommairement exécutés, incinérés morts ou vifs dans les fours de l’usine de fabrication de chaux de Guelma. Des condamnations arbitraires et une répression, au summum de la tyrannie d’une entité humaine qui n’avait commis de tort que celui de manifester dans le calme et la sérénité pour exprimer son droit à un avenir meilleur articulé autour de l’indépendance de sa patrie. Un génocide contre l’humanité, perpétré par l’État français sous les ordres du général de Gaulle, qui s’est soldé par la mort de plus de 45.000 Algériens. Des témoignages émouvants démontrant la cruauté d’un empire en décadence et le rêve de quelques nostalgiques, comme le général de Gaulle de préserver cet empire chancelant. Des atrocités qui sont loin d’être énumérées. La gendarmerie française a crucifié un Algérien pour juste simuler la crucifixion du Christ, des militaires éventrant des femmes en guise de pari sur le sexe d’un foetus, telles sont les séquences de l’une des plus sombres et sinistres occupations qu’a connues l’humanité » (2)
« L’utilisation des moyens militaires d’une telle importance et l’implication de l’armée dans ces massacres, ne pouvait se faire sans l’aval de la haute instance française de l’époque. 30.000 soldats en Algérie, dont 15.000 dans la région oranaise, 12.000 dans le Constantinois et 3000 au Sud. Plus de 28 avions entre chasseurs et bombardiers ont été utilisés dans la répression des événements de mai 1945. Des milices d’européens, des colons, ainsi que la légion étrangère, constituée d’une majorité de français, des marocains, et des tirailleurs sénégalais ont eu tous les mains sales. Les autorités avaient mobilisé, également, les prisonniers italiens pour participer aux crimes. Sur le plan logistique, la France, sans aucune retenue, avait donné le feu vert à l’armée pour intervenir et faire usage de l’armement lourd. Un arsenal militaire très impressionnant : blindés, avions, étaient à l’oeuvre. Rien que sur la région de Guelma, dira-t-il, l’aviation française a mobilisé 28 avions pour la bombarder, à raison de 20 raids aériens par jour. La marine a pour sa part participé au carnage par le tir de plus de 800 obus, gros calibre, de la mer jusqu’à Kherrata. » (2)
La preuve que la curée a duré jusqu’en septembre : « 166 condamnations à mort ont été prononcées, dont 33 exécutées contre les manifestants, Jean-Louis Planche, historien, très au fait des événements du 8 mai 1945 auxquels il a consacré une étude très recherchée, a parlé des massacres effroyables qui ont duré quatre mois. Il dira que « le 1er septembre 1945, un camion s’est présenté au cimetière civil de Constantine pour décharger des cadavres encore frais dans une fosse commune. Les massacres se sont poursuivis bien après le mois de mai. » (3)
Le général Duval le « boucher du Constantinois » devant cette barbarie, pouvait à juste titre, promettre un sursis au pouvoir colonial : « Je vous ai donné la paix pour 10 ans, si la France ne fait rien, tout recommencera en pire et probablement de façon irrémédiable. ». Il eut raison ; moins de dix ans plus tard, six hommes qui n’avaient pour toute arme que leur conviction chevillée au corps, la liberté, rien que la liberté, toute la liberté, firent jaillir la Révolution du premier novembre qui pendant huit ans et demi marqua l’actualité internationale par la justesse du combat et la bestialité de la répression du pouvoir colonial. Des thèses se soutenaient à cette époque aux Etats Unis et l’aura de la révolution , ne fut pas il faut bien le dire, entretenue, elle ternit au gré des différents pouvoirs post-indépendance qui dilapidèrent ce capital de sympathie mondial
Les massacres de mai 1956
J’ai lu dans une contribution paru sur le journal Liberté, un autre fait honteux du pouvoir colonial cette fois-çi pendant la guerre de Libération : « Ces faits lit-on, ne sont pas tirés d’un film de fiction, mais d’une réalité vécue durant la guerre de Libération nationale. Des survivants, à l’image de Nour, témoignent et d’anciens appelés de l’armée coloniale, à l’instar d’André, confirment. Le 8 mai 1956, du côté d’El-Milia, dans le Nord- Constantinois, une section de l’ALN s’attaque à une unité de l’armée coloniale sans faire de victime. Le 11 mai, jour de l’Aïd es-Seghir, l’armée coloniale procède à un ratissage auquel prendra part le 4e BCP stationné à El-Ancer. Une jeune fille d’Oudjehane qui se dirigeait vers la source d’eau, est harcelée par un militaire qui, cherchant à abuser d’elle, s’est isolé de ses collègues. Les cris de l’enfant alertent le père qui se précipite pour sauver sa fille des griffes de la bête. S’ensuit une rixe entre lui et le soldat. Les collègues de ce dernier rappliquent et tirent à bout portant sur le père. Ce dernier est mortellement touché, mais une balle de la rafale touche aussi le soldat. Les faits seront maquillés par le capitaine commandant le 4e BCP en une attaque menée par les villageois contre la patrouille. Ce jour-là, tous les hommes du hameau d’Oudjehane présents dans le douar, dont des enfants, seront froidement exécutés. Le bilan officiel est de 79 morts pour une population de 300 personnes. Pour haut fait d’armes, le capitaine commandant le 4e BCP est décoré de la croix de la valeur militaire ! » (4)
Les massacres de masse des Algériens. Un état des lieux ? Un jour ?
