L’affaire semble entendue : il y aurait d’un côté l’ours russe complice de toutes les tyrannies, et de l’autre
Nous. Un Nous qu’il est inutile de définir, qui n’a pas de contours, qui n’a pas d’histoire, qui n’a pas d’intentions, un Nous absolu, indiscutable, un Nous en soi, qui nous suffit, nous englobe, nous dépasse, nous habite.
Le discours n’est plus que méthode, une litanie à la gloire du Nous, un catéchisme sans grandiloquence ni mystère, puisque le Vrai est en Nous naturellement, banalement, et imprimé, télévisé, reproduit à l’infini.
Cet Empire qui nous colonise de l’intérieur ne comprend pas ses limites. Il outrepasse, il s’étale, il se poursuit et, lorsque se trouve un obstacle, forcément malencontreux, à son expansion, il n’interroge que l’obstacle. Les Russes n’aiment pas la démocratie, ils sont belliqueux, ils défendent leurs intérêts, ils méprisent les peuples. L’exact contraire de Nous.
Nous se rengorge de toutes les bassesses de l’ennemi, il met en lumière tous ses forfaits, les Ministres de Nous les condamne toujours sans appel, les penseurs de Nous sont toujours dans l’objectif des caméras de Nous, et Nous est toujours dans la position du maître dans sa classe. Nous agit en fonction d’idéaux, toujours, quand les Russes agissent en fonction d’intérêts inavouables.
Nous soutient des démocrates ukrainiens, qui parfois font des quenelles à l’envers et des coups d’Etat. Ce n’est pas contradictoire. Quand Nous arme les gangsters takfiris en Syrie, ce n’est pas contradictoire. Quand Nous détruit l’Irak, bombarde Gaza, crache sur Chavez ou Allende, ce n’est pas contradictoire. Parce que c’est Nous, et que la contradiction, flagrante, n’est jamais dite, entendue, analysée, exposée. Elle est d’autant plus flagrante qu’elle n’existe pas. Pour Nous. Donc elle n’existe pas.
Lorsque la guerre débutera, ce sera de la faute des Russes. Car nous, qu’est-ce qu’on a fait ? Rien. Nous ne pouvons rien faire. C’est Nous qui l’a dit. Nous n’y sommes pour rien. Transportés par un vieil air connu, nous nous dirigeons vers le précipice. Pour le meilleur, croit-on, et pour l’Empire.
(Ce mercredi 5 mars à 18h30, nous nous entretenons avec Saïd Bouamama. Pour ceux qui auraient raté le grand soir, c’était mercredi dernier… http://www.campuslille.com/index.php/lheure-de-lmettre/1850-la-violence-des-riches-cest-lheure-de-lmettre-)
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