Le BDS Algérie et le chemin de Palestine
Il faut encore au peuple palestinien, sur le sol de notre pays, du malheur sur le malheur. Et rester sur l’obscurité des motifs qui disposent une bonne partie de nos élites sur la ligne générale de défense de l’Etat d’Israël bien au-delà des séparatistes du MAK, des écrivains, cinéastes, journalistes, hommes politiques, qui ont fait le voyage d’Israël, d’autres qui s’affichent sur photo en amis endimanchés à côté de Bernard Henri Levy ou le remercient pour son apport au printemps arabe. Il sera très difficile de lui expliquer de quelles querelles et contradictions internes il est la victime.
Revenons aux faits et à une histoire résumée. En 2008, le salon du Livre de Paris, est dédié à la naissance de l’Etat d’Israël. Vous avez bien lu : dédié au soixantième anniversaire d’Israël. Une vraie fête de famille, avec bougies. Si vous acceptez l’invitation, vous êtes soit un parent, soit un ami, nous, nous pleurions la Naqba avec les palestiniens. Sous la tutelle bienveillante de l’ambassade de France qui payait les stands, des maisons d’éditions et des écrivains s’activaient à la préparation.
Au plan du concept, on nous préparait à séparer le livre de la politique. «Le village de l’allemand» de B. Sensal venait de paraître. L’auteur signait une histoire qui affirmait le rôle primordial d’un instructeur nazi dans la formation des combattants de l’ALN en jurant ses grands dieux qu’il partait de l’existence réelle de ce village à Aïn D’Heb (la fontaine de l’or) près de Sétif appelé par les habitants «Village de l’Allemand». Le Village de l’Allemand a été créé par René Dunant, fondateur de la Croix Rouge, pour le compte de banques suisses concessionnaires des terres céréalières riches de cette région. Peu importe que Sensal confonde Croix Rouge et Croix Gammée, la France littéraire lui fera, pour service rendu, un triomphe suivi par les libraires allemands et belges. L’essentiel de son roman est un procès de l’Etat algérien accusé de se distraire du devoir d’enseigner la Shoah et de rejoindre les colonnes de la repentance à l’endroit d’Israël.
Le mal était fait et la mission accomplie d’avoir contribué à dresser le portrait d’un Etat algérien antisémite et aux origines nazies. L’année même d’un Salon du Livre de Paris consacré à la naissance d’Israël. L’Etat algérien, dans toutes ses composantes, du ministère de la Culture ou de ses antennes diplomatiques et de renseignement, muet comme une carpe, laissait faire.
L’alerte arrive par un texte de l’éditrice Samia Zennadi qui échappe à la vigilance du journal qui l’a publié le 14 février 2008. Rapidement, une riposte s’organise, provoque une polémique embrasée entre partisans du boycott et maisons d’édition, syndicat des éditeurs, écrivains médiatiques partisans de la participation à l’événement commémoratif de l’anniversaire d’Israël. Le combat des boycotteurs impose leur idée et entraîne un mouvement arabe pour le boycott, au Maroc et en Tunisie notamment. Sur une idée de Samia Zennadi, un groupe d’intervenants dans le livre organise un Salon du livre dédié à Ghaza dans les espaces de la Bibliothèque Nationale. D’autres mobilisations bien plus modestes réussiront à empêcher les manifestations spectaculaires de normalisation avec Israël comme celle de l’invitation d’un chanteur engagé avec Israël ou l’annulation du voyage en Israël du réalisateur du film «El Wahrani».
Les partisans de la participation au Salon de Paris, ont défendu leur position en invoquant la séparation souhaitable de la culture et de la politique. Parmi eux, des écrivains ont réclamé un statut de citoyen du monde comme créateurs. Aucun n’a accusé les boycotteurs d’antisémites ou de nazis en manque de chasse aux juifs.
Le 15 juin 2015 Netanyahu accuse le BDS (Boycott Désinvestissement Sanctions) de ressembler au mouvement nazi : «Ce qu’on a fait au peuple juif à l’époque, on le fait maintenant à l’Etat juif. Nous ne l’accepterons pas… Nous continuerons à résister aux boycotts, et aux entreprises de diffamation et de délégitimation». Ses mots sont dans quelques-uns de nos journaux. C’est tout le chemin de la Palestine qu’il nous faut maintenant remonter. Et le mouvement BDS Algérie n’est même pas encore né.
M.B