Que faut il conclure de ce rituel du 8 mai 1945, au passage est vécu d’une façon festive (la fin de la guerre) en France, et d’une façon-malheureusement indifférente en Algérie si ce n’est le minimum syndical de l’Entv et des chaînes algériennes off shore pyromanes qui présentent cela comme un choc de civilisations. ? De mon point de vue et dans l’attente hypothétique d’une remise à plat de sa responsabilité par la France, on a tort de ramener épisodiquement la demande de reconnaissance de ses crimes contre l’humanité à l’ancienne puissance coloniale uniquement pour l’épisode parmi des centaines d’autres de mai 1945.
Pour évaluer même approximativement le nombre de victimes algériennes en 132 ans, citons pour commencer l’étude magistrale Mohamed Abassa qui fait d’une façon élégante mais sans concession le procès du magister dixit de l’Occident : « Epopées odieuses dont s’est inspirée l’armée coloniale française pour tenter d’éteindre à jamais la race algérienne. A l’arrivée, par la force, de la France en Algérie, la population algérienne était estimée entre sept et huit millions d’habitants. En 1920, elle était estimée par l’administration coloniale à sept millions d’individus alors que normalement elle aurait dû être, atteindre statistiquement, sur la base d’un taux de progression démographique moyen, pendant un siècle, les 11 millions d’habitants. Où sont donc passés les quatre millions d’Algériens manquants selon les prévisions des calculs démographiques ? C’est tout simplement les effets différés et cumulés de la politique de 100 ans d’exterminations,(…) Ce que qualifieront Victor Hugo, Jules Ferry et Alexis de Tocqueville de « marche de la civilisation sur la sauvagerie ». Ce à quoi répliquera tranquillement l’Emir Abdelkader : « Non, messieurs des Misérables c’est votre sauvagerie qui marche sur notre civilisation. Je reconnais vos traces et vos passages à mes bibliothèques et livres brûlés. » (5)
Si on suit le raisonnement de Mohamed Abassa , nous pouvons déduire ce que furent les massacres de masse en Algérie en ajoutant d’abord les dizaines de milliers de morts algériens sur les théâtres de guerre pour la France à partir de 1837, Pour rappel et comme rapporté dans l’Encyclopédie Wikipédia : « Les régiments de tirailleurs algériens écrivirent pour l’armée française parmi les pages les plus glorieuses de son histoire6. Ils participent à toutes les campagnes du Second Empire et de la IIIe République : guerres de Crimée(1854-1855), où ils gagnèrent leur surnom de « turcos », et d’Italie (1859), campagne du Sénégal (1860-1861) et de Cochinchine (1858-1862), guerre du Mexique (1862-1867), guerre franco-prussienne de 1870-1871 en Lorraine, aux armées de la Loire et de l’Est, campagnes de Tunisie (1881-1883), du Tonkin (1883-1886), de Madagascar (1895), campagne du Maroc de 1907 à 1912. Ils s’illustrent ensuite durant la Première Guerre mondiale, notamment lors de la bataille de Verdun en 1916, puis durant la Seconde Guerre mondiale, en Tunisie (1942-1943), en Corse (1943), en Italie (1943-1944), sur l’Île d’Elbe (1944), en Provence (1944), dans les Vosges (1944), en Alsace (1944-1945) et en Indochine plus particulièrement à la Bataille de Điện Biên Phủ en 1954 ».
