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22 novembre 2024

« Il n’y a pas de volonté de vaincre Daesh »


Publié par Saoudi Abdelaziz

Photo DR

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Interview de Ali Ahani, ambassadeur d’Iran en France

Propos recueillis par Romain Gubert et Armin Arefi, 28 mai 2015. Le Point.fr 

EXTRAITS

Le Point.fr : Pourquoi n’arrivez-vous pas, avec la coalition internationale, à repousser l’EI ?

Ali Ahani : Il faut savoir que la coalition internationale formée contre Daesh (acronyme arabe de l’EI) n’est pas du tout sérieuse. Comment est-il simplement imaginable que les États-Unis, avec leur présence en Irak, tous leurs équipements et leurs satellites, n’aient pas été capables d’empêcher Daesh d’entrer à Ramadi ? Dites-moi, qui achète le pétrole de Daesh ? De quelle manière, par quelle frontière ? Cela démontre bien qu’il n’y a pas de volonté de vaincre Daesh.

Accusez-vous les États-Unis et leurs alliés arabes d’un double jeu ?

Tout d’abord, certains pays membres de cette coalition ont leur part dans la création de Daesh et dans son financement. Dès lors, comment peut-on imaginer qu’ils soient sérieux pour lutter contre eux ?

Parce qu’ils sont aujourd’hui directement menacés par les djihadistes ?

Comment ce groupe peut-il bénéficier d’une telle marge de manœuvre en Irak et en Syrie ? C’est impossible à imaginer, à moins d’avoir obtenu un feu vert préalable. D’autre part, la stratégie américaine dans la région est la division des pays musulmans. C’est ce qui s’est passé au Soudan, et ce qu’ils cherchent en Irak, en Syrie et désormais au Yémen. Ils n’ont pas besoin d’intervenir directement. Ils peuvent bien profiter de certains alliés pour le faire à leur place.

La proximité entre la France et l’Arabie saoudite, symbolisée par l’invitation de François Hollande à Riyad, vous agace-t-elle ?

Cette visite a été effectuée en pleine campagne de bombardements des populations innocentes du Yémen par l’Arabie saoudite, ce qui a porté un coup à l’image de la France dans la région.

La stratégie française est toutefois payante, avec des dizaines de milliards d’euros de contrats à la clé.

Il est tout à fait normal que la France cherche ses intérêts économiques plutôt que politiques, même s’il s’agit d’intérêts à court terme. Mais je peux néanmoins vous dire que cette visite a touché l’image de la France.

L’intervention saoudienne au Yémen a pourtant reçu l’aval de l’ONU afin de rétablir le président yéménite légitime face aux rebelles houthis, soutenus par l’Iran.

Les houthis ont gouverné le pays pendant des siècles. Ils sont des éléments de la réalité actuelle au Yémen et ont toujours recherché une solution politique basée sur le dialogue. Ce ne sont donc pas des « rebelles ». Malheureusement, cette initiative diplomatique a été bloquée sous la pression saoudienne. D’autre part, est-il logique que les autorités d’un pays demandent à d’autres pays de bombarder leurs infrastructures ainsi que leur opposition politique ? Sous quel prétexte ?

C’est oublier que jamais les Saoudiens n’auraient laissé les houthis, et par extension l’Iran, s’emparer d’un pays qu’ils ont toujours considéré comme leur arrière-cour.

Avant cette intervention militaire, les frontières saoudiennes étaient calmes. Qu’en est-il aujourd’hui ? Dites-moi quels objectifs militaires ont été concrétisés ? Même les Américains ont avoué avoir été trompés par les Saoudiens en pensant que l’affaire serait bouclée en quelques jours. La résistance yéménite ne permettra jamais aux Saoudiens de l’emporter.

Il existe pourtant une véritable haine vis-à-vis de l’Iran chiite dans les pays et régions sunnites.

Cela ne correspond pas à la réalité. Nous entretenons de très bonnes relations avec les sunnites en Irak et en Syrie ainsi qu’avec la majorité des pays islamiques. Nous leur disons que nous sommes tous musulmans et que nous n’avons aucune hostilité vis-à-vis des sunnites, avec lesquels nous cohabitons. Par ailleurs, il est regrettable que certains pays, en tête desquels l’Arabie saoudite, n’aient pas bien compris la réalité de cette région. Au lieu de chercher une sorte de rivalité avec l’Iran, ils devraient œuvrer à la coopération avec nous. C’est ce que nous recherchons. Bien sûr, l’Arabie saoudite est un acteur important de cette région avec lequel nous pouvons dialoguer et coopérer, mais on ne peut pas accepter qu’elle cherche à déstabiliser la région.

L’Iran est tout de même à l’offensive dans la région, par le biais du Hezbollah au Liban et en Syrie ou des milices chiites en Irak.

Nous ne pouvons être indifférents à ce qui se passe autour de nous. L’insécurité, la division ainsi que la déstabilisation de l’Irak et de la Syrie peuvent contaminer les autres pays de la région. Notre stratégie est donc de tout faire pour coopérer avec les autorités de ces pays pour garantir leur souveraineté et leur intégrité territoriale, ainsi que d’éloigner par là même la menace de notre territoire. Nous avons mis en place une coopération militaire dans la lutte contre Daesh en Syrie et en Irak, suite à leur demande, particulièrement sous forme d’envoi de conseillers militaires, qui a permis de sauver Bagdad et de nombreuses villes (…).

Source: Le Point.fr

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