Condamné mercredi dernier, l’ancien premier-ministre de Kadhafi, Baghdadi Ali Al-Mahmoudi, évoque ses conditions de détention. Et l’affaire Sarkozy.
C’est un homme amaigri et diminué. Vêtu de la combinaison bleue des prisonniers, Baghdadi Ali Al-Mahmoudi, l’ancien premier ministre de Mouammar Kadhafi, a perdu de sa splendeur passée. Nous l’avons rencontré mercredi dernier dans la prison où il est détenu, au lendemain de sa condamnation à mort.
«Je suis triste. Je trouve le verdict trop dur. Je ne mérite pas la peine de mort. Je n’ai pas compris comment le processus judiciaire a fonctionné», explique Baghdadi Al-Mahmoudi, qui semble apprécier le fait de pratiquer son anglais.
Bien traité ou torturé?
Sous les yeux du directeur de la prison, Khaled el-Chérif, le dernier premier ministre de la Jamahiriya libyenne dit avoir été bien traité tout au long de sa détention. Des paroles que l’on a du mal à croire, puisque le 20 mai, lors de la dernière audience du procès, il accusait encore le Ministère public de l’avoir torturé.
Selon son avocat tunisien, Mehdi Bouaouja, Baghdadi Mahmoudi se serait même plaint, il y a huit jours, lors d’une visite de sa famille, d’avoir été «à nouveau torturé»: «On lui a fait inhaler un gaz par le nez et la bouche. Il a failli suffoquer.»
Un membre de sa famille affirme que l’ancien premier ministre est sous Valium et morphine depuis des années. «Nous avons peu d’information sur sa santé. Il est isolé; nos proches toujours sur place ne peuvent pas le voir régulièrement», explique cet exilé libyen.
Etre rejugé à l’étranger
Dénonçant un procès bâclé, sa famille, comme ses avocats, aimeraient relancer le processus judiciaire à l’extérieur de la Libye: «On pourrait organiser un procès ailleurs, avec des juges libyens et basé sur la loi libyenne. Mais il faut un endroit neutre où chacun peut travailler sans pression. Tripoli (ndlr: où a eu lieu le procès) n’est pas sous contrôle, il n’y a pas de gouvernement (les autorités ne sont pas reconnues par la communauté internationale)», assure sa famille, qui redoute que la peine soit exécutée rapidement. La présence de cas de tuberculose au sein de la prison inquiète également ses proches.
Atteint d’un cancer, Baghdadi Mahmoudi apparaît affaibli. Il explique lui-même souffrir d’«une dizaine de maladies chroniques et de problèmes psychiques»: «J’ai une sévère dépression», reconnaît cet ancien médecin, qui dit recevoir tous les traitements nécessaires. Selon un de ses avocats, ce trouble mental s’est déclenché après qu’un des fils de Kadhafi l’a «violenté» en 2011.
Un livre sur Sarkozy
Le rythme des paroles de l’ancien premier ministre se fait plus rapide lorsque Nicolas Sarkozy est évoqué. Khaled el-Cherif n’intervient pas alors qu’il est notoirement connu que les gardes de sa prison n’apprécient pas que les journalistes posent des questions sur celui qui est toujours considéré comme un héros par les révolutionnaires libyens.
En 2012, avant son extradition de la Tunisie vers la Libye, Baghdadi Mahmoudi avait affirmé que Nicolas Sarkozy avait touché 50 millions d’euros de Mouammar Kadhafi pour financer sa campagne de 2007.
Maintient-il aujourd’hui ses affirmations sur l’ancien président français? «Ce n’est pas le bon moment pour en parler. J’envisage d’écrire un livre pour raconter tout cela si on me laisse le temps», répond-il avant d’ajouter: «Sachez que je connais très bien Claude Guéant (conseiller de Sarkozy à l’époque) et Cécilia Sarkozy. D’ailleurs, elle a une meilleure connaissance de la Libye que Sarkozy lui-même.» La question est reposée: «Sarkozy a-t-il pris de l’argent?» Le prisonnier jette un œil à son geôlier et souffle: «Oui.»
(TDG)