Les plus riches ne savent même plus comment utiliser leur richesse
26 juillet 2015
Les plus riches ne savent même plus comment utiliser leur richesse
par Robert GIL – samedi 25 juillet 2015
Selon les travaux, relayées récemment par The Economist, d’Emmanuel Saez de Berkeley et Gabriel Zucman de la London school of economics, les inégalités en matière de richesse, aux Etats-Unis, ont atteint « des niveaux records ». Les 0,1 % les plus riches possèderaient autant que les 90 % d’en bas. Que faut-il en déduire ?
Il faut rappeler qu’il y a 30 ans, aux Etats-Unis, ces 0,1 % possédaient 8 % ou 9 % de la richesse, quand 90 % des personnes en possédaient 35 %. On est ainsi revenu à un niveau d’inégalités comparable à la situation d’avant 1929. Par ailleurs, cet état de fait est mortel économiquement, notamment parce que les 0,1 % les plus riches ne savent même plus comment utiliser leur richesse.
Rappelons que durant les Trente glorieuses aux Etats-Unis, le creusement des inégalités a débouché sur le recours à la dette publique et privée. Ces dettes ont finalement servi à maintenir la croissance dans le pays. Parallèlement, à la fin des années 1970, 67 % du PIB américain était orienté vers les salariés. Ça n’est plus le cas que de 57 % aujourd’hui. Il s’agit là de sommes considérables.
Si nous en sommes revenus, « à un niveau d’inégalités comparable à la situation d’avant 1929 », cela veut-il dire que nous sommes à l’aube d’un nouveau et très important rebond de la crise actuelle ? Ces inégalités sont en tout cas annonciatrices du fait qu’il ne peut y avoir de reprise économique lorsque, chaque mois, en France, par exemple, on compte 20 000 nouveaux chômeurs (en stock) et 60 000 personnes de plus en situation de pauvreté. Un tel niveau de chômage, de précarité et d’inégalités ne peut annoncer une reprise économique que ce soit d’ailleurs en France, dans la zone euro ou même dans d’autres pays. On constate par exemple que le Japon aura un déficit de 10 % du PIB cette année, avec seulement 1 % de croissance.
Par ailleurs, on peut s’attendre à une nouvelle euphorie des marchés financiers, qui continuent à s’endetter et à spéculer. Ni les pouvoirs publics, en Europe en particulier, ni les acteurs des marchés, n’ont tiré de leçons sérieuses de la crise de 2008.
Heureusement, les inégalités sont plus faibles en France qu’aux Etats-Unis, notamment grâce aux leviers sociaux. Mais on voit dans quelle direction s’oriente la France. Le rapport Cotis de 2009, rédigé à la demande de Nicolas Sarkozy, montrait déjà un creusement historique des inégalités, creusement entre revenus du travail et revenus du capital, mais creusement également au sein même des salariés. Une chose est sûre en tout cas. Aujourd’hui, la stratégie mise en place par le gouvernement, qui est globalement une stratégie de compétitivité à l’Allemande, ne peut pas marcher. En Allemagne, la réforme Schröder avait entrainé une baisse de 7 % sur l’ensemble des salaires réels… Or, si tous les pays européens avaient baissé leur salaire de 7 %, nous aurions été confronté à une récession. Cela fonctionne quand un seul pays entre dans cette stratégie, mais pas quand tout le monde le fait !