Toujours sur l’ Encyclopédie Wikipédia , on lit : « En 1854 lors du siège de Sébastopol (Guerre de Crimée (1853-1856) ) sur 2 800 tirailleurs envoyés en Crimée plus de 900 sont tués ou blessés. Durant la guerre de 1870-71, les trois régiments de tirailleurs (environ 9 000 hommes) sont envoyés en France où ils combattent lors des batailles de Wissembourg et Frœschwiller-Wœrth. Les régiments sont décimés et après Frœschwiller, le 2e Tirailleurs ne comptent plus que 450 hommes valides sur 3 000 . Après la défaite de Sedan du 2 septembre 1870, un régiment de tirailleurs combat dans l’Armée de la Loire Leurs pertes sont estimées à 5 000 tués La Marche des Tirailleurs ou Chant des Turcos relate l’exploit du 2e Régiment de Tirailleurs Algériens à Froeschwiller le 6 août 1870. Les Tirailleurs chargèrent les canons prussiens et furent anéanti à 90%. On évalue à plusieurs dizaines de milliers de morts les indigènes algériens morts pour la France pendant les deux guerres mondiales ».
Si on y ajoute les dizaines de milliers de mort du carnage de mai 1945, le million de morts de la Révolution de novembre 1954. C’est au total au bas mot 5 millions d’Algériens qui passèrent de vie à trépas pour des causes diverses : l’acharnement bestial de l’armée d’Afrique, les famines et la maladie qui eurent leurs dîmes de plus d’un million et de mi de morts, ensuite les vies « offertes » pour la gloire et l’honneur de la France et enfin la répression du pouvoir colonial pendant une durée de 132 ans d’une occupation sans partage envers un peuple qui n’aspirait qu’à vivre dans la dignité. Un simple calcul – à titre indicatif montre que pendant les 132 ans soit 13500 mois , c’est en moyenne 360 morts par mois, 12 morts/jour ou encore un mort de mort violente toutes les deux heures pendant 132 ans.
C’est donc bien un génocide dans la durée avec un traumatisme toujours actuel cent trente deux ans après, nous n’arrivons pas à guérir de cette invasion d’un beau matin de juillet 1830, nous n’arrivons pas à faire notre deuil du fait de l’arrogance à géométrie variable de la puissance qui seule se croit autoriser à dicter la norme, de ce que c’est qu’un massacre, un génocide…
Notre irrespect pour les héros durant l’histoire de l’Algérie
L’histoire de l’Algérie est une suite de combats pour la dignité et la liberté et ceci depuis près de trois mille ans dès l’avènement des Amazigh. Notre errance actuelle vient de notre malvie identitaire. Après l’indépendance, les différents pouvoirs n’ont pas joué la sérénité du fait qu’un pan entier de la dimension du peuple algérien a été ignoré voire combattue. De ce fait, les pouvoirs en place , continuant l’œuvre de déni du pouvoir colonial , ont créé uen histoire qui se limite globalement à l’avènement de l’Islam au Maghreb, une amnésie de plus de dix siècles , quelques allusions à l’Emir Abdelkader pour focaliser principalement l’histoire du vécu de ce peuple sur uniquement la Révolution de Novembre qui- aussi glorieuse fut elle- n’est qu’un épisode de l’épopée du peuple algérien qui a connu huit envahisseurs et qui les a soit assimilé soit bouté hors du pays
Comment veut-on, alors, écrire une histoire si on fait dans la sélection des faits en fonction des circonstances ? L’histoire n’est pas une grande surface où on ne prend que ce qui nous intéresse. Elle s’apparente à une vente concomitante où nous devons assumer le meilleur comme le pire. Nous devons sans exclusif mettre à l’honneur celles et ceux qui sont morts pour la patrie. Notre histoire remonte à trois mille ans Jugurtha était à sa façon un moudjahid. Dans ce cadre et sous le titre « Les martyrs oubliés » le journaliste bien connu El Yazid Dib parlant du deux poids deux mesures de l’attribution de chahid écrit : « L’article 10 de la Loi n° 99-07 du 5 avril 1999 relative au moudjahid et au chahid n’octroie le statut de chahid qu’au « moudjahid tombé au champ d’honneur ». L’article 5 de la même loi définissant le moudjahid stipule « est considérée comme moudjahid toute personne qui a participé à la révolution de la Libération nationale durant la période allant du 1er novembre 1954 au 19 mars 1962 ». (…) L’Emir Abdelkader, Lalla Fatma Ns’oumer, Cheikh Bouamama, Cheikh El Mokrani, Cheikh El Haddad, les enfumés du Dahra, les déportés, les mutilés et les nombreuses victimes des successives insurrections qui ont émaillé la chronologie nationale et des milliers d’autres, morts pourtant pour l’Algérie ne sont pas juridiquement des martyrs » (6)
