Tout d’apport, il est important de rappeler que le 27ème rapport de la cour des comptes a été publié en décembre 2012. Il s’étale sur 125 pages, contrairement à la version publié sur le site web qui n’en contient que 39 pages. Le 27ème Rapport de la Cour des Comptes avait mis la lumière sur les actes de malversation ayant entaché la branche du gaz conventionnel, notamment celui extrait du sous-sol national.
La Cour des comptes préconisait une évaluation globale des lois et règlements qui régissent les domaines de la recherche, de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures en général et du gaz naturel en particulier, afin qu’ils accompagnent l’évolution de la conjoncture nationale et internationale et correspondent aux meilleures pratiques notamment dans les domaines de la fiscalité pétrolière. La cour des comptes exhortait l’ETAP à mettre en place un système d’information intégré qui permet de mieux faire connaitre les réserves nationales et de drainer plus d’investissements aux niveaux de la recherche, de l’exploration et du développement. La cour des comptes l’invitait à développer le système de contrôle préalable du coût de la production du gaz et à revoir les procédures de contrôle et de vérification a posteriori des charges d’exploration et d’exploitation de la façon qui lui permette d’éviter l’engagement de dépenses injustifiées.
La Cour des comptes recommandait à la STEG d’œuvrer à l’accélération du rythme de réalisation des projets programmés pour l’élargissement du réseau de transport et de distribution du gaz naturel, de réviser son système de contrôle interne des procédures de facturation aux fournisseurs et de mettre à niveau le système de mesure du gaz naturel (réparation des compteurs en panne depuis des années) en vue de parer aux anomalies relevées et de préserver les droits de l’entreprise. Malgré la gravité des dysfonctionnements et des dépassements mentionnés dans le Rapport de la Cour des Comptes, le Ministère de tutelle (depuis le gouvernement Hamadi Jebali) refusait de faire le point du secteur des hydrocarbures, de répondre aux griefs recensés, d’entreprendre les suites administratives sur les défaillances relevées, et d’engager des mesures réparatrices qui s’imposent.
Afin d’éclairer le public sur les indicateurs du secteur des hydrocarbures et de contribuer à l’atténuation de la polémique qui a secoué le pays aussi bien au sujet de l’absence de transparence qu’au sujet de la mauvaise gouvernance du secteur, un comité de rédaction s’est érigé au mois de Juin 2015 autour du journal Leaders. Ce comité est formé d’experts indépendants, ayant travaillé auparavant dans les structures publiques relevant du secteur de l’énergie, et qui exercent actuellement dans le privé.
Je remercie vivement les membres du comité de rédaction pour le travail de qualité qu’ils ont entrepris en vue de l’élaboration du dossier intitulé ‘‘La Vérité’’, et pour la pertinence des informations communiquées, quoi qu’ils se soient trop attardés sur le traitement des interrogations populistes :
- Winou el pétrol, la vérité : Les clefs du dossier et L’avis des professionnels
- La Tunisie baigne-t-elle dans l’huile de pétrole ?
- Après le tourisme et le phosphate, le tour de l’énergie ?
- Y a-t-il détournement de la production nationale d’hydrocarbures?
Ce que le public recherchait c’est davantage de lumière sur les défaillances et les carences relevées par plusieurs instances de contrôle public : Cour des comptes, Commission du feu Abdelfettah Amor, Commission tripartite érigée en 2013, et l’Instance supérieure de lutte contre la corruption et la malversation (Samir Annabi). Cependant, à l’affirmation «le Trésor tunisien perçoit près de 80% des recettes», l’analyse des comptes des extracteurs révèle que cette quote-part est théorique vu que ces opérateurs recourent au gonflement excessif des dépenses d’investissement et d’exploitation qui entraîne l’écrasement des résultats bruts pour consentir au Trésor une faible proportion des profits réels. Le papier suivant (Association des malfaiteurs) décrit les techniques illicites utilisées à cet effet
J’aurais souhaité que d’autres compétences indépendantes, comme Kaïs Daly, soient associés à ce travail par souci d’objectivité et d’exhaustivité. J’aurais également souhaité qu’un travail similaire ait été engagé par la Tutelle officielle au courant des premiers mois suivant la publication du 27ème rapport de la cour des comptes (décembre 2012). L’équipe de rédaction a apporté des éléments de réponse suffisamment clairs sur certaines questions juridiques et questions techniques évoquées dans le Rapport de la cour des comptes.
Toutefois, plusieurs problématiques demeurent encore non traitées par le comité de rédaction, soit parce que le 27ème rapport publié sur le net ne renferme pas lesdites problématiques, soit parce que le comité ne s’y considère pas compétent. Il s’agit essentiellement des axes suivants :
- Carences au niveau de la production des études (ETAP et STEG)
- Négligences préjudiciables au niveau du Système d’information (ETAP)
- Défaillances dans le respect des exigences environnementales par les extracteurs
- Infraction du code des hydrocarbures en matière de compensation inter-permis (neutralisation des pénalités)
- Absence de validation préalable par l’ETAP des dépenses de travaux d’exploration
- Pratiques louches dans la concession du champ Chargui, devant être élucidées
- Non application de l’article 26 du contrat de partenariat pour le champ Hasdrubal (non perception de pénalités)
- Existence de lacunes dans la concession de Utique (CO2)
- Surfacturation par les extracteurs du gaz vendu à la STEG (non-conformité qualitative, compteurs avariés pendant 6 ans)
Pour conclure, j’ose souhaiter que le Ministère de Tutelle puisse organiser prochainement une table ronde avec les membres de la cour des comptes et des experts indépendants du domaine pour élucider certaines zones d’ombre.
Par Mohamed Chawki Abid/15 Juillet 2015