Le patron de l’Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN) s’est laissé aller à des déclarations pour le moins surprenantes. Dans une interview accordée au « Soir », Jan Bens a déclaré qu’il avait « proposé » des « enveloppes » à l’époque où il travaillait pour Electrabel au Kazakhstan. « C’est une économie de cash avec une corruption invraisemblable », a-t-il justifié.
Et ce n’est pas tout. Il a aussi affirmé que la catastrophe de Fukushima n’avait fait que deux morts… Jan Bens a également confié que ce n’était pas « le grand amour » entre Electrabel et lui. « Ce n’est plus le grand Electrabel, a-t-il déploré. Maintenant, le plus important est de faire de l’argent ».
Ses propos sur la corruption au Kazakhstan ont fait des vagues jusque dans la majorité. Jan Jambon, le ministre de l’Intérieur (N-VA), a demandé au conseil d’administration de l’AFCN de faire toute la clarté sur cette affaire. « La crédibilité de l’AFCN et de son directeur est cruciale, peut-on lire dans un communiqué du ministère de l’Intérieur. A fortiori à l’heure où l’agence doit prendre position sur le redémarrage et la prolongation de plusieurs centrales nucléaires ».
Pour rappel, Jan Bens est le directeur de l’instance qui doit décider si les réacteurs microfissurés de Doel 3 et Tihange 2 seront relancés. C’est également l’AFCN qui est chargée d’évaluer les travaux nécessaires à la prolongation de dix ans des réacteurs de Doel 1 et Doel 2 en toute sécurité.
Ces déclarations passent donc très mal dans le chef d’une personne censée être totalement indépendante. « C’est hallucinant, commente le député Jean-Marc Nollet (Ecolo). Pour Jan Bens, tout est normal. Treize mille fissures à Doel 3, ce n’est pas grave. A Fukushima, il n’y a eu que deux morts alors que les autorités japonaises répertorient 1 658 décès liés à la catastrophe nucléaire. Il trouve également normal que les gens issus du monde nucléaire contrôlent le secteur. »
Pour Jean-Marc Nollet, ce n’est pas la première fois que Jan Bens dérape. « Il avait déclaré que la prolongation de Doel 1 et Doel 2 devait être de minimum dix ans pour qu’Electrabel rentabilise son investissement, pointe-t-il. Ce n’est pas son rôle, il doit simplement se pencher sur l’aspect sécuritaire. »
« Pourquoi ne serait-il plus corrompu ? »
De son côté, la socialiste Karine Lalieux estime que les propos de Jan Bens plaident en faveur d’une inspection internationale avant la prolongation de Doel 1 et Doel 2. « C’est consternant la façon dont il minimise la catastrophe de Fukushima, explique-t-elle. Il minimise peut-être aussi les travaux nécessaires à la relance de Doel 1 et Doel 2. C’est pour cela que nous réclamons la venue des experts internationaux avant toute réouverture ».
Selon Karine Lalieux, les propos de Jans Bens sur la corruption au Kazakhstan minent aussi sa crédibilité. « Même si ce n’est probablement pas le cas, le grand public pourrait se dire qu’il est aussi corrompu dans ses fonctions actuelles », explique-t-elle.
Par ailleurs, Jan Bens a déclaré que le projet de loi prolongeant Doel 1 et Doel 2 était une « acrobatie juridique un peu bizarre ». Pourtant, le texte sera bel et bien débattu en séance plénière à la Chambre ce mercredi, avant un vote probablement ce jeudi. « Le gouvernement doit avoir le courage de dire que cette loi est bancale, commente Karine Lalieux. C’est un élément de plus. Il est encore possible de renvoyer le texte en commission ».