« Dans chaque bourg, poursuit-il dans chaque hameau, là où l’injustice, le mépris et l’humiliation sans face étaient pratiqués, des Algériennes et Algériens avaient connu au fil du temps les pires sévices, les pires atrocités et les exécrables exécutions sommaires. Il n’y avait pas cependant le Front de libération nationale. ! La lutte ne s’était jamais arrêtée. (…) Chez nous, l’oubli est à l’affût d’une certaine mentalité. L’amnésie. C’est pourquoi l’acte de revivifier en permanence la mémoire, la conserver n’est qu’une foi citoyenne et nationaliste. (…) Toute nation démunie de conscience historique reste vulnérable aux altérations des faussaires et des contrefacteurs de son histoire. » (6)
Justice aux morts et paix aux vivants
Le 8 mai1945 a été pour la France, un jour de liberté de gloire, compréhensible quand on sait ce qu’ils ont subi pendant quatre ans. Ce qui est contradiction avec son comportement en Algérie en face d’un peuple qui aspirait à la liberté et qui longtemps a cru à la liberté, l’égalité, la fraternité, le fameux triptyque que nous ânonnions à l’école. Sans tomber dans la concurrence victimaire, c’est tout le bréviaire de la colonisation qui est en accusation. Du fait que ces faits sont imprescriptibles on se prend à rêver d’un tribunal qui rendrait justice aux morts et qui apporterait la paix aux vivants. Un tribunal qui jugerait même à titre posthume les Bigeard, Les Saint Arnaud les Achiary, les Bugeaud, tous les Aussarresses qui ont martyrisé l’Algérie. Combien de cadavres devons-nous cumuler avant de pouvoir accéder au label de génocide et prétendre à un hypothétique repentance ?
Nous faisons fausse route, ce n’est pas l’Algérie actuelle qui fera entendre raison à l’ancien colonisateur. Faisons d’abord notre aggiornamento et consolidons notre propre histoire. C’est une erreur que de restreindre l’histoire récente de l’Algérie à celle d’une « famille révolutionnaire » dont on peut à juste titre s’interroger sur sa valeur ajoutée. En effet, quand on constate des fils de chahid ou de moudjahid ayant atteint le troisième âge toujours enfants qui font leur beurre des glorieux chahids de la période de 1954 à 1962.
Si nous voulons être respectés nous devons assumer notre histoire, toute notre histoire et pas seulement les histoires officielles de part et d’autre. Pour cela comme dirait Jacques Prévert il nous faut chercher la vraie vérité… dans le combat tous les jours. Si nous voulons être respectés nous devons faire émerger à côté des anciennes légitimités, d’autres légitimités celle d’une jeunesse qui ne tourne pas le dos à son passé et qui n’en fait pas un fonds de commerce. Seule la puissance scientifique et technologique nous amènera le respect de nos partenaires et il est illusoire d’attendre des politiques actuels en France, une quelconque reconnaissance car ce qui est en jeu, ce n’est pas la vérité des faits, c’est l’arrogance du plus fort. Nous sommes avertis. La citation de La Boetie, citée plus haut est d’une brûlante actualité.
Notes
1.C.E. Chitour : Les jours de mai funeste http://www.legrandsoir.info/ce-que-fut-la-colonisation-2-le…
2.Massacre du 8 mai 1945 Le Courrier d’Algérie – 06.05.2010.
3. Massacre du 8 mai 1945 : Le Courrier d’Algérie – 09.05.09.
4. http://www.algerie360.com/…/massacre-de-tous-l…/display/true
5 Mohamed Abassa http://www.algeriepatriotique.com/…/une-contribution-de-moh… 15 Avril 2015
6. http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5213342
Article de référence : http://www.lexpressiondz.com/chroni…/analyses_du_professeur_ chitour/215694-une-inutile-demande-de-repentance.html
Professeur Chems Eddine Chitour